« La filiale Dexia Israël sera vendue avant l’été, sous la pression des actionnaires », a déclaré Jean-Luc Dehaene la semaine dernière. La plateforme « Palestine occupée, Dexia impliquée » a donc réussi à faire céder un géant bancaire.
Le jour du 30e anniversaire de la mort de Bob Marley, plus d’une quarantaine d’activistes de la plateforme « Palestine occupée, Dexia impliquée » se sont rendus, fanfare en tête, à l’assemblée générale de Dexia. Les deux événements n’avaient rien à voir, mais la chanson « Get up, stand up, stand up for your rights » – en l’occurrence, pour les droits du peuple palestinien – collait bien à cette action.
Voici presque trois ans que cette plateforme entamait sa campagne : 10 000 cartes de protestation, plus de 1 000 lettres, motions émanant de 44 conseils communaux, lobbying auprès de parlementaires, rassemblements de protestation simultanés devant 25 agences Dexia, présence dans des manifestations dans tout l’Europe… La banque a d’abord réagi en minimalisant les actions et en montrant son irritation. Le président du conseil d’administration, Jean-Luc Dehaene, a même initialement réussi à semer le doute sur l’existence de Jérusalem-Est.
Mais le vent a tourné. Au début du mois dernier, on annonçait que Dexia recherchait un repreneur pour sa filiale israélienne. Un événement. Mario Franssen, porte-parole d’intal et de la plateforme de la campagne coordonnant 82 organisations, explique que, mercredi, dès le début de la journée, il sentait que quelque chose était dans l’air : « Il était clair que le moment était favorable pour cette action. Dexia avait en effet entamé des négociations pour vendre sa filiale. Il était temps de donner un dernier coup d’accélérateur. »
Boycott, Désinvestissement et Sanction
Ce dernier « coup » consistait en 32 questions posées par les activistes, tous en possession d’une action Dexia de 2,70 euros et qui pouvaient donc participer à l’assemblée générale. Jean-Luc Dehaene a donc laissé faire. « Je pense que la direction a dû se résigner à la vente de Dexia Israël, poursuit Franssen. Mariani, le PDG, n’était pas très content que Dehaene ait laissé poser toutes les questions. Mais quelle était l’alternative ? Les Régions flamande et bruxelloise avaient également pris en considération le financement de l’occupation israélienne. Leurs représentants se sont mêlés à nous. On aurait dit qu’ils faisaient partie de notre groupe. »
« Dexia Israël sera vendue avant l’été, sous la pression des actionnaires de la banque », a fini par décréter Jean-Luc Dehaene. Des hommes dansaient, des foulards palestiniens étaient brandis. La campagne internationale Boycott, Désinvestissement et Sanction (BDS), qui appelle les consommateurs à boycotter les produits provenant des colonies israéliennes, existe depuis bien plus longtemps. Une entreprise qui, sous la pression, vend une de ses filiales, n’est donc pas un précédent. En Allemagne, la Deutsche Bahn s’est retirée d’Israël il y a peu, tout comme, précédemment, des fonds de pension en Norvège et aux Pays-Bas. « Mais c’est bien la première fois qu’on voit une banque céder, se réjouit Mario Franssen. En outre, lorsque nous avons débuté en 2008, Dexia était la plus grosse entreprise du pays. Faire modifier la politique d’une telle entreprise, ce n’est pas rien. Je suis aussi persuadé que le repreneur de la filiale israélienne ne sera pas une banque belge. »
Et maintenant ? Que doit faire une plateforme lorsque son but est atteint ? Franssen reste prudent. Il affirme qu’il continuera à suivre l’affaire jusqu’à la vente effective par Dexia de sa filiale – on ne sait jamais. « Dehaene a également évoqué un financement pour des initiatives palestiniennes. Là, nous pouvons jouer un rôle. C’est avec plaisir que nous mettrions la banque en contact avec des organisations sur place. Ensuite ? Une évaluation approfondie avec les 82 organisations participantes. Cette campagne démontre en tout cas que, dans le cadre de BDS, davantage d’initiatives peuvent voir le jour. »
Comment Dexia Israël a détourné l’attention des bonus
Lors de l’assemblée générale de Dexia, étaient également présents les syndicats, plusieurs communes et Régions afin de poser des questions sur un tout autre sujet : les bonus des dirigeants de la banque. Mais le bombardement de questions de la plateforme a porté de l’ombre à leurs interpellations. « Ce n’était pas notre intention, s’excuse Mario Franssen. Pour Dexia, cette question est encore bien plus sensible qu’Israël. Je crains que ce soit une des raisons pour lesquelles la direction et Dehaene nous ont laissé le champ libre. Certains syndicalistes ont dû penser que cela durait trop longtemps. Mais nous avons cependant reçu des réactions positives. Les syndicats font en effet partie de notre plateforme. Nous avons toujours eu de bonnes relations avec eux et les membres du personnel, que nous avons informé ensemble. Ceux-ci ne sont pas responsables de ce Dexia fait en Israël. »
Contre le droit international, contre son propre code éthique
En 2001, Dexia a pris le contrôle de la banque israélienne Otzar Hashilton Hamekomi. Cette banque est comparable à notre ancien Crédit communal belge. Elle finance les villes, communes et autres institutions publiques. En 2007, la banque a changé de nom pour devenir Dexia Israël Public Finance Ltd. L’an dernier, la plateforme révélait que Dexia Israël Public Finance Ltd finançait 50 colonies israéliennes pour un montant de 40 millions d’euros. Le directeur de Dexia Israël, David Kapah, a confirmé cela au parlement israélien.
Le financement de colonies va à l’encontre du droit international, selon la plateforme. Mario Franssen rappelle que « l’article 49 de la quatrième Convention de Genève stipule : “La Puissance occupante ne pourra procéder à la déportation ou au transfert d’une partie de sa propre population civile dans le territoire occupé par elle.” Ceci a été confirmé à de nombreuses reprises par le Conseil de sécurité des Nations-Unies.
Par le financement illégal de la colonisation par Israël, Dexia enfreint également son propre code éthique. Dexia a signé le Pacte mondial des Nations-Unies, dont les principes 1 et 2 précisent : “Les entreprises doivent promouvoir et respecter les droits de l’homme reconnus sur le plan international. Celles-ci ne doivent pas se faire complices de violations de droits fondamentaux.” »