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Trois questions à Alain Adriaens sur la COP 28

La COP28 se tenait du 30 novembre au 12 décembre 2023 à Dubaï aux Émirats arabes unis, pays qui a le deuxième taux de pollution le plus élevé au monde par rapport à sa population. Le choix du pays hôte posait question, de même que la présidence de la COP qui était confiée au Sultan Al Jaber, président-directeur général d’Abu Dhabi Petroleum Company. Un accord minimaliste nous dit Alain Adriaens, co-fondateur du parti Ecolo en Belgique puis membre du Mouvement Politique des Objecteurs de Croissance (MPOC) et actif la rédaction de Pour.press.

Que retenir de la COP qui vient de se terminer? Le vocabulaire entendu ou lu dans les médias se ressemble souvent.

Après les habituelles dramatisations des dernières heures de débats internes, la COP28 s’est terminée avec un jour de retard. Pour ce qui est de l’analyse des résultats, on a l’habituel décalage : les participants ont trouvé «l’accord historique » alors qu’un regard extérieur est nettement moins positif. Certes, on a enfin parlé des combustibles fossiles et reconnu leur responsabilité dans le bouleversement climatique. C’est un minimum quand on sait que les fossiles contribuent entre 80 et 90% des émissions de CO2. La formulation finale dit « transition away from fossil fuels ». Cette formulation volontairement ambiguë, pour ne froisser personne, laisse la porte ouverte à diverses interprétations. Notamment, ceux qui, les pays pétroliers en tête, ont lourdement insisté tout au long des travaux sur la technique peu efficace et extrêmement coûteuse de capture et stockage du carbone (CSC), pourront continuer à défendre des solutions technologiques qui pourraient remplacer les diminutions de production.
Ces avancées sont purement symboliques car il n’y a pas pas de chiffres, pas de délais, pas de détails sur les évolutions demandées. Même symbolique, on peut parler d’une surprise étant donné le nombre élevé de lobbyistes qui agissaient sans cesse dans les couloirs de la COP. Il faut dire que plus de 100 000 personnes, certains disent 170 000, sont venues assister ou œuvrer au sein de la COP28. Toutes ces personnes venues en avion ont évidemment laissé une empreinte carbone très importante.

Les engagements pris par les 200 pays présents ne sont pas contraignants, ce qui permet toutes les possibilités de non-observance des termes de l’accord. C’est d’autant plus probable que les exigences chiffrées de la COP21 à Paris n’ont été respectées par quasi aucun pays et les trajectoires observées dans la réalité conduisent à des augmentations de gaz à effet de serre largement supérieures à ce qui aurait dû être respecté. Enfin, pour les pays dits en voie de développement il est prévu un fond alimenté par un montant 100 milliards par an. Alors que le principe d’un tel fond avait déjà été décidé avant la COP28, il est encore très loin d’être rempli comme prévu.

Au-delà des jeux de mots sur le vocabulaire définitif à adopter dans le texte, quelles sont les évolutions suite à cette COP? Le captage de CO2, les fonds “pertes et dommages” pour réparer les conséquences du changement climatique, n’est-ce pas des mesures qui cachent une réalité loin d’être bénéfique pour le climat et les pays du Sud?  

Si car, en effet, les signataires de l’accord final peuvent définir leurs propres manières de respecter les objectifs bien flous de la COP28. Les seuls chiffres proposés sont un triplement des ressources en énergies renouvelables et un doublement de l’efficacité énergétique. Qui devra agir pour respecter ces avancées respectables? Il est dit que les pays développés « doivent continuer à prendre l’initiative » en fixant des objectifs de réduction totale des émissions de gaz à effet de serre. Quant aux pays dits en voie de développement, ils sont priés de « continuer à renforcer leurs efforts ».

Trois options défendues par les écologistes n’ont même pas été évoquées:
– Primo, la responsabilité des grandes banques qui continuent à financer les investissements – rémunérateurs – dans les fossiles alors qu’ils financent bien moins les énergies renouvelables. Il serait fort utile de solliciter les institutions monétaires publiques comme la Banque mondiale ou le FMI!
– Secundo, rien n’a été dit sur la solution pourtant la plus efficace d’une réduction de consommation directe d’énergies fossiles, mais aussi des objets produits nécessairement avec de grandes quantités de combustibles fossiles. La décroissance, dans le sens d’une réduction globale de la consommation pour ceux qui surconsomment c’est à dire une partie importante des pays riches, est évidemment très loin des esprits des responsables de haut niveau.
– Tertio, si le charbon et le pétrole sont visés par l’accord dit « Consensus des Émirats arabes unis », le gaz naturel et le nucléaire sont considérés comme des énergies acceptées pour la transition. On notera aussi la possibilité de recourir à l’hydrogène « vert ». Or celui-ci ne peut être synthétisé qu’à partir d’énergies renouvelables. Si l’on considère le gaz et le nucléaire on assiste à un serpent qui se mord la queue. Ceci démontre clairement que l’hydrogène n’est pas une énergie primaire, mais seulement énergie secondaire seulement utile comme moyen de stockage d’énergie produite par des sources primaires.

Au début de la guerre en Ukraine, de nombreux articles mettaient en avant les dégâts de l’armement et des guerres sur le climat. Pouvez-vous nous expliquer en quoi la paix devrait être un des premiers combats de l’écologie?

Alors qu’il est difficile d’approvisionner le fond de pertes et dommages, certains pays, en particulier les États-Unis, trouvent des moyens considérables pour soutenir les efforts de guerre de leurs alliés, l’Ukraine et Israël. C’est par dizaines, voire centaines de milliards de dollars que ce pays arrose ces deux pays en guerre.
Quant aux États européens, s’ils donnent à l’Ukraine des armes quelque peu dépassées, cela leur sert d’excuse pour doubler les budgets pour leurs défenses militaires propres.
Si l’on dénonce et on est d’abord atterré par les milliers d’êtres humains tués lors de cette boucherie indéfendable, on peut aussi se désoler du gaspillage insensé que représente cette guerre, comme toutes les guerres. Quand on voit les centaines de tonnes d’explosifs déversés sur la malheureuse prison qu’est l’enclave de Gaza et les destructions d’immeubles qui devront être reconstruit un jour, si Israël le permet, on a là l’exact opposé à ce que prétendre défendre les participants à la COP28.

Les divisions et tensions que l’on vit sur la planète Terre sont un obstacle majeur à l’improbable consensus que représente une déclaration finale d’une COP. La recherche de la paix reste donc aussi un objectif majeur pour les défenseurs de la stabilité climatique.


Enfin, terminons par une note positive. Alors qu’au départ on pensait peu probable une conclusion acceptable de cette COP28 se déroulant dans un État pétrolier et sous la présidence d’un dirigeant d’une grosse société productrice d’énergies fossiles, on est arrivé à des conclusions reconnaissant que la responsabilité des blocages était due à l’implication négative des producteurs la production de gaz à effet de serre. Certains ont pu s’appuyer sur la pression de l’opinion publique dans leur société pour défendre l’intérêt général. Comme quoi, les manifestations de rue qui se multiplient pour exiger des résultats probants ne sont peut-être pas aussi inefficaces qu’on le craint parfois.


Source : Investig’Action

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