A member of the press wears a placard during a protest in New Delhi on October 04, 2023, to condemn the recent arrest of journalists. - Indian anti-terror police said on October 3, they had arrested two people linked to a news website and raided the homes of 44 others, in a case reportedly connected to alleged Chinese funding. (Photo by Arun SANKAR / AFP)

Trois questions à Paul Delmotte sur le traitement médiatique du conflit israélo-palestinien

Comment sommes-nous informés sur ce qui se passe en Israël et en Palestine ? Peut-on se déclarer satisfaits de ce qu’on entend à la radio et voit à la télé s’agissant de la population palestinienne ? Paul Delmotte, professeur retraité de politique internationale et d’histoire à l’Ihecs et parmi les co-auteurs d' Israël, parlons-en!, nous livre ses réflexions sur le travail des médias sur l’actualité des derniers jours.

Quelle est votre impression générale sur le traitement médiatique en tant qu’ancien professeur en politique internationale dans une école de journalisme?

Comme au sujet de l’Ukraine, c’est de nouveau un parti pris total pour un des camps en présence! Comme l’a dit le professeur Dubuisson, il y a une focalisation sur l’événementiel. On ne parle pas des origines, des enjeux, ni du contexte actuel, ce qui pourrait permettre d’expliquer mieux les choses. Ce qui transparait aussi c’est une certaine islamophobie. On parle systématiquement du Hamas pour éviter de parler des Palestiniens. Peut-être est-ce une façon de dire de la part des médias qu’on n’est pas contre les Palestiniens ?

Quand on parle du Hamas on suscite tout de suite l’émotion. Par ailleurs, on se focalise sur les otages civiles et les victimes civiles israéliennes, ce qui est correct mais on se gargarise beaucoup avec le « droit international ». Je ne me souviens pas d’avoir autant entendu parler de ce droit international quand il s’agissait des violations israéliennes. Le deux poids-deux mesures est si évident que je pense, j’espère, beaucoup de monde va s’en rendre compte.

En Belgique, la RTBF a fait intervenir un prof de droit international qui a immédiatement replacé les événements dans leur contexte historique. C’est plutôt rare, non? D’habitude, on a l’impression que les conflits tombent du ciel. Effacer l’Histoire, c’est d’ailleurs un principe de la propagande de guerre…

Le professeur Dubuisson, on peut se féliciter qu’il ait été invité, parce qu’il a remis les choses à leur place. Il a aussi envoyé un coup de griffe à Alexandre de Croo, qui est quelqu’un qui, de façon tout à fait impudique, ne se prive pas de montrer ses opinions, que ça soit pour l’Ukraine ou pour la Palestine. On ne demande pas ça à un premier ministre. J’espère que ni Dubuisson ni l’invitant de la RTBF ne se feront taper sur les doigts. Ce travail de contextualisation ce n’est pas à Dubuisson de le faire. Normalement, c’est au journaliste de le faire, qu’ils ne le fassent pas ça montre d’autant plus le travail lamentable des médias. Peut-être qu’ils ne le font quasi jamais parce qu’ils ne connaissent simplement pas le sujet.

Sur la question de la propagande de guerre, je suis d’accord avec ce principe de Morelli, c’est toujours nous les victimes, c’est l’autre qui a attaqué. L’attaque du Hamas est féroce en effet mais on nous montre ça comme tombant du ciel. . Cela paraît pour beaucoup de gens intolérable, mais si tu ne connais pas les tenants et aboutissants de l’histoire tu es à côté de la plaque. Il y a eu 245 jeunes gens palestiniens tués en Cisjordanie ces derniers mois…

Ce professeur et des partis politiques comme la France insoumise qui pointent le contexte de la colonisation israélienne ont essuyé de vives critiques. Comment expliquer de telles réactions?

Et bien déjà c’est pire en France encore qu’en Belgique!

Premièrement, c’est Jean-Luc Mélenchon qui a formulé les choses. Deuxièmement, il y a une islamophobie rampante. Dès que le Hamas est dans l’actualité c’est le branle bas de combat, il y a unanimité contre eux.

Mélenchon a parlé d’« offensive armée des forces palestiniennes», il n’a pas dit une « attaque barbare du Hamas ». Je trouve que c’est correct, ça remet les choses à leurs places, plus que ce que disent les journalistes. Apparemment, tout le monde doit parler de terrorisme, on n’entend jamais parler de combattants. Y compris auprès d’interviewés soit disant objectifs.

Je ne dis pas que dans l’action du Hamas il n’y a pas un aspect de terrorisme mais il faut se rappeler que le terrorisme d’État, ça existe aussi. Il faut rester objectif ou au moins honnête. Nos médias ne sont plus jamais objectifs.

Le Hamas est décrit comme uniquement islamiste, terroriste, antisémite, etc, je ne vais pas discuter de ça. C’est tout de même l’expression politique d’une partie de la population palestinienne, à ce titre il est ressenti comme légitime par de nombreux Palestiniens.

Il a une légitimité au sein de la société palestinienne mais que personne ne lui reconnaît vu que l’Union Européenne les classe comme « terroristes ». Qui représente alors les Palestiniens ? Je ne crois pas que le Hamas représente tous les Palestiniens mais Mahmoud Abbas en représente aujourd’hui encore beaucoup moins. En effet des civils sont attaqués dans un festival. Pour moi c’est inadmissible. Mais, encore une fois, combien de civils tués côté palestinien dans les immeubles que l’on voit s’effondrer à Gaza ? La société palestinienne dans son ensemble, est-ce qu’elle ne constitue pas un otage de l’occupation israélienne? Il faut rappeler ces choses-là si on veut parler d’objectivité !

Je voudrais ajouter une chose : c’est à présent l’union sacrée qui s’est reformée en Israël, il n’y a plus ces impressionnantes manifestations contre la réforme de la justice du gouvernement. Je voudrais rappeler ici que, pendant les manifestations, ces services de renseignement ont été parmi les adversaires les plus fermes du gouvernement. Les journalistes se posent des questions sur la cécité des services israéliens par rapport à l’offensive du Hamas. Ils n’auraient rien vu venir. Mais, est-on sûrs de ça ? Quoiqu’il en soit cette « faillite » dont on accuse les renseignements israéliens peut constituer une porte ouverte à des retours de bâtons, à des coupes sombres dans ces services. Je doute qu’il n’y ait pas de réaction. Je crois que ça arrange très bien Netanyahou.

Les réactions des médias me semblent plus graves que concernant l’Ukraine, où c’était peut-être plus soudain et où l’attaque de Poutine – et si près de chez nous – a, à juste titre, choqué. Par rapport à l’Ukraine, on peut comprendre plus facilement que les médias n’étaient pas très au courant. Par contre, ces médias connaissent la situation en Palestine, ça fait trente ans qu’on en parle. Je trouve donc cet alignement encore plus hypocrite que pour l’Ukraine où on constate le même discours unilatéral.

Source: Investig’Action

Israël, parlons-en !

18,00 

Parler d’Israël? Voilà qui peut paraître étrange tant les médias nous en parlent. Mais les raisons du conflit sont-elles claires ? Israël : terre sans peuple pour un peuple sans terre ? Démocratie en légitime défense ou Etat d’apartheid ? Choc des civilisations, conflit religieux ou enjeu pétrolier ? Pourquoi une solution paraît-elle impossible ?…

En stock

+

Les opinions exprimées dans les articles publiés sur le site d’Investig’Action n’engagent que le ou les auteurs. Les articles publiés par Investig’Action et dont la source indiquée est « Investig’Action » peuvent être reproduits en mentionnant la source avec un lien hypertexte renvoyant vers le site original. Attention toutefois, les photos ne portant pas la mention CC (creative commons) ne sont pas libres de droit.


Vous avez aimé cet article ?

L’info indépendante a un prix.
Aidez-nous à poursuivre le combat !

Pourquoi faire un don ?

Laisser un commentaire

Qui sommes-nous ?

Ceux qui exploitent les travailleurs et profitent des guerres financent également les grands médias. C’est pourquoi depuis 2004, Investig’Action est engagé dans la bataille de l’info pour un monde de paix et une répartition équitable des richesses.