A notre connaissance, jamais un bureau des droits de l’homme n’a occupé autant de place dans la presse mainstream. Nous parlons bien sûr de l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH), cette officine située à Londres, en très bons termes avec l’administration Cameron et animée par un homme d’affaires, Oussama Ali Souleimane alias Rami Abdel Rahmane. Dans ses communiqués repris comme parole d’évangile par les agences de presse, l’OSDH fait régulièrement passer des combattants armés pour des victimes civiles, classe les victimes « pro-Bachar » de l’insurrection pour des victimes de l’armée gouvernementale et gonfle sa liste nécrologique avec de décès « apolitiques », notamment des accidentés de la route. Surfant sur le succès de l’OSDH et dans l’espoir que les victimes du terrorisme de l’Etat turc soient un peu plus entendues, notre collaborateur et ami Bahar Kimyongür qui milite depuis plus de quinze ans pour la démocratisation de la Turquie, s’est autoproclamé « directeur de l’Observatoire turc des droits de l’homme » (OTDH). Les deux seules fois où il est passé à la télévision belge pour expliquer la situation en Turquie lui ont valu d’être poursuivi pour terrorisme. Syrie-Turquie, deux poids deux mesures ?
Voici des images qui ne feront pas le tour du monde (libre):
Et pour cause, elles montrent un lynchage policier qui ne s'est déroulé ni en Iran, ni en Syrie mais en Turquie.
La Turquie, cette magnifique destination de vacances est aussi une belle dictature islamo-libérale placée sous la férule du Parti de la justice et du développement (AKP) depuis 10 ans et le garde-chiourme du monde « libre » depuis 60 ans, 1952 étant l'année de son adhésion à l'OTAN.
La victime de ce lynchage policier est un chauffeur pressé de conduire une femme enceinte à l'hôpital.
Pendant son contrôle d’identité, Ahmet Koca a eu le malheur de parler en kurde, la « langue des terroristes » selon ses tortionnaires.
Il subira une vé rita ble ratonnade pendant de longues minutes devant la femme enceinte qu'il conduisait et devant ses enfants.
Ahmet Koca sera assommé par une volée de coups de poings, de coups de pied, de coups de matraque et de ceintures.
Le cas d'Ahmet Koca est loin d'être isolé. L'an dernier, au moment où la presse occidentale nous rivait les yeux sur la Syrie, la Ligue turque des droits de l'homme (IHD) a enregistré 3.252 cas de torture et de mauvais traitements dans les centres de détention turcs.
Voici quelques données chiffrées concernant l'ampleur du terrorisme d’État sévissant dans ce pays qui, paradoxalement, se situe à l'avant-garde de la guerre pour la démocratie en Syrie :
– Avec 96 journalistes emprisonnés (chiffres publiés le 18 juin 2012 par la Plate-forme de solidarité avec les journalistes emprisonnés – TGDP), la Turquie compte le plus grand nombre de journalistes incarcérés au monde. Ces derniers sont accusés à tort et à travers de terrorisme d'extrême-gauche, de terrorisme séparatiste ou de complot putschiste.
– La Turquie compte actuellement 8.010 prisonniers politiques (chiffres officiels de 2011) soit le plus grand nombre de prisonniers politiques au monde
– Les prisonniers politiques sont tués à petits feux dans le silence des cellules d'isolement (prisons de type F). Quant aux prisonniers de droit commun, ils sont tués à grandes flammes, parqués comme du bétail dans des dortoirs surpeuplés (prisons de type E) où règne une chaleur de plus de 40 degrés. Le 16 juin 2012 à Urfa, une mutinerie s'est soldée par la mort de 13 détenus, victimes de l'incendie qu'ils ont eux-mêmes allumés pour protester contre leurs conditions de détention inhumaines. La plus jeune des victimes avait 18 ans. La plus «âgée» : 34 ans. La révolte carcérale s'est propagée vers les prisons d'Adana, Osmaniye, Gaziantep où l'on dénombre de plusieurs blessés.
– Pas moins de 2.200 étudiants et lycéens croupissent dans les prisons pour avoir manifesté pacifiquement pour un enseignement gratuit et démocratique ou pour le respect de leurs droits nationaux et culturels
– D'après les chiffres publiés par le ministère turc de la justice en avril dernier, 2.281 enfants se trouvent derrière les barreaux. Ils subissent régulièrement des abus sexuels notamment à la prison de Pozanti.
– En dix ans de règne de l'AKP, 171 enfants auraient été tués par les forces de sécurité d'après la Ligue turque des droits de l'homme (IHD)
– L'armée turque utilise des armes chimiques et du napalm contre les maquisards kurdes. Le 22 octobre 2011, 24 combattants kurdes ont perdu la vie sous les bombes chimiques interdites larguées par l'aviation militaire.
– L'armée turque utilise des drones israéliens Heron ou des drones américains Predator contre la rébellion kurde. De nombreux villageois sont victimes de ces opérations meurtrières. Le 28 décembre dernier, 34 civils kurdes ont été tués à Uludere/Roboski.
– La police exerce une violence létale contre les rassemblements démocratiques à travers l'usage de matraques ou de gaz lacrymogènes hautement toxiques. Le 28 mai dernier, Cayan Birben, 31 ans, est mort asphyxié par les bombes à gaz de la police. Birben est la 6e victime de ces gaz en un an.
– Le parlement turc compte huit députés de l'AKP réputés proches des djihadistes qui ont bouté le feu à l'hôtel Madimak le 2 juillet 1993 tuant 34 intellectuels. Il s'agit de Zeyid Aslan, Hüsnü Tuna, Ali Bulut, Ali Aslik, Halil Ürün, Haydar Kemal Kurt, Bülent Tüfekçi et Ibrahim Hakki Aksar.
Malgré la terreur que fait régner cette dictature pro-occidentale et membre de l'OTAN sur nos peuples, l'opposition turque n'a jamais sollicité la moindre intervention de l'Organisation de coopération de Shanghai (OCS) ni celle des États-membres de l'Alliance bolivarienne pour les Amériques (ALBA).
Consciente que seule la lutte sociale permettra de faire de la Turquie une patrie libre et démocratique, l'opposition turque remercie cette autre communauté internationale (dont se gausse bien entendu l'Occident nombriliste et "humanitaire") pour son respect envers notre droit de disposer de nous-mêmes.
Observatoire turc des droits de l'homme (OTDH)
otdh.turquie@yahoo.fr
Le 21 juin 2012