Les sanctions visent à porter atteinte à la participation d’une quelconque entreprise sur le marché étasunien, en utilisant la menace d’un éventuel préjudice financier ou de renommée : une politique du chantage. Avec cette approche extorsionniste, les mécanismes de pression et de guerre économique se poursuivent.
Le récit en faveur du blocus, encore une fois
Après l’officialisation de l’embargo américain contre le Venezuela, dans la nuit ldu 5 août , par un décret du président Donald Trump, les médias et les représentants politiques de l’anti-chavisme sont engagés dans une campagne de blanchiment.
Le récit est cohérent avec l’intérêt de positionner une opinion favorable sur ces mesures, sous-estimant les impacts profonds qu’elles auront sur la société vénézuélienne dans son ensemble et sur le fonctionnement de l’État vénézuélien.
Comme en d’autres occasions, on insiste sur le fait que ces mesures punitives visent uniquement et exclusivement le gouvernement vénézuélien, catalogué comme “illégitime” par les faucons de la Maison Blanche.
Même le titre du décret exécutif promulgué par Trump contient implicitement cette approche publicitaire, affirmant qu’il s’agit d’un “blocus des actifs du gouvernement du Venezuela”.
Ceci est faux, car les actifs sur lesquels pèse la mesure (principalement CITGO) ne sont pas la propriété du gouvernement, mais de l’État. Et cela signifie qu’ils appartiennent en fin de compte à la nation. A tous les Vénézuéliens.
CITGO et d’autres biens et actifs sur le territoire étasunien n’appartiennent pas au gouvernement, même si son administration et sa gestion en dépendent.
Mais le récit qui consiste à le présenter de cette manière devant l’opinion publique poursuit le double objectif de faire disparaître la société vénézuélienne dans son ensemble en tant que victime principale de l’embargo récemment décrété, tout en dissimulant l’énorme vol de biens économiques de tous les Vénézuéliens, d’une valeur de plus de 20 milliards de dollars.
Le faux procureur du gouvernement parallèle de Juan Guaidó, José Ignacio Hernandez, un personnage très décrié ces jours-ci pour sa défense juridique en faveur de Crystallex contre les intérêts de CITGO, a inventé ce récit dans une tentative de rejeter les impacts de l’embargo.
Ce n’est pas un embargo contre le Venezuela, c’est un embargo contre le régime Maduro. Par conséquent, l’ordonnance n’affecte pas les opérations entre parties privées. En outre, il est clairement indiqué que les questions alimentaires, sanitaires et humanitaires ne sont soumises à aucune restriction.
– José I. Hernandez G. (@ignandez) 6 août 2019
Selon M. Hernandez, des biens tels que la nourriture, les médicaments et autres produits de base, ainsi que le secteur privé dans son ensemble, ne recevront aucun obstacle ou restriction après la promulgation de ce décret exécutif.
Logiquement, Juan Guaidó, en sa qualité de Proconsul des États-Unis, a accompagné ce traitement informatif en faisant valoir que l’embargo appliqué est positif pour la vie des Vénézuéliens.
5. Il est fondamental de garder à l’esprit que la dictature ne bénéficie pas d’un soutien populaire, mais plutôt d’une structure dont la fidélité est maintenue au point où l’argent est pillé à la République. Cette action vise à protéger les Vénézuéliens.
– Juan Guaidó (@jguaido) 6 août 2019
Quelle sera la portée de l’embargo ?
Bien que les transactions entre des tiers (pays ou entreprises) et l’Etat vénézuélien soient également interdites, à moins qu’une licence spécifique autorisant de telles opérations ne soit délivrée, Hernández et Guaidó insistent pour faire taire la gravité de cette action
En réalité, le décret exécutif force la rupture massive des relations économiques et commerciales avec l’Etat vénézuélien à l’échelle internationale, interdisant tout type d’interaction pour l’importation de produits de base pour le pays.
C’est ce qu’on appelle les “sanctions secondaires”, un pouvoir exceptionnel dont dispose désormais le Département du Trésor pour infliger des sanctions, pénalités ou amendes, à sa discrétion, aux entreprises ou pays qui soutiennent des opérations financières, économiques ou commerciales avec l’État vénézuélien.
Ces sanctions auraient pour but de nuire à la participation d’une quelconque entreprise sur le marché américain, en utilisant le risque d’un éventuel préjudice financier ou de renommé comme arme politique de chantage. Avec cette approche extorsionniste, ces mécanismes de pression et de guerre économique se poursuivent.
De ce point de vue, la portée de l’embargo est aussi large que l’océan lui-même. Et pour comprendre sa gravité, il faut l’analyser de la manière suivante.
Si l’État vénézuélien a besoin d’importer des diluants pour la production d’essence, de la nourriture pour les boîtes CLAP, des intrants pour le domaine industriel et agricole, des médicaments et du matériel chirurgical pour soutenir le système de santé publique, des assurances pour les navires qui exportent du pétrole et importent des marchandises, le Département du Trésor, protégé par le décret exécutif du 5 août, fera pression sur chacune des sociétés contractées pour empêcher ces achats.
Cette réalité s’est manifestée avec une dureté particulière en 2019, avec l’exclusion totale de l’État vénézuélien des plateformes de paiement internationales, en plus du durcissement des mesures coercitives contre la Banque centrale du Venezuela (BCV), PDVSA, Minerven, le programme public CLAP, entre autres institutions financières et économiques qui sont essentielles pour la stabilité du pays.
Sur le plan économique, la portée de cet embargo sera importante. Elle exacerbe l’asphyxie de toutes les sources de revenus du pays, comme l’exportation d’or et de pétrole, et étouffe les voies d’entrée des boîtes CLAP, sanctionnées par @USTreasury https://t.co/9LJrjLsa45 pic.twitter.com/gNkhYPtZqa
– Mision Verdad (@Mision_Verdad) 6 août 2019
Les conséquences de cette pression sont logiques : l’affaiblissement du système de protection sociale de l’État vénézuélien, le démantèlement progressif des services publics et un plus grand malaise économique dû à la pénurie et à l’augmentation des prix des produits de base comme la nourriture et les médicaments.
Mais ces obstacles et ces effets sur la population se produisent depuis des années, dans une logique cumulative et progressive. En ce sens, la particularité de la portée de ce décret réside dans le sceau de légalité juridique qu’il appose sur le blocus économique, financier et commercial qui a débuté en 2015.
La question du “secteur privé”
D’après le récit diffusé par les médias et les représentants anti-Chávez, tels que Hernández et Guaidó, le secteur privé ne sera pas affecté par ce décret exécutif. Tous deux semblent oublier que les entreprises US qui exportent des diluants ou qui maintiennent des opérations conjointes avec PDVSA seront durement touchées.
Mais le message implicite est que l’entreprise privée équilibrera la situation et ne sera pas entravée dans ses activités ordinaires.
Et c’est précisément dans cet élément que la structure juridique de l’ordre exécutif entre en collision catastrophique avec la réalité, générant des effets dévastateurs.
La composition de l’économie vénézuélienne est rentière et importatrice, c’est de cette manière qu’elle s’est développée depuis 100 ans, après l’introduction du pétrole comme axe de gravité économique de la société vénézuélienne au début du XXe siècle.
Les compagnies pétrolières américaines ont joué un rôle clé dans la création de ce système adapté à leurs intérêts, ce qui a transformé le marché étasunien en “espace naturel” pour l’achat de marchandises et le point d’arrivée de la fuite des capitaux.
Ce facteur structurel a créé une relation de dépendance du secteur privé vis-à-vis de l’État et du marché étasunien, qui se sont rapidement transformés en sources d’accumulation originelle dans une logique criminelle, monopolistique et périphérique.
Le monopole quasi étatique sur les pétrodollars générés par la République en a fait une petite caisse avec laquelle les entreprises vénézuéliennes ont maintenu un modèle d’accumulation basé sur les importations ou les marchés publics dans divers secteurs de l’économie nationale.
En conséquence, le secteur privé vénézuélien est lié à l’État depuis sa naissance.
Le décret autorise l’émission de sanctions secondaires aux particuliers qui font des affaires directement ou indirectement avec l’État vénézuélien et qui ont un certain niveau d’exposition, ou de participation, sur le marché étasunien.
La nature importatrice du secteur privé national signifie que les deux thèses sont remplies dans des domaines qui relient les services et les biens de base.
La grande majorité des entreprises vénézuéliennes importatrices sont enregistrées aux États-Unis et cette facilité leur permet de maintenir activement un flux d’importations, d’accéder aux lignes de crédit US et d’externaliser les services de divers types qui en découlent. Le rôle de l’État, comme cela a été le cas pendant de nombreuses années, est de fournir les devises pour soutenir ces importations.
De ce point de vue, la situation générale du secteur privé repose sur une relation symbiotique avec l’État et sur une dépendance totale du marché étasunien.
En voici un exemple : une entreprise qui importe des pièces détachées pour ordinateurs des États-Unis, très probablement, à un moment donné ou actuellement, a acheté des devises étrangères offertes par l’État vénézuélien ou a vendu un ensemble de pièces détachées à une institution publique qui en avait besoin pour son fonctionnement.
En vertu du décret exécutif, cette société qui importe des pièces de rechange doit cesser toute relation avec l’État vénézuélien sous peine d’amende ou de sanction par le Département du Trésor. Appliquez ce même paramètre aux importateurs d’aliments et de médicaments, et vous aurez un résultat encore plus catastrophique.
Ce cas, qui peut sembler particulier, représente en fait le comportement général de l’entreprise privée vénézuélienne. Et pour cette raison, le décret exécutif de Trump représente un ensemble d’obstacles qui n’ont pas encore montré leur véritable portée.
Parce que, bien que Guaidó et Hernández le nient, le secteur privé vénézuélien est enceinte de l’État.
Traduit de l’espagnol par Bam
Source : Mision Verdad