Naplouse – 05-03-2006
Rien.. que des Non-informations.
Je travaille au bureau de l'ISM. Le 19 février 2006, les Forces de
l'Occupation Israélienne ont à nouveau envahi le camp de réfugiés de
Balata.
Je me rappelle de la première invasion que Sharon a orchestrée dans les
camps pendant cet intifada, en février 2002. Je me rappelle que je ne
pouvais pas croire ce qui se passait.
Jamais dans mes pires cauchemars je n'aurais cru, si quelqu'un me
l'avait dit, que quatre ans après, une telle horreur deviendrait
"normale."
Les soldats bloquent l'ambulance dans laquelle se trouve le secouriste
blessé, Ihab Mansour, avant de l'enlever.
Les volontaires de l'ISWPS et de l'ISM m'ont appelé au bureau alors
qu'ils accompagnaient les médecins palestiniens qui soignaient les
blessés et les malades dans le camp. Ils m'ont appelé quand les soldats
israéliens tiraient sur des ambulances et leur refusaient l'accès à
Balata.
Ils m'ont appelé quand ils ont vu Mohammad Subkhi Abu Hanade, 22 ans,
se faire tirer dans la poitrine par un tireur isolé à travers la
fenêtre de sa chambre à coucher.
J'ai écrit un communiqué de presse, je l'ai envoyé par mail et je l'ai
envoyé par fax et puis j'ai appelé les agences d'informations et les
journalistes.
Personne n'a écrit un mot sur le sujet. Pas même dans la presse Arabe
qui est toujours plus sensible.
Le lendemain matin, j'ai cherché partout des informations sur
l'invasion et je n'ai rien trouvé.
Ce jour-là, un adolescent de 16 ans, Kamal Khalili, a été abattu et il
était cliniquement mort à son arrivée à l'hôpital. La femme qui a
répondu au téléphone à l'Agence France Presse m'a répondu :
"Rappelez-nous quand il sera mort" et a raccroché.
Les volontaires m'ont appelé quand les soldats ont refusé de les
laisser entrer pour soigner des personnes malades dans les familles
dont les maisons avaient été occupées.
Ils m'ont appelé quand les gens du camp ont manqué de nourriture et de
lait pour bébé.
Ils m'ont appelé quand les jeunes du camp qui défendaient leurs maisons
avec des pierres et des barricades ont été blessés et tués. Ils m'ont
donné les noms et les âges des jeunes abattus avec des balles réelles.
J'ai tout noté même si je savais que les médias traditionnels ne
voulaient rien savoir.
J'ai tout noté en sachant que les civils palestiniens blessés, affamés
et emprisonnés n'étaient rien… que des non-informations. des
non-événements.