Les deux principales puissances impérialistes mondiales viennent d’adresser
un avertissement sans frais à la population palestinienne de Cisjordanie et
de Gaza.
20/12/05
Il y a quelques jours, la Chambre des représentants des USA d’une part et
Javier Solana parlant au nom de l’Union Européenne d’autre part, ont
clairement annoncé que le soutien financier apporté à l’Autorité
palestinienne serait remis en cause en cas de victoire électorale et/ou de
participation à « cette administration » d’organisations qui ne condamnent
pas la violence ou qui ne reconnaissent pas l’Etat d’Israël.
Le message adressé aux Palestiniens est sans ambiguïté : l’Impérialisme ne
tolérera pas que les Palestiniens choisissent une représentation politique
qui n’accepterait pas la soumission et qui refuserait de liquider leurs
aspirations nationales en échange de quelques miettes politiques et de
nombreuses prébendes individuelles.
Le contraste est frappant entre l’enthousiasme manifesté par ces mêmes
gendarmes de l’ordre impérialiste mondial, protecteurs de l’état sioniste,
lors de l’élection de Abu Mazen il y a moins d’un an et la réaction brutale
au lendemain des résultats des élections municipales palestiniennes.
Quand l’élection à la Présidence de l’Autorité de « l’architecte » des
accords d’Oslo était présentée comme un signe de la grande maturité
politique des électeurs palestiniens, ce qui permettait de leur décerner un
brevet d’aptitude à la démocratie, le vote massif en faveur des
organisations qui ont refusé d’abdiquer et de renoncer aux revendications
nationales est cette fois présenté comme un événement politique qui met en
danger les efforts de la communauté internationale « en faveur de la
population palestinienne dans le besoin. »
On retrouve dans la morgue impérialiste de Solana les intonations
traditionnelles des propriétaires à l’égard des exploités : les puissants
veulent bien être généreux et aider les pauvres et les opprimés à supporter
leur misère mais il n’est pas question que ces gueux s’avisent de prendre la
parole, prétendant confier la défense de leurs intérêts à des gens qui ne
sont pas conformes aux normes politiques et idéologiques fixées par les
représentants de la « démocratie impérialiste », ce modèle universel dont
devraient s’emparer les peuples reconnaissants.
Or, lors de ces dernières élections, la population de Cisjordanie a infligé
une raclée aux candidats du Fatah, parti qui a totalement lié son sort à
l’Autorité palestinienne.
A Naplouse, à Jénine et à al Bireh le Hamas a taillé des croupières à l’ex.
tout puissant Fatah, le mouvement créé par Arafat et qui, après avoir dominé
l’OLP s’est octroyé la quasi totalité des postes et des responsabilités dans
l’administration de l’Autorité palestinienne.
Des manœuvres de l’Autorité ont empêché la tenue des élections à Hébron,
mais nul doute que dans cette ville le Hamas est en mesure de remporter une
victoire équivalente à celle de Naplouse (13 sièges sur 15)
Dès lors, sachant la force du Hamas à Gaza, le doute n’est plus possible :
Il existe une très forte probabilité d’un effondrement des candidats liés
aux partis participant à l’Autorité Palestinienne lors des élections du
Conseil législatif prévues fin janvier.
Ceux qui ont été jugés acceptables par le gouvernement US et les Européens
ne semblent plus en mesure de faire face aux obligations qu’ils ont
contractées en échange du soutien apporté par les généreux sponsors du «
processus de paix ».
Quand l’Impérialisme s’impatiente et menace.
Sommé de mettre en œuvre les demandes israéliennes et américaines de
réprimer toute volonté de résistance, Mazen tergiverse depuis des mois.
Quant à ceux qui, comme Dahlan et Rajoub, n’auraient aucun état d’âme à
réprimer à grande échelle, il n’est pas certain qu’ils en aient les moyens.
Le résultat des élections a accéléré la crise interne du Fatah et le
problème posé par le succès du Hamas est d’autant plus aiguë que les
solutions de rechange encouragées par l’Impérialisme ne sont pas prêtes.
La liste présentée par Hanan Ashrawi et emmenée par Salem Fayad aurait les
faveurs des supporters de la globalisation capitaliste au MO : une tête de
liste ancien haut-responsable à la Banque Mondiale, voilà qui présente quand
même mieux que le dirigeant emprisonné d’une organisation jugée terroriste
par les généreux bienfaiteurs de la Palestine !
Mais, et c’est « un détail » d’importance, si ceux-là peuvent représenter
une solution de rechange au Fatah en voie de désintégration pour une partie
de la bourgeoisie palestinienne favorable à Oslo ( la liste a des allures de
conseil national du patronat palestinien), ils/elles n’ont aucune influence
au sein de la population et encore moins chez les réfugiés
La coalition du PPP, de FIDA et du FDPLP ne pèse apparemment pas grand
chose.
Quant au Front populaire (FPLP), qui semble être le seul en mesure
d’incarner encore les ambitions modestes d’une gauche palestinienne
aujourd’hui fort éloignée des espoirs ouverts par la première Intifada, il
est lui aussi considéré par les Américains et les Européens comme « une
organisation terroriste » et il n’hésite d’ailleurs pas à s’allier au Hamas,
comme à Bethlehem où la coalition des deux organisations a défait le
propriétaire Fatah des lieux.
Echaudés par l’expérience Abu Mazen dans lequel ils fondaient de grands
espoirs de normaliser la vie politique palestinienne, les responsables
impérialistes n’ont probablement pas trop d’illusions sur la portée de leurs
menaces à court terme.
L’étranglement économique et financier est évidemment une arme redoutable
pour tenter de soumettre les peuples et l’exemple de la politique de
l’USAID, imposant aux ONG palestiniennes qui sollicitent des financements la
signature d’un engagement à ne mener aucune action en faveur de personnes «
liées aux actions terroristes », montre qu’on ne saurait sous-estimer ses
effets destructeurs à long terme.
La totalité des salaires des employés de l’Autorité est assurée par les
financements européens et les conditions d’existence de centaines de
milliers de Palestiniens des territoires dépendent directement de cette
source de revenu. On imagine donc facilement comment cette relation de
dépendance encadre la liberté de choix et la volonté démocratique des
principaux concernés par la menace d’une suspension des versements !
Mais, à court terme, l’efficacité du chantage n’est pas acquise et dans ces
conditions, malgré la répression des forces sionistes qui ont emprisonné ces
dernières semaines des centaines de militants et candidats des organisations
palestiniennes opposées à la capitulation, le résultat des élections au
Conseil législatif risque fort de ne pas être conforme aux exigences
impérialistes et cette perspective suscite l’inquiétude et explique la
brutalité des propos tenus à l’encontre de ces maudits Palestiniens qui
s’obstinent.
Pour les faire céder, une première solution serait de réunir les conditions
permettant à l’Autorité de justifier un report des élections, donnant ainsi
du temps pour que la menace produise ses effets.
Une autre option possible est d’intensifier la pression pour contraindre le
Hamas à se retirer de lui-même de la compétition électorale.
On verra alors si les protestations des représentants de l’Autorité contre «
l’insupportable ingérence des pays financeurs » vont jusqu’à un boycott des
élections, en solidarité avec les exclus…Pour le moment seul le FPLP a
annoncé cette décision en cas d’exclusion du Hamas.
Mais, avec ou sans élections bidon, ceci ne sera pas suffisant et d’autres
moyens seront alors employés.
Ce qui se prépare est une répression ouverte et brutale de toute la
résistance palestinienne, car c’est l’esprit même de résistance qu’ils
veulent anéantir, avec la complicité de leurs comparses, la fraction des
Karzaï de l’Autorité Palestinienne qui, s ‘ils trompent de moins en moins de
Palestiniens, tentent de profiter jusqu’au bout de la légitimité que leur a
conférée l’Impérialisme avec les accords d’Oslo.
Le mouvement de solidarité à l’heure des choix.
Dans ces circonstances il ne suffira pas que le mouvement de solidarité
défende un « droit de choisir » pour le moins très abstrait.
Il faudra se déterminer sur la légitimité d’élections dont seraient écartées
les forces qui refusent de se soumettre.
Il faudra soutenir ceux qui ont fait le choix de la résistance, qui refusent
d’abdiquer leurs droits légitimes et qui, de ce fait, cherchent à promouvoir
une autre représentation politique que celle qui les a amenés à la
catastrophe actuelle.
Chaque jour qui passe ébranle un peu plus la fiction d’une Autorité qui
serait la continuité d’une direction historique légitime défendant les
intérêts du Peuple palestinien.
Il est désormais de plus en plus inacceptable de cacher qu’une majorité de
Palestiniens rejette la clique de collaborateurs obstinés à faire durer
éternellement des négociations fictives au bénéfice de leurs intérêts
personnels et de ceux de l’état sioniste
L’heure est venue de comprendre que les Palestiniens restent très
majoritairement fidèles à leurs exigences de libération nationale.
La colonisation sioniste contraint chaque jour un peu plus les Palestiniens
à choisir entre la capitulation et la lutte de résistance.
La faillite d’une grande partie de ceux qui prétendaient mener le combat de
libération ne leur laisse que peu d’options aujourd’hui et cette situation
durera tant que de nouveaux instruments de lutte n’auront pas été
reconstruits.
Voilà pourquoi ils préfèrent voter pour des organisations qui, si elles sont
apparemment populaires au sein d’une population qui est pourtant aux
premières loges pour recevoir les coups destinés à punir sa résistance,
n’ont pas bonne presse ici, y compris dans le mouvement de solidarité.
On parle ici du Hamas bien sur, cette organisation de la résistance
islamique à l’occupation sioniste de la Palestine qui a pour l’essentiel
refusé la capitulation d’Oslo et dont les militants ne se sont pas
précipités pour empocher « les dividendes de la paix ».
Car il n’est pas si difficile de comprendre pourquoi le Hamas a pu
apparaître comme « le seul défenseur de la population palestinienne »[1]
avec ses quelques centaines de militants armés quand l’Autorité possédait
des forces de dizaines de milliers de policiers armés avec l’accord
d’Israël.
De même peut-on comprendre comment il a pu « assurer des services à la
population par l’intermédiaire des ses écoles et de ses cliniques »[2]
Pour comprendre il suffit de rappeler les engagements pris par Arafat et
Mazen dans les accords intérimaires signés avec les gouvernements sionistes:
ils s’y engageaient à ne pas riposter aux agressions de l’armée israélienne
et à protéger les colonies.
Et il suffit de reconnaître que la corruption a détourné des dizaines de
millions de dollars au détriment de la satisfaction des besoins sociaux de
la population.
Evidemment on ne peut pas dire ces choses sans rompre avec le suivisme à
l’égard d’une direction dont la faillite éclate aujourd’hui au grand jour et
que de plus en plus de Palestiniens veulent écarter des responsabilités.
La plus grande « ingérence » de l’Impérialisme dans les affaires
palestiniennes s’est produite en septembre 1993, quand furent signés les
accords d’Oslo par une direction palestinienne qui a emmené le Peuple
palestinien dans l’impasse tragique dont il tente désespérément de sortir.
Condamner les pressions actuelles des dirigeants impérialistes sans soutenir
l’exigence populaire palestinienne de rupture avec cette politique, c’est
rester soumis à la logique de destruction du Peuple palestinien et de ses
revendications fondamentales.
Le choix de la résistance et le refus du fait accompli de l’Etat sioniste
sont les pré-conditions de toute démocratie dans une Palestine libérée de la
colonisation sioniste et de la domination impérialiste qui veut soumettre la
totalité des peuples de la région.
Les prochaines semaines exigeront que chacun décide du camp qu’il choisit de
soutenir.
[1] voir Claude Léostic sur le site de l’AFPS
[2] idem