Le spectre du Venezuela hante les esprits malintentionnés

 

Dans le contexte électoral français, tout prétexte est bon pour ne pas aborder les problèmes socio-économiques comme la crise durablement installée en Guyane. On ne compte plus  les critiques faites à l’ALBA. La désinformation sur le Venezuela bat son plein. Les rédactions occidentales véhiculent l’image d’un pays “non démocratique” et s’agitent pour soutenir “des manifestations pacifiques”, à l’image du journal le Monde qui explique à ses lecteurs que l’opposition vénézuélienne est “interdite de manifestation”.

 

“Un régime autoritaire”?

 

L’attitude de l’opposition vénézuelienne consistant à appeler au renversement de Maduro (y compris par des moyens violents comme solliciter l’appui des forces armées et une intervention étrangère US) et à refuser son offre de dialogue pourrait sembler irrationnelle. Elle l’est beaucoup moins lorsqu’on sait qu’elle compte sur un relais médiatique sans fissures dans les médias “de référence” comme Le Monde, lorsqu’il titre : “Au Venezuela, l’opposition interdite de manifestation” sans y apporter la moindre preuve.

En réalité, le droit à manifester pacifiquement est protégé par la Constitution du Venezuela. C’est ainsi que le ministre de la Défense Vladimir Padrino López l’a rappelé, tout en précisant que “ce droit ne s’applique plus en cas de manifestations qui tournent à la violence”. En effet, cette violence a souvent été annoncée en amont de ses marches par l’opposition, ce qui prouve que désormais elle ne compte arriver au pouvoir par une voie démocratique.

Le 7 avril, le collège Gustavo Herrera a été vandalisé et détruit. Le 8, des manifestants violents s’en sont pris au siège de la Cour Suprême de Justice. Le 14 avril, ce fut le tour d’une vingtaine de commerces. Le 15, un groupe de manifestants a mis le feu au siège du réseau de distribution d’aliments Mercal, à Los Teques. D’autres cibles : une bibliothèque, une clinique mobile, des unités de transport public comme le métro, des véhicules de nettoyage de la ville, et même des journalistes de la chaîne de télévision publique VTV…Dans n’importe quel pays ces actions seraient condamnées et sanctionnées par les autorités respectives sans que les médias internationaux cherchent à les excuser.

Situation inédite dans l’histoire de la “répression des manifestants pacifiques”: formés aux techniques de l’embuscade, les “guarimberos” (dénomination populaire des manifestants qui emploient systématiquement la violence) arrivent même à désarmer des officiers de la police. Encore un scoop qui ne passera pas dans Le Monde : l’un des responsables de l’attaque à la Cour Suprême a avoué avoir agi en échange d’une récompense de  trois cents mille bolivars par le parti “Primero Justicia” de Henrique Capriles. Mais Le Monde expliquera à ses lecteurs que l’opposition n’a pas assez de libertés.

 

La révolution ne sera pas télévisée

 

Les événements récents au Venezuela trouvent un équivalent direct dans les manifestations ayant précédé le coup d’État contre Chavez en avril 2002, et plus récemment dans celles de mars 2014. Les trois répondent à des tentatives très claires de déstabilisation sur le plan intérieur avec l’objectif de provoquer des heurts avec les forces de l’ordre et des victimes mortelles. Cette stratégie du chaos est la condition préalable à l’intervention de militaires putschistes et à la légitimation du coup d’État par l’opinion publique internationale.

En 2002, des mercenaires franc-tireurs avaient ciblé les manifestants des deux côtés, provoquant le massacre de Puente Llaguno qui servira de prétexte à la destitution de Chavez. Les médias internationaux saluèrent le coup d’État et le “départ du tyran”. Mais le peuple sortit dans la rue pour défendre son président élu et sa Constitution. Fidèle au peuple, l’armée expulsa du palais présidentiel les putschistes et remit Chavez au pouvoir.

Quelques mois plus tard, la correspondante de Globovision Gladys Rodriguez, ainsi que son époux, avouèrent avoir participé à l’enregistrement d’une vidéo où des militaires putschistes avaient annoncé des morts…un jour avant les faits. Cette manipulation n’entama en rien le caractère “démocratique” de l’opposition, dont plusieurs acteurs de l’époque restent les mêmes qui appellent à renverser le gouvernement aujourd’hui.

Julio Borges (au milieu), Leopoldo Lopez (à droite) et Henrique Capriles
(coin inférieur à droite), lisant un communiqué de soutien au coup d’Etat (11 avril 2002)

 

Parmi les acteurs-clés des manifestations violentes de 2014, dont le bilan s’élève à 43 morts et plus de 800 blessés, on retrouve en effet Leopoldo Lopez, le dirigeant du parti d’extrême-droite Voluntad Popular. Fin 2013, Lopez avait lancé un appel au renversement de Maduro, l'”Opération La Sortie“, nom de code pour une nouvelle tentative de coup d’État. La manipulation médiatique joua alors un rôle essentiel pour transformer des voyous, voire des mercenaires armés, en manifestants “pacifiques”. La Garde Nationale Bolivarienne fut l’une des cibles de ces attaques, avec plusieurs fonctionnaires et sergents assassinés. 

En 2016, la seule stratégie de la droite a consisté à destituer le président Nicolas Maduro par le biais d’un référendum révocatoire. Mais en même temps, elle a continué a appeler à sortir dans la rue “jusqu’à ce que la démocratie soit rétablie”. Dans ses marches on put encore observer d’autres cas de cette violence contre les forces de l’ordre.

 

Des ONG au-dessus de tout soupçon

 

“Le Venezuela n’est pas un pays démocratique”…Ce seul et même discours est en effet répété par Le Monde, le New York Times, El Pais et bien d’autres médias, qui donnent systématiquement la parole à l’opposition depuis des années. D’où ce drôle d’effet qui consiste à entendre nuit et jour les attaques de l’opposition contre le gouvernement de Chavez puis contre Maduro, comme si leur fin était de plus en plus proche…En agissant de la sorte, Le Monde révèle son manque d’objectivité et confond son désir avec la réalité. Mais surtout, il n’explique pas le soutien du peuple à son gouvernement depuis 18 ans, et rate ainsi l’essentiel.

A l’échelle internationale, l’opposition compte aussi sur le soutien international d’un large éventail d’ONG’s et autres institutions, comme la National Endowment for Democracy. Or, la NED a alloué un montant non négligeable aux forces politiques rassemblées dans la MUD (Table ronde d’Unité Démocratique): plus de 14 millions de dollars entre 2013 et 2014. Écoutons son co-fondateur, Allen Weinstein: “Beaucoup des activités que nous menons aujourd’hui étaient prises en charge par la CIA il y a vingt-cinq ans. La grande différence, c’est que lorsque ces activités sont menées ouvertement, le flop potentiel est de zéro. L’ouverture est leur propre (garantie de) protection”. (Washington Post, 22 septembre 1991)

Dans les sources utilisées par de nombreux médias, on ne s’étonnera pas d’y retrouver systématiquement des ONG “indépendantes” comme Freedom House. Dans son tout récent podium particulier de 2017, le Venezuela aurait donc rejoint Cuba parmi les pays latinos les “moins libres”. Cette institution nous alerte : la patrie de Bolivar se serait “débarrassée de sa façade démocratique”. Eh bien, Freedom House, qui s’attelle à rendre visible le degré de liberté dans le monde, est financée à hauteur de 80% par…l’USAID (Agence des États-Unis pour le développement international) et le département d’État des États-Unis d’Amérique. Il ne s’agirait pas plutôt de défendre SON “intérêt national” et la “liberté” de ses multinationales comme Exxon ?

 

 Réunion de l’ALBA-TCP, l’Alliance Bolivarienne
des Peuples de Notre Amérique – Traité de Commerce des Peuples

 

L’ALBA menacée par la Triple Alliance et l’OEA

 

Sur le plan régional, des événements comme l’élection de Mauricio Macri à la présidence de l’Argentine, puis de Luis Almagro en tant que secrétaire général de l’Organisation des États Américains (OEA) et enfin la destitution de Dilma Roussef au Brésil, ont marqué un point d’inflexion dans les relations interaméricaines. La dénommée “Triple Alliance” (Brésil, Paraguay et Argentine) a multiplié les déclarations à l’encontre de Nicolas Maduro, en l’accusant de “ne pas être assez démocratique”.

Ce soutien régional a été particulièrement favorable à l’opposition, qui en a profité pour se présenter comme une victime d’un gouvernement “répressif” en matière de libertés et de droits de l’homme. Or, ni le coup d’État contre Dilma ni les dérives autoritaires des gouvernements Macri et Temer n’ont soulevé des cris d’orfraie dans les rédactions de Paris, Londres, Madrid ou Washington. Même chose lorsque Almagro copie Donald Trump dans sa technique de diplomatie agressive sur les réseaux sociaux, en consacrant 218 tweets pour “peindre et présenter une réalité négative du pays et de son gouvernement”, comme l’a dénoncé Bernardo Alvarez, ambassadeur du Venezuela à l’OEA. Selon la ministre des affaires étrangères Delcy Rodriguez, ce pourcentage a augmenté jusqu’à l’obsession : 70% de son activité sur Twitter entre le 14 et le 24 mars dernier.

Pour celles et ceux qui se posaient la question de savoir qui est son modèle en tant que démocrate vénézuelien pour Almagro, la réponse est…Romulo Betancourt, président du Venezuela à deux reprises, entre 1945 et 1948 et entre 1959 à 1964. C’est vrai que, à son époque, gouverner était plutôt un jeu d’enfants. Selon le rapport final de la Commission pour la Justice et la Vérité, son gouvernement mit en place la disparition forcée en 1961. Lors du gouvernement Betancourt, les garanties constitutionnelles furent suspendues pendant 542 jours sur un total de 1637.

Ce n’est donc pas une surprise si le Venezuela fait l’objet d’une attention médiatique particulière, y compris dans des périodes électorales, comme cela a été le cas en Espagne début 2016 et maintenant aussi en France. Tel un cordon sanitaire, les propos outranciers et généralisés à l’encontre de son gouvernement et par extension de l’ALBA servent à cacher les faits essentiels et à discréditer celles et ceux qui les révèlent.

Dans les pays du Sud, l’information est souvent filtrée par les catégories de pensée fabriquées par ces modèles de “démocratie avancée” que seraient les États-Unis et l’Union Européenne. Pour ces blocs impérialistes, le fait que les pays de l’ALBA aient réussi à sortir 11 millions de personnes de la pauvreté en 5 ans n’est surtout pas une bonne nouvelle. Mais, grâce au rôle de ces pays déterminés à agir pour un autre monde possible, la coopération et la solidarité entre les êtres humains prévaut enfin sur la compétition et la loi du marché. Voilà de quoi ils ont peur !

 

Source: Le Journal de Notre Amérique n°25 

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