Les «belles personnes» nous disent qu’il faut être raisonnable. Que les temps sont durs et qu’il faut avoir le sens de l’État. Traduction : que les travailleurs doivent accepter de morfler encore un peu plus. Mais qui parle ? Les assistés, les profiteurs et les charognards.
Ainsi devrions-nous, dans ces moments difficiles, accepter en 2011 un blocage des salaires au-delà de l'index. Parce que «c'est déjà très bien l'index». Comme on dirait «c'est déjà beaucoup»… Alors que nous savons qu'il n'assure déjà plus tout à fait le maintien de notre pouvoir d'achat face à l'inflation.
Le monde du travail ne doit pas «exagérer»? Accepter, en 2012 (peut-être !) la perspective d'une amélioration des salaires de 0,3%? C'est mieux que rien? De qui se moque-t-on ? Qui sont ceux qui morflent ?
Et pendant ce temps-là… Selon le Conseil central de l'économie, les subventions salariales accordées aux entreprises (réduction fiscales sur le travail de nuit, les heures supplémentaires, la recherche et développement, etc.) croîtraient, elles, de… 11,3%. Qui sont les «profiteurs»?
Si on ajoute à ces mesures (5,1 milliards) l'évolution des réductions de cotisations sociales, les cadeaux de l'État aux «pauvres… entreprises» s'élèveront au total à 9,5 milliards (une progression de 3,5% entre 2010 et 2012). A titre de comparaison et sans vouloir se saouler de chiffres, notons que les allocations versées en 2009 par l'Onem pour l'ensemble des chômeurs indemnisés était de 6,8 milliards, seulement. Qui sont les «assistés»?
La Fédération des Entreprises de Belgique accuse l'État d'être gourmand, et le verrait bien «faire des économies» en supprimant 70.000 postes de «fonctionnaires» surnuméraires. Pourtant, les affiliés de la FEB ont vu passer leur contribution aux besoins collectifs, le taux moyen d'imposition des sociétés, de 40,2% à 14%. Qui dit mieux?
C'est bien sûr compter sans les intérêts notionnels. Dont coût pour l'État : 5,7 milliards, selon le député socialiste flamand Van der Maelen.
Pauvres riches !
Aux travailleurs de se serrer la ceinture pour permettre aux entreprises de se goinfrer d'aides publiques. Le chœur des pleureuses patronales n'a plus à son répertoire que le «leyîz 'm plorer». Pauvres riches! A la fin 2010, les chroniqueurs boursiers soulignaient en effet une progression de l'indice Bel 20 de 4,8% en un an: «Si on tient compte des dividendes moyens versés par les sociétés cotées, soit 3,2%, on en arrive à un rendement brut d'un bon 8%» (La Libre Belgique du 25 décembre 2010).
Alors, bas les masques ! Ce «cours des choses» qui gonfle les revenus du capital et détricote ceux du travail ne nous convient pas ! Il se nourrit et se renforce de la crise financière comme de l'impuissance politique à réformer l'État. Parce que tout agit sur tout. Ainsi, la résignation constitue-t-elle au minimum le lien, un ciment, une chaîne qui relierait la crise alimentaire (925 millions d'affamés chroniques selon la FAO) aux convulsions du capitalisme et à l'affaiblissement du rapport de force du monde ouvrier. Parce que les crises qui s'emboîtent les unes dans les autres ont un même carburant : l'âpreté au gain et l'inextinguible soif de profit.
Pompes à fric et charognards
Quand la peur aura changé de camp et qu'elle aura ramené à la raison les employeurs de ce pays, nous n'en aurons pas fini pour autant. De la crise financière et de ses trainées de soufre surgissent de nouveaux «maîtres». Les agences de notation, multinationales de l'idéologie dominante, prennent de l'assurance et même du pouvoir. Celui que nos élus leur abandonnent. Elles sont co-responsables de la débâcle mondiale des «subprimes» mais leur incompétence semble être devenue un «argument de vente». Elles interviennent depuis quelques semaines au devant des scènes politiques pour ramener la bourse au milieu du village. Après avoir menacé la Belgique de leurs foudres si le pays ne se dote pas vite d'un gouvernement, elles viennent de rétrograder la notation des dettes tunisiennes et égyptiennes pour cause de… «démocratie» galopante ?
Leur indécence ne s'arrête pas là. Ces oiseaux de malheur prospèrent sur les déboires qu'elles entretiennent des proies qu'elles se choisissent. En ornithologie, on appelle ça des charognards.
Ces sociétés bien cotées lisent l'avenir d'un pays dans le marché des contrats d'assurance crédit (les CDS). Il s'agit de produits financiers (spéculatifs) sensés couvrir les risques de non-remboursement de certains emprunts. Quand ils concernent des dettes publiques, ils n'ont strictement aucune autre vocation que celle de pompe à fric.
«Que font les agences pour modifier la note d'un pays ? Elles suivent l'évolution des contrats CDS, c'est tout !, explique Eric De Keuleneer, professeur à la Business School (Trends.be, le 31/01/11). Comme les spéculateurs le savent, c'est merveilleux pour eux, ils vendent des obligations à découvert et peuvent alors répandre des rumeurs et faire monter les cours des CDS. Du coup, Moody's et S&P annoncent des baisses de rating, ce qui fait baisser les prix des obligations; les spéculateurs rachètent alors moins cher. Bénéfice garanti !».
Plutôt que de craindre ces «marchés financiers» qui nous observent et nous menacent, c'est à leur résister et à les combattre que nous sommes appelés. Par le refus de la résignation, par la volonté d'en découdre pour la liberté de négocier la rémunération du travail, par le souci de développer les services publics et la sécurité sociale… Parce que dans cette lutte des classes qui fait rage, le capitalisme financier, pas moins que le capitalisme industriel, est décidé à nous vider les poches !
Source: Métallos MWB
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