US President Joe Biden speaks about the Senate passage of war aid for Ukraine in the State Dining Room of the White House in Washington, DC, on February 13, 2024. Hours after the Senate finally approved security funding for democratic, pro-Western Ukraine -- as well as for the top US strategic priorities of Israel and Taiwan -- Biden challenged the House of Representatives to "move on this with urgency." (Photo by Jim WATSON / AFP)AFP

Simplifier pour blanchir. Comment l’AFP lave Biden de tout soupçon

Depuis décembre, Joe Biden fait l’objet d’une procédure de destitution menée par les Républicains. En cause : des soupçons de corruption par l’intermédiaire du business de son fils Hunter Biden, notamment en Ukraine. Ce 15 février, un revirement fait les gros titres aux Etats-Unis mais dans la version médiatique francophone, une grossière simplification se glisse, lourde de signification politique.

Joe Biden est soupçonné d’avoir empêché l’aboutissement d’enquêtes judiciaires sur la plus grosse société gazière et pétrolière d’Ukraine, Burisma Holdings, entre 2014 et 2016. Société qui avait recruté son fils Hunter au sein de son conseil d’administration dans le mois suivant la première visite du vice-président US au pouvoir issu du coup d’État de Maïdan. Tout porte à croire que les grasses faveurs financières faites au fils ont pu servir de monnaie d’échange pour protéger la firme et son propriétaire, Zlochevsky, des poursuites encourues en Ukraine, mais aussi en Grande-Bretagne, pour fraude fiscale, enrichissement illicite et corruption. Pendant 5 ans, Hunter Biden a perçu 50 000$ par mois en tant qu’administrateur en charge du conseil légal. En parallèle trois des sociétés d’Hunter Biden ont régulièrement perçu des virements de Burisma pour un total de plus de 4,5 millions de dollars entre mai 2014 et novembre 2016, toujours pour du “conseil”. Les virements ont pris fin au moment où Joe Biden a perdu son poste de vice-président avec l’élection de Trump.

En 2019 et pour des raisons purement électorales, le camp républicain s’est fait fort de lancer une enquête sur cette affaire. Quitte à en rajouter. Il s’avère qu’un témoin a menti quand il a affirmé au FBI que Burisma avait versé 5 millions de dollars à Joe Biden et Hunter Biden pour “se protéger de toutes sortes de problèmes”. Le témoin est donc lui-même actuellement poursuivi pour faux témoignage. Du Monde à Libération, en passant par Les Echos, Le Figaro, La Libre et le Soir, le rebondissement est commenté à l’identique, sur le mode du feuilleton. Ils recopient la dépêche AFP, qui reprend elle-même les grandes lignes de ce qui figurait la veille dans les gros titres anglosaxons. À l’exception toutefois d’un paragraphe franco-français qui a attiré notre attention…

“Ce scénario semblait résonner avec le limogeage, intervenu en 2016, d’un procureur ukrainien enquêtant sur Burisma. Une décision derrière laquelle les républicains voient la main de M. Biden.”

“Je vous le dis, vous n’aurez pas le milliard de dollars si vous ne virez pas immédiatement le procureur. Eh bien, le fils de pute, il a été viré.”

Joe Biden

Une affirmation que nous n’avons pas pu laisser passer quand on sait que Joe Biden s’est vanté publiquement lui-même d’avoir fait démettre le procureur général ukrainien, Viktor Chokin ! C’était le 23 janvier 2018, au Council on Foreign Relations (voir vidéo).

Les multiples échanges téléphoniques entre le président Poroshenko et Biden à ce sujet ont fuité et sont également connus. Biden a conditionné le dernier versement d’un prêt du FMI au remplacement du procureur général, avec une implication toute personnelle. Ce qui fait “débat” aux Etats-Unis dans cette affaire, ce n’est donc pas de savoir si Biden a fait démettre Chokin, mais bien pourquoi il l’a fait démettre ! Officiellement, c’était pour combattre la corruption du procureur général et le remplacer par quelqu’un de “solide”.

Les journalistes de la grande presse états-unienne, qui mettent beaucoup de zèle à ne pas accréditer Trump, relaient volontiers la version de Biden comme crédible. Pourtant, comme l’a bien montré le journaliste Olivier Berruyer, elle ne tient absolument pas la route. Ne serait-ce que parce que celui qui a remplacé Viktor Chokin, avec la bénédiction du vice-président US, n’avait aucun diplôme en droit et avait lui-même fait de la prison ferme pour corruption. C’était le conseiller du président en exercice et chef de file de son parti à l’Assemblée. Vous avez dit séparation des pouvoirs ? Et malgré les faits avérés de faude fiscale et de conflit d’intérêts, il a bel et bien mis fin aux six enquêtes ouvertes contre Burisma et Zlochevsy en quelques mois. Seule une amende aura été demandée, d’un montant ridicule (7 milliards contre 40 milliards volés au fisc des dires du nouveau procureur général lui-même). 

Nous ne nous attarderons pas ici sur les détails de cette histoire accablante. Que Biden se soit servi de son autorité pour s’enrichir personnellement est presque secondaire. En revanche, comment le vice-président des États-Unis a pu se permettre une telle ingérence dans les affaires internes du pays ? Pourquoi Poroshenko lui a-t-il obéi le doigt sur la couture ? Aux États-Unis, ce n’est pas ça qui choque la presse. Et ici, c’est carrément passé sous silence ! C’est vrai que cela écorne légèrement le narratif tant vanté d’une Ukraine post-Maïdan indépendante, libre et démocratique.

Comme le constatait le journaliste états-unien Aaron Maté dans les colonnes du Monde diplomatique, la procédure d’impeachment est utilisée par les élites de Washington pour régler leurs querelles d’appareils. Et la presse en fait ses choux gras pour ne pas parler de l’essentiel, comme la santé, les retraites, les salaires… la paix. Il est glaçant de constater que jamais cette procédure n’a été déclenchée contre un président déclarant une guerre illégale. Biden ne risque donc pas d’être destitué pour complicité de génocide à Gaza… Car républicains et démocrates s’accordent parfaitement pour piétiner les droits de l’Homme et le droit international quand il s’agit de maintenir la suprématie des États-Unis.


Source: Investig’Action


Pour mieux comprendre comment la presse nous désinforme sur les enjeux réels de la guerre en Ukraine, voir notre livre.

Ukraine, la guerre des images

25,00 

Avec le collectif Test Media International, Michel Collon a formé une équipe qui, depuis plusieurs mois, analyse à fond télés, radios, presse, réseaux sociaux : que vaut notre info ? Nous pensons que vous avez le droit de savoir. De savoir si on a manipulé vos infos sur les faits. Avec « Ukraine – La guerre des images » vous pourrez analyser 50…

En stock

+

Les opinions exprimées dans les articles publiés sur le site d’Investig’Action n’engagent que le ou les auteurs. Les articles publiés par Investig’Action et dont la source indiquée est « Investig’Action » peuvent être reproduits en mentionnant la source avec un lien hypertexte renvoyant vers le site original. Attention toutefois, les photos ne portant pas la mention CC (creative commons) ne sont pas libres de droit.


Vous avez aimé cet article ?

L’info indépendante a un prix.
Aidez-nous à poursuivre le combat !

Pourquoi faire un don ?

Qui sommes-nous ?

Ceux qui exploitent les travailleurs et profitent des guerres financent également les grands médias. C’est pourquoi depuis 2004, Investig’Action est engagé dans la bataille de l’info pour un monde de paix et une répartition équitable des richesses.