Aujourd’hui, j’ai gravé mon 80e trait sur le mur. Mon actuel exil italien se décline déjà en 13 jours de tôle et 67 jours d’assignation à résidence. Ca fait 40 jours exactement que le dossier turc d’extradition est arrivé en Italie, 40 jours que la ministre Annamaria Canciellieri n’a pas décidé si je devais être extradé vers la Turquie ou rapatrié en Belgique. Au lieu de négocier un sauf-conduit qui me permettrait de rentrer chez moi auprès de ma famille, les autorités belges disent faire confiance en la justice italienne alors qu’à ce stade-ci de la procédure, la décision est purement politique.
Selon la loi italienne, tant que Madame Cancellieri n'a pas tranché la question, ni le procureur général ni le président de la Cour d'appel de Brescia en charge de l'affaire ne peuvent traiter mon cas.
Pourtant l'accusation turque ne repose que sur une action totalement pacifique et anodine: un chahut survenu au Parlement européen à Bruxelles il y a 14 ans au moment où un ministre turc prenait la parole.
Depuis, le 11e Tribunal pénal d'Ankara (anciennement la Cour de sûreté de l'Etat) demande inlassablement mon extradition quitte à se couvrir de ridicule.
En effet, pour prouver ma dangerosité et ainsi "alourdir" mon cas, la justice turque n'a rien trouvé de mieux que de verser au dossier d'extradition un article tout aussi inoffensif que mon chahut.
Mais l'Europe "démocratique" n'est pas en reste.
User de ma liberté d'expression m'a en effet valu d'être traîné en justice et incarcéré en Belgique, aux Pays-Bas, en Espagne et à présent en Italie.
En 2006, la justice néerlandaise a rejeté la demande turque d'extradition et m'a libéré. En 2009, la justice belge m'a acquitté sur toute la ligne. L'année dernière, la justice espagnole m'a libéré sous caution. Quant à la justice italienne, elle devra finalement s'aligner sur les précédentes décisions européennes, c'est-à-dire renvoyer la demande d'extradition à l'expéditeur.
En attendant, après toute cette cabale absurde, l'Etat belge aurait-il mal au c… de demander à une ministre italienne d'arrêter de jouer avec la vie de l'un de ses citoyens?
Source : Investig'action