Une enquête secrète, effectuée sur deux ans par le l'establishment
militaire, révèle l'existence de constructions illégales rampantes dans
plusieurs dizaines de colonies, concernant dans de nombreux cas des terres
palestiniennes privées.
Ha'aretz, 24 octobre 2006
http://www.haaretz.com/hasen/spages/778767.html
Croissance des colonies sur des terres arabes malgré les promesses aux
Etats-Unis
Trad. : Gérard pour La Paix Maintenant
Cette information a été présentée à deux ministres de la défense, Amir
Peretz et son prédécesseur Shaul Mofaz, mais elle n'a pas été rendue
publique. Un certain nombre de personnes concernées par les enquêtes ont dû
signer une clause de non-divulgation.
D'après des sources au sein de l'appareil de sécurité qui sont au courant de
cette étude, les informations qu'elle contient sont "de la dynamite
politique et diplomatique."
Au cours d'entretiens avec Ha'aretz, ces sources ont confirmé que ces
informations ont été tenues secrètes pour éviter une crise avec le
gouvernement américain.
Début octobre, le général Baroukh Spiegel, assistant du ministre de la
défense, a pris sa retraite. Spiegel était, entre autres, chargé des
différentes questions liées aux Territoires palestiniens, questions que Dov
Weisglass, chef de cabinet d'Ariel Sharon, s'était engagé par écrit à régler
auprès de la secrétaire d'Etat Condoleezza Rice. Or, ces engagements
comprenaient la construction illégale dans les colonies, l'amélioration des
conditions de vie des civils palestiniens et un contrôle plus strict du
comportement des soldats aux check points.
L'une des tâches de Spiegel était de mettre à jour la base de données sur
l'activité de colonisation. Au cours de conversations entre des
représentants américains et des organisations non-gouvernementales comme
Shalom Arshav (La Paix Maintenant), il est apparu que les militaires
manquaient d'informations mises à jour sur les colonies, informations
fondées pour la plupart sur les chiffres que leur transmettait
l'Administration civile (1) dans les territoires.
Ce manque d'informations à jour provenait du fait que les militaires ont
préféré ne pas savoir ce qui se passait, mais il était également lié à un
certain nombre d'hommes-clés au sein de l'Administration civile qui ont
délibérément éliminé certaines informations de la base de données, par
identification idéologique avec les colons.
Spiegel et son équipe ont comparé les informations fournies par
l'Administration civile à celles dont disposaient les Américains, et ils ont
effectué des dizaines de survols des territoires pour compléter leur base de
données.
Les résultats de cette étude, disent nos sources au sein de l'appareil de
sécurité, révèlent des différences frappantes entre les informations en
provenance de l'Administration civile et la réalité sur le terrain. Les
informations recueillies grâce à l'étude de Spiegel ont servi de base au
rapport de la procureure Talia Sasson sur les colonies sauvages, publié en
mars 2005.
"Tout le monde parle des 107 colonies sauvages", dit une source qui connaît
bien le dossier, "mais ce n'est pas grand-chose. La grosse affaire, ce sont
les colonies les plus anciennes, les colonies 'légales'. Là-bas, la
construction se poursuit depuis des années, en violation flagrante de la loi
et des règles de bonne gouvernance."
Il y a trois ans, au cours de pourparlers avec les Américains, Israël avait
promis que toute nouvelle construction dans les colonies anciennes
serait effectuée dans des quartiers déjà existants. L'idée était que la
construction se limiterait à répondre aux besoins de la croissance naturelle
des colonies, tout en mettant fin à leur expansion territoriale qui
échappait à tout contrôle.
Mais en pratique, les données montrent qu'Israël n'a pas respecté ses
engagements : de nombreux nouveaux quartiers ont été systématiquement
construits aux confins des territoires dépendant de la juridiction des
colonies, bien plus étendus que ce dont rendent compte les plans.
Les informations révèlent également que dans de nombreux cas, la
construction s'est effectuée sur des terres privées palestiniennes. Dans les
plans-maîtres, des biens palestiniens ont été fréquemment inclus dans les
constructions prévues pour l'avenir. Cela a concerné des terres
palestiniennes aux propriétaires desquelles l'Etat avait promis le libre
accès. Or, au prétexte de l'Intifada et du fait que les colons ne devaient
pas être exposés à des risques pour leur sécurité, des agriculteurs
palestiniens ont été empêchés d'avoir accès à leurs propriétés, annexées par
des colonies israéliennes.
Dans de nombreuses colonies, dont Ofra et Mevo Horon, des maisons ont été
construites sur des terres privées palestiniennes.
"Les médias s'occupent des colonies sauvages, mais combien sont de grosses
colonies comme Migron? Dans la plupart des cas, il s'agit de quelques mobile
homes. L'étude de Spiegel montre que le vrai problème se passe dans les
'vraies' colonies – et il est bien plus grave que nous ne le pensions
jusqu'aujourd'hui", noua a déclaré l'une de nos sources.
Un haut fonctionnaire des services de sécurité s'inquiète du fait qu'avec la
retraite de Spiegel, la base de données ne soit pas mise à jour et que les
informations soient égarées.
"L'establishment (de la défense) n'a pas nécessairement intérêt à
sauvegarder ces informations. Cela peut provoquer un embarras vis-à-vis des
Américains et causer un scandale politique. Il n'est pas impossible qu'il y
en ait qui chercheront à les détruire", dit ce fonctionnaire.
/…
Le cabinet du ministre de la défense a réagi en déclarant que "l'affaire est
examinée en interne et le travail d'équipe sera bientôt terminé. Les parties
du rapport qui peuvent être publiées seront disponibles. Le ministre de la
défense discutera de cette question avec le premier ministre Ehoud Olmert."
Pendant ce temps, la construction dans les nouvelles colonies sauvages s'est
intensifiée. Des sources au sein du Conseil représentatif des colons (Yesha)
a dit que depuis la guerre du Liban, "de jeunes officiers sur le terrain
sont de notre côté, dans de nombreux cas, ils font semblant de na pas voir
les mobile homes qui sont mis en place."
(1) Comme son nom ne l'indique pas, l'Administration civile est une
administration militaire chargée du suivi au quotidien de la vie des civils
(palestiniens et colons) dans les territoires palestiniens.