Afghanistan: la mauvaise guerre, aujourd’hui comme hier

Depuis des mois, l’Afghanistan est plus meurtrier que l’Irak pour les troupes américaines, qui y sont pourtant cinq fois moins nombreuses (32 000 contre 160 000).

Au total, 1004 soldats étrangers ont été tués en Afghanistan depuis 2001, dont 40% au cours des deux dernières années; 625 étaient Américains (icasualties.org).

De concert avec des seigneurs de la guerre du nord du pays, les forces spéciales US ont renversé le gouvernement taliban en 2001. L’Association Révolutionnaire des Femmes en Afghanistan résume l’épisode en ces termes : « La guerre contre le terrorisme menée par les Etats-Unis a mis fin au régime taliban, mais elle n’a pas mis fin au fondamentalisme religieux, qui est la principale cause de nos malheurs. A la vérité, en réinstallant les seigneurs de la guerre au pouvoir en Afghanistan, l’administration américaine remplace un régime intégriste par un autre. » (rawa.org)

L’OTAN fournit des troupes à la Force internationale d’assistance et de sécurité mandatée par l’ONU (ISAF), qui compte environ 18 000 soldats américains.

En Afghanistan, la plupart des victimes mortelles de la violence sont des civils. Dans un décompte brut et incomplet établi en janvier 2008, la Commission indépendante des droits de l’homme en Afghanistan (AIHRC) dénombrait 900 civils tués, notamment lors de mariages, d’enterrements ou dans des endroits de loisirs pour les enfants. Selon les estimations de l’Agence Chine nouvelle (Xinhua), le nombre des victimes civiles se monterait à 1415 (28 septembre).

Créée sur mandat de l’Assemblée générale des Nations Unies et financée par des donations via l’ONU, l’AIHRC assure que 98% des victimes civiles tuées par les forces de la coalition en Afghanistan ont été visées intentionnellement.

Dans un rapport daté du 2 septembre, Lal Gul, directeur de l’AIHRC, souligne que « les actions des forces de coalition, en particulier des forces américaines, ne sont pas seulement contraires aux droits de l’homme; elles constituent des crimes de guerre ».

Aux violences meurtrières qui font rage dans le pays vient s’ajouter la menace d’une famine cet hiver, conséquence de trois années de mauvaises récoltes. Le Ministère afghan de l’agriculture, de l’irrigation et de l’élevage estime que dans les six prochains mois, le pays aurait besoin de deux millions de tonnes d’aliments de base – blé, farine et riz – pour nourrir les populations des régions isolées.

Bien que les organismes tels que l’Organisation des Nations-Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) peuvent acheminer des tonnes de nourriture vers les principales villes afghanes, il leur sera bien difficile d’atteindre les communautés isolées, qui composent la majeure partie de la population pauvre du pays.

D’une part, le réseau routier a été anéanti par 40 ans de guerre, et d’autre part, la résistance afghane lance des attaques sur les lignes d’approvisionnement pour empêcher le matériel d’atteindre les avant-postes des troupes US ou de l’OTAN éloignés de la capitale. Le prix du transport des vivres par camion de Kaboul à Khandahar, les deux principales villes d’Afghanistan, s’en est trouvé décuplé depuis le printemps, où il était de 1800 dollars. Cette augmentation du prix traduit l’augmentation des risques encourus par les camionneurs (Der Spiegel, 17 octobre).

Syed Saleem Shahzad, directeur du bureau de l’Asia Times au Pakistan, explique que les talibans disposent d’informations si précises sur les ravitaillements des troupes US ou de l’OTAN via le port pakistanais de Karachi que l’ISAF a conclu avec la Russie un accord autorisant le transit de matériel non militaire à travers son territoire (Le Monde Diplomatique, octobre 2008).

Bien que des donateurs étrangers – principalement les Etats-Unis et leurs alliés impérialistes européens tels que la Grande-Bretagne, l’Allemagne et la France – aient fourni à l’Afghanistan une « aide » d’un montant de 35 milliards de dollars depuis 2001, la statistique officielle indique qu’environ 20 millions de personnes sur une population de 26 millions vivent en dessous du seuil de pauvreté (BBC, 17 octobre).

La FAO fixe le seuil de pauvreté à deux dollars par jour. Le taux d’alphabétisation des adultes est de 29%. Dans certaines régions, moins de 1% de la population sait lire et écrire. Un enfant sur cinq meurt avant d’atteindre l’âge de cinq ans.

Alors que le niveau de vie des Afghans baisse rapidement à mesure que la guerre s’intensifie entre le gouvernement client d’Hamid Karzai, soutenu par l’ISAF et les Etats-Unis, et l’opposition, emmenée par les talibans, le gouvernement de Kaboul dégrade également les conditions des femmes.

« Nous avons les mêmes idées que les talibans », remarque le parlementaire Qazi Naseer Ahmad. « Nous voulons appliquer la charia dans notre pays. Les femmes doivent demander la permission de leur mari avant de sortir de la maison et elles ne doivent pas porter de vêtements contraires à l’islam. » (Christian Science Monitor, 21 avril)

Dans ce même journal, on a pu lire qu’en avril dernier, certains membres du parlement ont proposé une législation qui bannirait notamment les t-shirts, la musique amplifiée, la mixité dans les lieux publics, le billard, les jeux vidéo, les activités impliquant des pigeons ou les cerfs-volants, ce qui reviendrait à restaurer les règles appliquées à l’ère des talibans et brandies par les groupes de média américains pour justifier l’invasion menée en 2001 dans le but de les renverser.

Le 31 octobre dernier, le général David Petraeus a pris la tête du Commandement central, devenant ainsi le responsable des opérations militaires américaines en Irak et en Afghanistan. En Irak, il a été l’architecte du « surge », une stratégie basée sur l’envoi massif de renforts qu’il devrait également appliquer à l’Afghanistan. A un détail près toutefois, qui souligne la faiblesse de la position des US dans ce pays : reconnaissant que les Etats-Unis et leurs alliés ne peuvent s’imposer militairement, Petraeus est disposé à entamer des négociations avec les talibans « modérés ».

Pour la population afghane, l’occupation coloniale de l’Afghanistan par les Etats-Unis et leurs alliés est un véritable désastre. Hors de l’Afghanistan, les progressistes doivent demander qu’un terme absolu soit mis à l’occupation et empêcher une augmentation des troupes US et de l’OTAN, même s’il est prévu qu’une telle décision s’accompagne de négociations.

Traduit par Chloé Meier pour Investigaction

Source:

http://www.workers.org/2008/world/afghanistan_1113/

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