Nous ne pouvons croire en un changement de discours. Je le dis depuis longtemps : quels que soient les changements dans le bons sens qui pourraient se produire dans les questions de politique intérieure, et ceux qui se sont déjà produits sur le plan de l’environnement ou de l’avortement, l’administration Obama n’apportera rien d’un tant soit peu significatif dans la politique étrangère américaine. Et très peu de mesures, dans ce domaine, seront prises pour alléger le niveau de la misère que l’Empire américain apporte régulièrement à l’humanité. Et si Barack Obama désire exprimer clairement ce en quoi il croit sans que cela soit matière à controverse, il est une seule chose en laquelle il croit et c’est l’Empire.
3 février 2009
La bulle de l’obamania devrait déjà avoir commencé à perdre un peu d’air avec les multiples bombardements américains sur le Pakistan au cours des tout premiers jours qui ont suivi l’investiture. Le Pentagone a mis la Maison-Blanche au courant de ses plans et la Maison-Blanche n’a émis aucune objection. Ainsi donc, ce largage de bombes a-t-il été le premier crime de guerre d’Obama. Les douzaines de victimes étaient bien sûr tous des gens mauvais, y compris les femmes et les enfants. Puis, dans ces bombardements, vous ne connaîtrez jamais les noms de toutes les victimes – on peut douter que le Pakistan même les connaisse jamais – ni ne saurez jamais quels crimes elles avaient commis pour mériter la peine de mort. L’un ou l’autre Pakistanais pauvre a sans doute gagné un joli pourboire pour avoir dit aux autorités que tel ou tel type dangereux vivait dans cette maison là-bas plus loin ; trop mauvais pour tous les autres qui vivaient avec ce sale type, ce qui donnait à présumer, naturellement, que le sale type lui-même vivait dans cette maison, là-bas.
Le nouveau secrétaire de presse de la Maison-Blanche, Robert Gibbs, a refusé de répondre aux questions à propos des premières frappes aériennes, en disant : « Je ne vais pas aborder ce sujet (1). » Où avons-nous déjà entendu cela plus tôt ?
Après nombre de ces bombardements au cours des dernières années, un porte-parole des États-Unis ou de l’Otan a solennellement déclaré : « Nous regrettons les pertes en vies humaines. » Ce sont exactement les mots qu’a prononcés l’Armée républicaine irlandaise (IRA) dans bon nombre d’occasions, mais les actions de cette dernière ont été typiquement qualifiées de « terroristes ».
Je souhaiterais pouvoir être un obamaniaque. J’envie leur enthousiasme. Voici, sous la forme d’une lettre ouverte adressée au président Obama, quelques-uns des « changements auxquels nous pourrions croire » en politique étrangère et qui pourraient avoir lieu pour rallier à Obama les non-croyants dans mon genre.
L’Iran
Laissez-les donc tranquilles. Il n’y a pas de « problème iranien ». Ils ne sont une menace pour personne. L’Iran n’a pas envahi un seul autre pays depuis des siècles. Non, le président Ahmadinejad n’a pas menacé Israël de violence. Cessez de patrouiller avec des navires de guerre américains dans les eaux qui entourent l’Iran. Cessez d’arrêter les navires iraniens pour vérifier s’ils ne transportent pas de chargements d’armes à destination du Hamas. (Ce genre de procédé est généralement considéré comme un acte de guerre.) Cessez d’utiliser les groupes dissidents iraniens pour mener des attentats terroristes à l’intérieur de l’Iran. Cessez de kidnapper des diplomates iraniens. Cessez cet espionnage continuel et ces recrutements à l’intérieur de l’Iran. Et puis, avec tout cela, vous pouvez toujours vous forcer à dire : « Si des pays comme l’Iran veulent desserrer le poing, ils trouveront chez nous une main tendue (2). »
L’Iran a autant le droit d’armer le Hamas que les États-Unis l’ont d’armer Israël. Et il n’y a aucune loi internationale qui dit que les États-Unis, le Royaume-Uni, la Russie, la Chine, Israël, la France, le Pakistan et l’Inde sont habilités à détenir des armes nucléaires et que l’Iran ne l’est pas. L’Iran a toutes les raisons du monde de se sentir menacé. Allez-vous continuer à fournir toute une technologie nucléaire à l’Inde, qui n’a pas signé le traité de non-prolifération nucléaire, tout en menaçant l’Iran, signataire de ce traité, de sanctions et de guerre ?
La Russie
Cessez d’entourer ce pays de nouveaux membres de l’Otan. Cessez de chercher à fomenter de nouvelles révolutions « de couleur » dans les anciens satellites et républiques soviétiques. Cessez d’armer et de soutenir la Géorgie dans ses tentatives de bloquer l’indépendance de l’Ossétie du Sud et de l’Abkhazie, les régions dissidentes à la frontière de la Russie. Et cessez d’installer des systèmes antimissiles chez les voisins de la Russie, en République tchèque et en Pologne, sous le prétexte absurde que c’est pour parer à une éventuelle attaque de missiles iraniens. Ce furent également la Tchécoslovaquie et la Pologne que les Allemands utilisèrent pour défendre leurs ambitions impérialistes – Les deux pays allaient être envahis sous le prétexte que les Allemands y étaient maltraités. C’est ce qu’on a dit au monde.
« Le gouvernement américain a commis une grossière erreur dès la dissolution de l’Union soviétique », a déclaré l’ancien dirigeant soviétique Mikhaïl Gorbatchev l’an dernier. « À cette époque, les Russes étaient encore absolument euphoriques à propos de l’Amérique et les États-Unis étaient vraiment le numéro un dans les esprits de nombreux Russes. » Mais, ajouta-t-il, les États-Unis ont agi de façon agressive en élargissant l’Otan et ils se sont montrés heureux de la faiblesse de la Russie (3).
Cuba
Faciliter l’accès à ce pays et y envoyer des fonds est très bien (si, comme on l’espère, vous allez le faire), mais ces choses ne sont rien à côté de la nécessité de mettre un terme à l’embargo américain. En 1999, Cuba a intenté un procès aux États-Unis pour 181,1 milliards de dollars en compensation de ses pertes économiques et de ses pertes en vies humaines durant ces quarante années ou presque d’agression. L’action en justice tenait Washington pour responsable de la mort de 3.478 Cubains et des blessures et de l’invalidité de 2.099 autres. Aujourd’hui, nous pouvons encore ajouter dix ans à ces trois chiffres. Les effets négatifs, souvent paralysants, de l’embargo se ressentent dans chaque aspect de la vie cubaine.
En sus de la fermeture de la prison de Guantanamo, la base militaire voisine installée par l’armée américaine en 1903 devrait être fermée elle aussi et ses terrains restitués à Cuba.
Les Cinq Cubains, détenus aux États-Unis depuis plus de dix ans, et qui n’étaient coupables que d’avoir tenté d’empêcher le terrorisme cantonné aux États-Unis contre Cuba, devraient être relâchés. En fait, il y eut dix Cubains arrêtés ; cinq savaient qu’ils ne devaient s’attendre à aucune justice dans un tribunal américain et ils plaidèrent coupables afin d’écoper de peines plus courtes (4).
L’Irak
Libérer le peuple irakien de la mort… Rien de moins qu’un retrait complet de toutes les forces américaines, tant militaires que sous contrat, et la fermeture de toutes les bases, centres de détention et de torture installés par les États-Unis : voilà qui peut promettre une véritable fin à l’implication américaine et signifier le dévit d’une souveraineté irakienne au sens propre du terme. C’est à entreprendre tout de suite. Toute chose en moins n’est que de la politique et de l’impérialisme, comme d’habitude. En six années de guerre, le peuple irakien a perdu tout ce qui avait de la valeur dans sa vie. Comme l’a écrit le Washington Post en 2007 : « C’est un refrain commun chez les Irakiens fatigués de la guerre : les choses étaient bien mieux avant l’invasion dirigée par les États-Unis en 2003 (5). »
La bonne nouvelle, c’est que le peuple irakien a 5.000 ans d’expérience quand il s’agit de donner vie à une société. Encore faudrait-il qu’on lui en fournît l’occasion.
L’Arabie saoudite
Demandez, face au monde, entier que ce gouvernement entre dans le 21e siècle (ou au moins dans le 20e) ou, alors, les États-Unis doivent cesser de faire semblant qu’ils se soucient des droits de l’homme, des femmes, des homosexuels, de la liberté religieuse et des libertés civiles. La famille Bush a des liens financiers depuis très longtemps avec des membres de la classe dirigeante saoudienne. Quelle sera votre explication si vous maintenez le statu quo ?
Haïti
Réinstallez à la présidence l’exilé Jean-Bertrand Aristide, qui l’a perdue quand les États-Unis l’ont renversé en 2004. Pour chercher le pardon de nos péchés, donnez au peuple de Haïti des tas et des tas d’argent et d’aide.
La Colombie
Cessez d’accorder un soutien militaire massif à un gouvernement qui, depuis des années, est intimement lié à des escadrons de la mort, à la torture et au tyrafic de drogue. Dans aucun pays au monde, autant de candidats progressistes à des charges publiques, autant de syndicalistes et de militants des droits de l’homme n’ont été assassinés. N’êtes-vous donc pas préoccupé qu’il s’agisse de l’allié le plus proche que les États-Unis ont dans toute l’Amérique latine ?
Le Venezuela
Hugo Chávez peut parfois parler un peu trop mais il n’est pas une menace, sauf pour le système capitaliste du Venezuela et, par inspiration, d’autres pays de l’Amérique latine. Il a toutes les bonnes raisons historiques de maudire la politique étrangère américaine, y compris le rôle de Washington dans le coup d’État qui l’a renversé en 2002. Si vous ne pouvez comprendre pourquoi Chávez n’aime pas ce que les États-Unis font dans le monde entier, je puis vous refiler une longue liste à lire.
Cessez donc pour de bon de soutenir l’opposition à Chvez par le biais de l’USAID, du NED et autres agences gouvernementales. Les diplomates américains ne devraient pas rencontrer des Vénézuéliens qui mijotent des coups d’État contre Chávez, pas plus qu’ils ne devraient se mêler des élections.
Envoyez Luis Posada de Floride au Venezuela, qui a demandé son extradition pour avoir conçu la destruction au moyen d’une bombe d’un avion de ligne cubain en 1976, tuant ainsi 73 personnes. Extradez cet homme ou jugez-le aux États-Unis ou cessez de parler de guerre contre le terrorisme.
Et, de grâce, n’essayez pas de répéter cette absurdité prétendant que le Venezuela est une dictature. C’est une société plus libre que les États-Unis. Le pays a, par exemple, un véritable quotidien d’opposition, ce qui n’existe même pas aux États-Unis. Si vous en doutez, essayer de citer un seul quotidien américain ou un seul réseau de télévision qui se soit sans équivoque possible opposé aux invasions américaines de l’Irak, de l’Afghanistan, de la Yougoslavie, de Panama, de Grenade et du Vietnam. Ou même de deux de ces pays seulement ? Un, même ? Y a-t-il un seul quotidien, une seule chaîne de télévision qui soutient le Hamas et/ou le Hezbollah ? Voici quelques semaines, le New York Times a publié une histoire concernant une possible attaque israélienne contre l’Iran et a déclaré : « Plusieurs détails des efforts secrets ont été omis dans ce compte rendu, à la requête de hauts fonctionnaires des renseignements américains et de l’administration, afin d’éviter de nuire aux opérations en cours (6). »
Hélas, Monsieur le Président, entre autres remarques désobligeantes, vous avez déjà accusé Chávez d’être une force « qui a interrompu le progrès dans la région (7) ».
C’est une déclaration tellement contraire à la réalité, même au bon sens commun, si hypocrite au vu du passé de Washington en Amérique latine, que je désespère de vous voir un jour libéré des fers idéologiques qui ont emprisonné chaque président américain du siècle écoulé. On pourrait tout aussi bien l’inscrire dans leur texte de prestation de serment – qu’un président doit être hostile à tout pays qui a expressément rejeté Washington en tant que sauveur du monde. Vous avez émis cette remarque au cours d’une interview pour Univision, le principal média du Venezuela à être implacablement critique à l’égard du gouvernement de Chávez. À quel progrès régional pourriez-vous faire allusion ? À l’État policier qu’est la Colombie ?
La Bolivie
Faites cesser les diplomates américains, les volontaires du Corps pour la paix, les savants de la Fullbright et les agents de la DEA d’espionner et de fomenter la subversion en Bolivie même. En tant que premier président de couleur des États-Unis, vous pourriez essayer de cultiver de l’empathie à l’égard – et de la part – du premier président indigène de la Bolivie. Félicitez le président bolivien Evo Morales pour avoir remporté une victoire décisive lors d’un récent référendum destiné à approuver une nouvelle constitution qui fixera les droits des populations indigènes et qui, pour la première fois, instaurera la séparation entre l’Église et l’État.
L’Afghanistan
Peut-être le peuple le plus misérable de la planète, sans espoir en vue aussi longtemps que les puissances du monde continueront à bombarder, envahir, bouleverser, occuper et massacrer son pays. L’armée américaine prévoit de jeter 30.000 jeunes Américains de plus sur les champs de bataille et elle est occupée à construire huit nouvelles bases importantes dans le sud du pays. N’est-ce pas absurde ? Si cela vous paraît sensé, je vous suggère de vous lancer dans la pratique présidentielle consistant à accompagner les militaires quand ils informent des parents américains que leur enfant a perdu la vie dans un endroit qui s’appelle l’Afghanistan.
Si vous vous retirez de ce cauchemar, vous pouvez aussi arrêter de bombarder le Pakistan. Laissez tomber, même s’il en résulte le retour au pouvoir de ces affreux Taliban. Au moins eux offrent la sécurité aux sinistrés du pays et il y a des signes montrant que les actiels Taliban ne sont pas tous des intégristes.
Mais, d’abord, fermez la prison de Bagram et les autres camps de détention, qui sont pires encore que Guantanamo.
Et cessez de prétendre que les États-Unis se préoccupent du sort du peuple afghan et non pas des oléoducs et gazoducs qui peuvent contourner la Russie et l’Iran. Les États-Unis ont tenté de combler le vide du pouvoir provoqué en Asie centrale par la dissolution de l’Union soviétique, et ce, afin d’affimer la domination de Wahsington sur une région qui possède les secondes réserves prouvées de pétrole et de gaz naturel du monde. L’Afghanistan va-t-il devenir votre Irak ?
Israël
La tâche la plus difficile pour vous, mais celle qui vous permettrait aussi de remporter le plus de points. Déclarer qu’Israël n’est plus le 51e État de l’union ferait descendre sur votre tête les foudres du plus puissant lobby du monde et de ses nombreux et riches partisans, de même que celles de la droite fondamentaliste chrétienne et d’une grande partie des médias. Mais si vous voulez vraiment voir la paix entre Israël et la Palestine, vous devez mettre un terme à toute aide militaire à Israël sous quelque forme que ce soit : hardware, software, personnel, argent. Et arrêtez de dire au Hamas qu’il doit reconnaître Israël et renoncer à la violence tant que vous n’aurez pas dit à Israël qu’il doit reconnaître le Hamas et renoncer à la violence.
La Corée du Nord
Bush a dit du pays qu’il faisait partie de « l’axe du mal », que Kim Jong Il était un « pygmée » et « un enfant gâté à une table de dîner » (8). Mais vous pourriez essayer de comprendre d’où vient Kim Jong Il. Il voit que des agences de l’ONU sont allées en Irak et l’ont désarmé et qu’ensuite, les États-Unis l’ont envahi. La conclusion logique est de ne pas désarmer, mais de passer au nucléaire.
L’Amérique centrale
Cessez de vous ingérer d’année en année dans les élections du Nicaragua, du Salvador et du Guatemala. La guerre froide est terminée. Et, bien que vous ne puissiez défaire les horreurs perpétrées par les États-Unis dans la région durant les années 1980, vous pourriez au moins être gentil envers les immigrés aux États-Unis qui sont venus ici pour tenter d’échapper aux conséquences à long terme de cette décennie atroce.
Le Vietnam
Dans votre discours d’inauguration, vous avez parlé avec fierté de ceux « qui nous avaient emmenés au sommet du long sentier rugueux vers la prospérité et la liberté (…). Pour nous, ils ont combattu et sont morts, dans des endroits comme (…) Khe Sanh. » Ainsi donc, c’est votre opinion mûrie et sincère : les 58.000 militaires américains qui sont morts au Vietnam tout en contribuant à aider plus d’un million de Vietnamiens, ont donné leur vie pour notre prospérité et notre liberté ? Oseriez-vous défendre cette proposition sans recourir à la moindre platitude ?
Vous pourriez également tenir compte de ceci : Au cours de toutes les années qui ont suivi la fin de la guerre du Vietnam, les trois millions de Vietnamiens qui souffrent de maladies et de malformations provoquées par les largages américains du produit chimique mortel qu’est l’« agent orange » n’ont reçu des États-Unis aucun soin médical, aucune amélioration de l’environnement, aucune compensation, et aucune excuse officielle.
Le Kosovo
Cessez de soutenir le gouvernement le plus truandesque au monde, qui s’est spécialisé dans le kidnapping, le prélèvement d’organes humains à vendre, le trafic de drogue à très grande échelle, divers actes de terrorisme et l’épuration ethnique contre les Serbes. Ce gouvernement ne serait pas au pouvoir si l’administration Bush n’avait vu en lui un allié naturel de l’Amérique. Vous partagez ce point de vue ? La Résolution 1244 des Nations unies, adoptée en 1999, réaffirmait la souveraineté et l’intégrité territoriale de l’ancienne République fédérale de Yougoslavie, dont la Serbie est aujourd’hui l’État successeur reconnu, et elle établissait que le Kosovo devait rester une partie de la Serbie. Pourquoi avons-nous une énorme base militaire permanence dans ce minuscule pays autodéclaré ?
L’Otan
Alors qu’au départ, elle était censée protéger l’Europe d’une [imaginaire] invasion soviétique, elle est devenue une armée d’occupation en Afghanistan. Mettez un terme à cet anachronisme historique que le dirigeant russe Poutine a surnommé « le cadavre puant de la guerre froide » (9). Vous pouvez réaliser cela en quittant cette organisation. Sans les États-Unis, leurs interminables actions militaires et leurs ennemis officiellement désignés, l’organisation n’aurait même pas le prétexte d’un but, et c’est en fait tout ce qu’elle a laissé. Ses membres doivent être brimés, menacés et soudoyés pour envoyer des forces militaires en Afghanistan.
L’École des Amériques
Les pays de l’Amérique latine ne s’engagent pratiquement jamais dans des guerres entre eux, ni avec aucun autre pays. Dans ce cas, pour quelle sorte de prospérité entraîne-t-on ses officiers militaires aux États-Unis ? Pour supprimer leur propre peuple. Fermez cette école (dont on a désormais modifié le nom pour protéger les coupables) installée à Fort Benning, en Géorgie et que les États-Unis ont utilisée pour préparer deux générations d’officiers latino-américains à des carrières dans le renversement de gouvernements progressistes, les escadrons de la mort, la torture, la répression des dissidences et autres activités tout aussi charmantes. Les Britanniques raffolent de dire que l’Empire a été conquis sur les terrains de jeux d’Eton. Les Américains peuvent dire que la voie menant à Abou Ghraïb, Guantanamo et Bagram a débuté dans les classes de l’École des Amériques.
La torture
Vos ordres exécutifs concernant ce problème d’une extrême importance ont l’air noble à première vue, mais ils laissent toujours à désirer. Ils disent que les nouveaux standards mettant manifestement un terme à la torture s’appliquent à tout « conflit armé ». Mais que dire si votre administration choisit de considérer le futur contre-terrorisme et d’autres opérations comme ne faisant pas partie des « conflits armés » ? Et il n’est aucunement fait mention d’« interprétation » – kidnapper un homme dans la rue, le jeter dans une voiture, lui jeter un chapeau sur la tête, lui ôter tous ses vêtements, l’exhiber dans des langes, l’enchaîner sous tous les angles et l’envoyer par avion dans un centre de torture à l’étranger. Pourquoi ne pouvez-vous pas dire tout simplement que tout cela ainsi que tout recours par les États-Unis à des tortionnaires par procuration est banni et pour toujours ?
Il ne suffit pas de dire que vous êtes opposé à la torture ou que les États-Unis « ne pratiquent pas la torture » ou « ne tortureront pas ». George W. Bush a affirmé régulièrement la même chose. Pour montrer que vous n’êtes pas George W. Bush, il vous faut enquêter sur les responsables du recours à la torture, même si cela signifie qu’il va vous falloir poursuivre une petite armée de criminels de guerre faisant partie de l’administration Bush.
Vous n’avez pas pris un bon départ en désignant l’ancien fonctionnaire de la CIA John O. Brennan comme votre principal conseiller sur le plan du contre-terrorisme. Brennan a dit de l’« interprétation » qu’il s’agissait d’un « outil primordial » et il a encensé les techniques d’interrogatoire de la CIA parce qu’elles fournissaient des renseignements « qui nous sauvaient la vie » (10). Alors, qu’est-ce que vous en pensez, Barack ?
Abdelbaset Ali Mohmed al Megrahi
Libérez ce Libyen de sa prison écossaise, où il purge une peine à vie après avoir été accusé à tort par les États-Unis d’avoir fait sauter le vol 103 de la PanAm, en décembre 1988, attentat qui avait tué 270 personnes [au-dessus de Lockerbie], en Ecosse. En fait, c’était l’Iran qui était derrière cet attentat – par représailles, parce que les États-Unis avaient abattu un avion iranien transportant des passagers en juillet, tuant ainsi 290 personnes – et non la Libye, que les États-Unis avaient accusé pour des raisons politiques (11). Aucune nation ne peut se comporter de façon plus cynique que cela. Aujourd’hui, Megrahi est en train de mourir d’un cancer en prison, mais ni les États-Unis ni la Grande-Bretagne ne veulent le libérer. Ce serait trop embarrassant d’avouer 20 années de mensonges éhontés.
Monsieur le Président, il y a encore bien d’autres choses à nettoyer, dans notre politique étrangère, si vous voulez être pris au sérieux en tant que chef moral, comme Martin Luther King, Jr. : bannir l’utilisation de l’uranium appauvri, celle des bombes à fragmentation ou à sous-munitions et autres armes horribles, rallier le Tribunal pénal international, au lieu de tenter de le saboter, présenter un tas d’excuses, dont certaines nécessaires depuis très longtemps, en sus des excuses susmentionnées dues au Vietnam, et bien plus encore. Voilà de la besogne prémâchée pour vous si vous désirez vraiment apporter un peu de bonheur à ce triste vieux monde, rendre l’Amérique crédible et la faire aimer à nouveau, cesser de créer des armées de terroristes antiaméricains et convaincre des gens comme moi.
Autre chose. Est-ce que vous comprenez que vous pouvez éliminer tous les déficits des États et les déficits fédéraux, assurer des soins de santé gratuits et un enseignement universitaire gratuit pour chaque Américain, payer une interminable flopée de programmes sociaux et culturels valables, uniquement en mettant un terme à vos guerres en Irak et en Afghanistan, en n’en entamant pas de nouvelles et en fermant pour de bon les 700 et quelques bases militaires du Pentagone ? Pensez-y puisqu’il s’agit du dividende de paix qu’on avait promis aux Américains lorsque la guerre froide se terminerait un jour ou l’autre, mais qu’ils n’ont jamais reçu. Que diriez-vous de le donner enfin, Monsieur le Président ? Il n’est pas trop tard.
Mais vous êtes voué à l’Empire. Et l’Empire est voué à la guerre. Ca sent vraiment trop mauvais, tout ça !
Notes
1. Washington Post, 24.1.09, http://killinghope.org/bblum6/aer66.html#link-1
2. Interview, al Arabiya TV, 27.1.09, http://killinghope.org/bblum6/aer66.html#link-2>
3. Gorbachev prenant la parole en Floride, South Florida Sun-Sentinel, 17.4.08, http://killinghope.org/bblum6/aer66.html#link-3
4. http://www.killinghope.org/bblum6/polpris.htm http://killinghope.org/bblum6/aer66.html#link-4
5. Washington Post, 5.5.07, p.1, http://killinghope.org/bblum6/aer66.html#link-5
6. New York Times, 11.1.09, http://killinghope.org/bblum6/aer66.html#link-6
7. Washington Post, 19.1.09, http://killinghope.org/bblum6/aer66.html#link-7
8. Newsweek, 27.5.02, http://killinghope.org/bblum6/aer66.html#link-8
9. Press Trust of India (agenc d’information), 21.12.07,
http://killinghope.org/bblum6/aer66.html#link-9
10. Washington Post, 26.11.08, http://killinghope.org/bblum6/aer66.html#link-10
11. http://www.killinghope.org/bblum6/panam.htm http://killinghope.org/bblum6/aer66.html#link-11
Source : www.killinghope.org