Le Brésil lance le bal de la “dédollarisation” en Amérique du Sud

Les rapports de force évoluent de manière vertigineuse à l’échelle planétaire. Le passage à un monde multipolaire a débouché sur une dramatique confrontation militaire qui a l’Ukraine pour théâtre. Ailleurs dans le monde, c’est sur le plan économique que la bataille fait rage. Nous avons déjà évoqué la création d’une alternative à la Banque mondiale et au FMI. Ou encore le rapprochement stratégique entre les économies iranienne et russe. Membre important des BRICS, le Brésil n’est pas en reste. Ce changement est de taille lui aussi. Depuis que Nixon avait rompu avec la convertibilité du dollar en or, mettant fin aux accords de Bretton Woods en 1971, le billet vert avait gardé une valeur stratégique comme monnaie incontournable dans les échanges internationaux. Mais la dédollarisation croissante de ces échanges pourrait provoquer une onde de choc pour l’économie US. (IGA)


Dans le monde d’aujourd’hui, le dollar américain est le roi incontesté des monnaies internationales.

Cependant, les temps changent.

La volatilité de la monnaie a soulevé plusieurs questions à son sujet. La militarisation du dollar a poussé les pays à chercher d’autres options.

Cette fois, c’est le Brésil qui a lancé le mouvement de “dédollarisation” en Amérique du Sud.

Le Brésil et les BRICS

Dilma Rousseff, l’ex-présidente du Brésil, a été choisie pour être la prochaine dirigeante de la nouvelle banque de développement du groupe BRICS, après que le Brésil ait obtenu le soutien des autres nations de la coalition.

La Nouvelle banque de développement des BRICS, basée à Shanghai, en Chine, a été créée par les pays des BRICS. Elle a été formée comme une alternative à la Banque mondiale et au Fonds monétaire international. La banque BRICS est une institution chargée de financer des projets dans les cinq pays du groupe BRICS.

Cela profiterait largement au Brésil, qui est à la recherche d’investissements après une décennie de faible croissance. Elle contribuerait également à la dédollarisation des pays du groupe des BRICS.

Sous l’administration Bolsonaro, le Brésil s’est davantage aligné sur les puissances occidentales. Il avait hésité à plaider en faveur d’une monnaie de réserve des BRICS. Mais aujourd’hui, le nouveau président du Brésil, Lula Da Silva, a exprimé sa détresse face à la domination du dollar dans le commerce brésilien. Il a proposé que les BRICS soient utilisés comme un moyen de dédollarisation. Il a souligné que les BRICS n’ont pas été créés pour la défense, mais comme un outil offensif.

Dédollarisation

Les pays des BRICS ont déjà entrepris un projet visant à créer une monnaie de réserve pour atteindre leurs objectifs économiques. Cette monnaie serait formée d’une combinaison du Yuan RMB chinois, du Rouble russe, de la Roupie indienne, du Réal brésilien et du Rand sud-africain.

Pavel Knyazev, directeur adjoint du département de planification de la politique étrangère du ministère russe des Affaires étrangères, a confirmé ce projet. Il a déclaré : “La possibilité et les perspectives de mise en place d’une monnaie unique commune basée sur un panier de devises des pays BRICS sont en cours de discussion.”

Les nations BRICS ont précédemment déclaré leur intention de créer un réseau de paiement partagé. Ce réseau permettrait de réduire leur dépendance à l’égard du système financier occidental. En outre, ils utilisent plus souvent les monnaies locales dans leurs échanges.

M. Knyazev a déclaré : “Ce n’est pas une tâche facile. La feuille de route prévoit l’augmentation progressive de la part des monnaies nationales dans les règlements mutuels. Par conséquent, je ne pense pas que ce processus sera accéléré, mais l’intention est sérieuse.” Le lapin, c’est-à-dire le dollar, a peut-être une longueur d’avance en ce moment. Mais c’est la tortue, lente et régulière, qui gagne la course.

La dédollarisation de l’Amérique du Sud

Les efforts du Brésil pourraient très bien trouver un écho en Amérique du Sud. L’Argentine, deuxième économie du Brésil, cherche déjà à devenir membre du groupe des BRICS. Cela aura un effet domino dans la région.

L’année dernière, le président vénézuélien Nicolas Maduro a proposé de promouvoir le Sucre, une monnaie utilisée par la coalition d’États ALBA. L’ALBA comprend principalement la Bolivie, Cuba et d’autres petites nations des Antilles. En outre, le Colombien Gustavo Petro est également favorable à l’intégration de l’Amérique latine. Des vents favorables à une monnaie commune soufflent sur le continent.

L’Argentine et le Brésil prévoient déjà d’introduire une monnaie commune. Elle remettra en cause la domination du dollar sur le continent. Le projet peut positionner la région d’Amérique latine comme une importante puissance géopolitique et économique. Elle serait en mesure d’exporter un large éventail de biens en plus d’être autosuffisante.

La déclaration conjointe de l’Argentine et du Brésil a souligné le potentiel d’une monnaie sud-américaine commune pour réduire la vulnérabilité extérieure. Elle fait référence à la vulnérabilité du dollar américain. Les États-Unis ont continuellement sanctionné des pays du continent, ce qui a rendu difficile pour les pays de traiter avec le dollar américain dans le commerce.

Le Brésil a donc lancé le mouvement de “dédollarisation” sur le continent. Cela pourrait constituer une avancée majeure pour la région. Elle pourrait conduire à une augmentation des investissements, à une réduction des coûts de transaction et à une plus grande intégration économique.

Est-ce faisable ?

En retour, cela pourrait se traduire par une amélioration de la croissance économique et des réserves de change pour les pays concernés. Le succès de la monnaie dépendra toutefois de la qualité de sa mise en œuvre et de la volonté des pays participants d’investir dans sa réussite.

Ce sera un coup dur pour les États-Unis. L’hégémonie des États-Unis dépend largement du dollar américain. Si le dollar est détrôné, ce sera un changement majeur dans la géopolitique du XXIe siècle.

 

Source originale: TFI Global

Traduit de l’anglais par Bernard Tornare

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