Le 5 avril dernier, le Sénat de l’Etat fédéré du Connecticut a voté l’abolition de la peine de mort ; suivant ainsi l’exemple du New Jersey, du Nouveau Mexique, de l’Etat de New York et de l’Illinois qui ont fait pareil au courant des cinq dernières années. La Californie organisera un référendum sur le même sujet au mois de novembre 2012. En outre, le nombre d’exécutions capitales continue de diminuer dans les autres Etats.
Démocratie et peine capitale ne vont pas de pair
La loi doit encore être approuvée par la Chambre des députés du Connecticut, mais il est pratiquement certain qu’elle passera. Il faut savoir que le gouverneur, le démocrate Dannel-Malloy, a accepté d’y souscrire lui aussi. (Dans le système américain, les gouverneurs des Etats fédérés ont le droit de refuser la signature d’une loi)
Etats-Unis, Japon : membres d’un club douteux
Une cruauté rappelant le Moyen Aâge en plein 21ème siècle
Les seuls pays à exécuter encore en public les condamnés à mort sont l’Arabie saoudite, l’Iran, la Corée du Nord et la Somalie. Les cruelles méthodes de l’Arabie saoudite se font particulièrement remarquer. La plupart de ces pays sont connus pour les conditions de vie inhumaines dans les prisons et le nombre très élevé de victimes mortelles lors des arrestations et des interrogatoires.
…aux Etats-Unis
La situation dans la plupart des prisons américaines n’a rien de comparable avec la situation désastreuse de la plupart des prisons africaines, arabes ou asiatiques, mais d’après les normes démocratiques, la situation reste alarmante. Une des contradictions les plus flagrantes de l’image étasunienne est le fait que les circonstances abominables dans les prisons fédérales servent de sujet aux séries télévisées commerciales (Prison Break, par exemple, est un feuilleton très populaire), alors qu’il n’en est pratiquement jamais question dans la vie publique. Cela s’explique sans doute par le fait que la population carcérale US se compose surtout de personnes blanches très pauvres et de personnes issues d’ethnies minoritaires. Dans des feuilletons comme CSI il est question de suspects transplantés dans des Etats où la peine de mort est encore d’application et où cela sert de moyen de pression pour forcer les suspects à avouer.
Drôles d’alliés dans la lutte pour les droits de l’homme
Entre parenthèses, l’Arabie saoudite est, tout comme le Qatar, une des monarchies féodales qui appellent à renverser le régime ‘non démocratique’ de la Syrie : cette attitude hypocrite prend une ampleur épique sans que les médias n’en soufflent mot.
Evolution favorable
Aux Etats-Unis le Connecticut rejoint ainsi les états du Michigan (1846), du Wisconsin (1853), du Maine (1887), du Minnesota (1911), de l’Alaska (1957), du Vermont (1968), de West Virginia (1965), de l’Iowa (1965), du Dakota du nord (1973), de la capitale Washington DC (1981), de Rhodes Island (1984), de Massachusetts (1984), du New Jersey (2007), de l’état de New York (2007) et du Nouveau Mexique (2009)
L’abolition implique la transformation des condamnations non exécutées en prison à vie, sauf au Nouveau Mexique où deux personnes restent en attente de leur exécution capitale. Les Etats du Kansas, du New Hampshire, du Dakota du sud ainsi que l’armée US n’ont plus exécuté aucune peine capitale malgré la réintroduction de la peine de mort en 1976.
La peine capitale existe sur le territoire US depuis l’époque coloniale. Ce qu’on ignore aujourd’hui, c’est qu’entre 1972 et 1976 la peine de mort a été abolie sur tout le territoire des Etats-Unis. La plupart des Etats qui ont aboli la peine de mort, ne l’avaient plus appliquée depuis tout un temps de sorte qu’il y a toujours eu une période de transition avant l’abolition.
Le Sud profond manque à l’appel
Il faut souligner dans ce contexte que ce ne sont pas les Etats soi-disant progressistes de la Nouvelle Angleterre (la partie nord-est des Etats-Unis au nord de l’état de New York) mais que comptent parmi eux également des Etats comme la Virginie occidentale et l’Iowa, qui sont réputés pour leur approche très sévère de la criminalité. De plus, l’abolition n’a jamais été décidée sur base de considérations morales.
La plupart du temps ce furent des objections d’ordre juridique qui jouaient comme l’incertitude à propos de la procédure juridique à suivre, le risque d’exécuter des innocents et les procédures de plus en plus longues et plus coûteuses qui faisaient durer quelque fois le procès pendant plus de trente ans.
Les débats sur l’abolition de la peine de mort ne prenaient presque jamais en compte les rapports fulminants d’organisations telles que Amnesty international qui a toujours condamné radicalement la peine de mort en général et aux Etats-Unis en particulier à cause de son caractère raciste, de l’injustice sociale commise envers et contre les plus démunis, de l’exécution d’handicapés mentaux (dans les semaines à venir on exécutera au Texas un jeune homme avec un QI de 53 ce qui correspond avec une capacité intellectuelle d’un enfant de six ans), et des mises à mort de ressortissants étrangers sans assistance diplomatique aucune de leur pays d’origine (ce en quoi les Etats-Unis sont constitutionnellement obligés).
Attitude passive de l’Union européenne
L’Union européenne ne se plaint quasiment jamais de cet état de choses auprès des USA, seul le Conseil de l’Europe en débat à l’occasion. Les Etats-Unis sont un membre suppléant de cette institution. Le Conseil de l’Europe est une institution qui n’a aucun lien avec l’Union européenne ni avec le Conseil de l’Union européenne des Ministres.
Les Etats-Unis s’en ressentent de temps en temps, entre autres quand ils accusent de violation des droits de l’Homme des pays où la peine capitale existe toujours. Cependant les USA ne remettront jamais en cause la peine capitale dans d’autres pays ni n’appelleront à sauver la vie de certaines personnes.
Le Texas est le seul Etat à contre-courant
L’ex-candidat aux élections présidentielles, le républicain Rick Perry, a en tant que gouverneur du Texas, l’honneur d’avoir signé le plus grand nombre d’exécutions capitales de l’histoire des USA. Il a ainsi battu le record de son prédécesseur George W. Bush. A l’occasion d’un débat durant les présélections présidentielles, il s’en est vanté personnellement. Entre-temps il a été éliminé comme candidat et même les candidats réactionnaires tels que Santorum et Gingrich n’en soufflent mot.
Obama et la peine de mort
Ron Paul est pour l’abolition et, comme dans toutes ses déclarations, Romney garde une attitude vague, gratuite et ambiguë. En tant que membre du Sénat de l’Etat d’Illinois, Obama a voté contre le moratoire précédant l’abolition définitive de la peine de mort. Ce moratoire avait été proposé par un gouverneur républicain.
Le débat sur la peine de mort aux USA (dans la mesure où il en est débattu vraiment) n’est en tout cas pas un point de conflit entre Républicains et Démocrates. Il est un fait que plus de Démocrates soutiennent l’abolition que de Républicains, mais parmi ces derniers il y a aussi des défenseurs de l’abolition, tandis que pas mal de Démocrates continuent à défendre la peine capitale.
Soutien européen à l’état du Connecticut
Chaque exécution en est une de trop. Bref, il reste beaucoup de pain sur la planche.
L’Union européenne n’importune pas les USA sur ce point, contrairement à l’indignation qu’elle manifeste à propos des exécutions en Belarus (il est évident que ces exécutions capitales doivent être condamnées avec raison). L’Union eurpopéenne récolterait cependant une ovation si elle exprimait publiquement sa sympathie pour l’initiative récente de l’état du Connecticut.