Adrien Welsh: “Si le parlement canadien ovationne un nazi, c’est parce que le révisionnisme fait son oeuvre.”

A la suite de l’hommage unanime rendu par les parlementaires canadiens  à un nazi ukrainien, ancien de la Division SS « Galicie », Adrien Welsh, secrétaire national du Parti communiste du Québec et membre du Comité exécutif du Parti communiste du Canada, répond à nos questions.

Un ancien SS ukrainien est ovationné au Parlement canadien en présence du 1er ministre Trudeau et de Zelinsky : Comment cela est-il possible ?

Adrien Welsh: Pour répondre à cette question, un peu d’histoire s’impose. Il faut d’abord comprendre que bien que le Canada ait pris parti dans le camp allié lors de la Seconde Guerre mondiale, comme pour l’ensemble des pays impérialistes, dès la victoire alliée de 1945, il s’est empressé de s’attaquer aux communistes. L’ennemi principal n’était plus le fascisme, mais le « péril rouge ». C’est ainsi que dans les années 1950, des milliers d’Ukrainiens collabos ont été accueillis au pays. Ils ont même pu s’organiser en fondant le Congrès national ukrainien dont le but était de contrer l’influence de l’Association des Ukrainiens unis du Canada, établie au début du XXe siècle par des militants ouvriers – toujours existante d’ailleurs aujourd’hui. Certains, dont le grand-père de l’actuelle Vice-Première-Ministre, Chrystia Freeland, ont édité des journaux et autres publications néo-nazies…

C’est ainsi que le Canada a été l’un des premiers pays, à reconnaitre officiellement le mensonge du « holodomor », la famine soi-disant orchestrée par Staline contre le peuple ukrainien, mythe fondateur du nationalisme ukrainien moderne dont le but est simplement de laver les mains des collabos SS comme Yaroslav Hunka, le vétéran nazi ovationné à la Chambre des Communes la semaine dernière.

J’ajouterais que si une telle provocation, car c’est ce dont il s’agit, est aujourd’hui possible, c’est que le révisionnisme historique fait son œuvre. En Europe, on bannit les monuments communistes et on vote des résolutions qui font l’adéquation entre communisme et fascisme. Ici, on a passé ce cap depuis des décennies : on érige des monuments officiels à la gloire de l’anticommunisme (qui incluent des hommages à des fascistes patentés) et les livres d’histoire nous font croire que le nazi-fascisme a été défait en premier par les États-Unis, le Canada et la Grande-Bretagne sur les plages de Normandie et non sur les berges de la Volga à Stalingrad deux ans plus tôt…

Il est beaucoup plus aisé, dans ce cas, de faire passer un criminel de guerre fasciste comme « libérateur » s’il luttait pour ce qui lui semblait être le « moindre mal ».

Tous ces éléments synthétisés, les Libéraux se sont sentis intouchables à un tel point qu’ils n’ont eu aucun scrupule à inviter cet ancien SS au Parlement, misant sur le fait « que le sang sèche vite en entrant dans l’Histoire », comme le chantait Ferrat…

À la suite de cet événement, le président du parlement a démissionné : s’agit-il d’un simple fusible ou cela cache-t-il plus profondément que le Canada dans son soutien à l’Ukraine accepte le discours des néo-nazis sur l’indépendance de l’Ukraine ?

Adrien Welsh: Bien sûr qu’il s’agit d’un fusible ! Jamais je ne croirai que son invitation ait été cachée aux autorités compétentes : il faut montrer patte blanche pour avoir accès à la tribune où Hunka s’est installé… Il est donc impossible que son invitation n’ait pas été approuvée par des haut-fonctionnaires ou autres haut-gradés proches du gouvernement. Je ne crois pas une seconde aux excuses de M. Rota qui prend le blâme pour lui seul.

Sur la question de l’indépendance de l’Ukraine, je me permets une précision : depuis 1991, l’indépendance de l’Ukraine est actée et reconnue mondialement. En tant que communistes, notre rôle est d’en garantir la souveraineté, tel que stipulé par la Charte des Nations unies. Ainsi, nous ne joignons pas notre voix à ceux qui s’imaginent que cette invasion de l’Ukraine par la Russie puisse être une « opération spéciale ». Inversement, nous refusons l’idée que celle-ci soit « non-provoquée » comme le prétendent l’OTAN et ses alliés, incluant le Canada.

C’est d’ailleurs la position de la majorité de la « communauté internationale » (n’en déplaise à l’OTAN), mais aussi d’une grande partie du mouvement communiste international.

Si révélateur qu’il soit, cet incident scandaleux ne doit pas occulter les questions de fond. Entre la présence de Hunka et celle de Zelensky, il n’y a pas grande différence compte-tenu des liens entre ce dernier et le bataillon Azov… De même, lors de cette visite, le Canada a annoncé 650 millions de dollars d’aides en plus à l’Ukraine (pour un total de 10 milliards depuis février 2022, soit un des plus importants ratios per capita).

On pourrait même aller plus loin en rappelant que quelques semaines avant l’invasion du 22 février, Mélanie Joly [ministre des affaires étrangères du Canada NDLR] se rendait à Kiev « en amie », disait-elle, affirmant que l’Ukraine pourrait – devrait – rejoindre l’OTAN…

Bref, avant même le début du conflit, le Canada avait choisi son camp : celui des fauteurs de guerre de l’impérialisme occidental, celui de cette guerre par procuration de l’OTAN contre la Russie par Ukraine interposée. Et ça, ce n’est pas la démission du président de la Chambre qui va le changer…

Comment ont réagi ton parti et plus largement les forces politiques et syndicales au Québec et au Canada ?

Adrien Welsh : Toutes les forces politiques présentes au parlement fédéral ont ovationné Yaroslav Hunka, y compris le NPD (social-démocrate) et le Bloc québécois (souverainiste). Ce n’est qu’après les faits que la démission du Président de la Chambre a été réclamée… Cette hypocrisie rappelle que tant les sociaux-démocrates comme les souverainistes québécois se rallient à l’OTAN. Autant pour les valeurs progressistes de l’un, autant pour la souveraineté de l’autre !

Au Québec, l’Assemblée nationale a adopté une motion se dissociant de l’ovation réservée à Hunka. Il n’en demeure pas moins que cette même assemblée s’est déjà solidarisée avec l’OTAN et l’Ukraine de Zelensky.

Pour ce qui est du mouvement syndical, tant au Canada qu’au Québec, celui-ci – membre de la CSI – joue le jeu de l’OTAN. Par exemple, alors qu’il faut des mois de discussion en général pour que les différentes centrales syndicales québécoises s’accordent pour une déclaration conjointe, alors que le mouvement syndical déprécie les questions internationales ; il n’a pas fallu plus d’une semaine pour que les principaux syndicats québécois s’unissent derrière un appel à se ranger derrière les positions de l’OTAN contre la Russie !

Ce n’est donc pas un hasard si les forces syndicales se sont tues sur ce sujet… En même temps, il faut comprendre que le courant collaborationniste est tel dans nos syndicats qu’il évacue toute question politique des discussions. C’est comme s’il y avait une relation de sous-traitance entre le syndical et le politique où les questions politiques sont sous-traitées aux partis bourgeois.

Dans un tel contexte, notre Parti vogue carrément à contre-courant. Nous nous sommes empressés de condamner l’ovation de Yaroslav Hunka à travers notre presse anglophone comme francophone. Mais de façon plus fondamentale, nous avons été le seul parti politique à attaquer de ce fait la présence de Zelensky, les centaines de millions de dollars gaspillés dans une guerre de rapine et, plus fondamentalement, à faire le lien entre impérialisme, anticommunisme et fascisme.

Alors que pour les forces politiques « bien pensantes » comme on dit, il s’agit d’une erreur ; pour nous, il s’agit surtout d’un évènement qui rappelle plus que jamais que tant que le capitalisme prévaudra, le nazisme, le fascisme et l’impérialisme seront toujours à l’horizon.

Source : Parti révolutionnaire communistes

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