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Ce qu’il en coûte de témoigner

Des dizaines d'écrivains et de photographes palestiniens, dont beaucoup ont été tués, sont déterminés à nous rendre compte de l'horreur de ce génocide. Ils viendront à bout des mensonges des assassins.

Écrire et photographier en temps de guerre, voilà des actes de résistance, des actes de foi. Ces actes témoignent de la conviction qu’un jour – un jour que les écrivains, les journalistes et les photographes ne vivront peut-être jamais – les mots et les images susciteront l’empathie, la compréhension et l’indignation, et seront source de sagesse. Ils relatent non seulement les faits, bien que les faits soient essentiels, mais aussi le sens, le caractère sacré et la souffrance des vies et des communautés sacrifiées. Ils racontent au monde ce qu’est la guerre, ce que ceux qui sont pris dans la gueule du loup endurent, les sacrifices de ceux qui se dévouent pour les autres et ceux qui ne se dévouent pas, la peur, la faim et la mort. Ils relaient les cris des enfants, la douleur qui fait gémir les mères, le combat quotidien face à la violence industrielle sauvage, le triomphe de leur humanité à travers la misère, la maladie, l’humiliation et la peur. C’est pourquoi les écrivains, les photographes et les journalistes sont la cible des agresseurs en temps de guerre – y compris les Israéliens – qui les suppriment. Ils sont les témoins du mal, un mal que les agresseurs veulent enterrer et oublier. Ils dénoncent les mensonges. Ils condamnent leurs bourreaux, y compris du fond de leur tombe. Depuis le 7 octobre, Israël a tué au moins 13 poètes et écrivains palestiniens, ainsi qu’au moins 67 journalistes et professionnels des médias à Gaza et trois au Liban.

J’ai fait l’expérience à la fois des futilités et de l’indignation lorsque j’ai couvert la guerre. Je me suis demandé si mon travail était utile ou si le jeu en valait la chandelle. Mais vous continuez, parce que ne rien faire, c’est être complice. On rend compte parce qu’on se sent concerné. On fait en sorte que les assassins aient du mal à nier leurs crimes.

Ceci m’amène à évoquer le romancier et dramaturge palestinien Atef Abu Saif. Lui et son fils de 15 ans, Yasser, qui vivent en Cisjordanie occupée, rendaient visite à leur famille à Gaza – où il est né – lorsqu’Israël a commencé sa campagne de la “terre brûlée”. Atef n’est pas sans connaître la violence de l’occupant israélien. Il avait deux mois lors de la guerre de 1973 et il écrit :

“Depuis, je n’ai cessé de vivre la guerre. À l’instar de la vie, qui est une pause entre deux morts, la Palestine, en tant que territoire et en tant que concept, est un temps mort au cœur de nombreuses guerres”.

Pendant l’opération “Cast Lead”, l’assaut israélien de 2008/2009 sur Gaza, Atef s’est réfugié dans le couloir de la maison familiale de Gaza pendant 22 nuits avec sa femme Hanna et ses deux enfants, alors qu’Israël bombardait et pilonnait la ville. Son livre “The Drone Eats with Me : Diaries from a City Under Fire” [Le drone mange à ma table : Journal d’une ville attaquée], est un récit de l’opération Protective Edge, l’assaut israélien de 2014 sur Gaza qui a tué 1 523 civils palestiniens, dont 519 enfants.

“Les souvenirs de guerre peuvent être étrangement positifs, puisque le fait de les avoir vécues suppose que l’on a survécu”, note-t-il, narquois.

Il a de nouveau fait ce que font les écrivains, y compris le professeur et poète Refaat Alareer, qui a été tué, ainsi que son frère, sa sœur et ses quatre enfants, lors d’une frappe aérienne sur l’immeuble de sa sœur à Gaza le 7 décembre. The Euro-Mediterranean Human Rights Monitor a déclaré qu’Alareer avait délibérément été pris pour cible, “bombardé chirurgicalement avec tout le bâtiment”. Son assassinat faisait suite à des semaines de “menaces de mort reçues en ligne et par téléphone par Refaat depuis des comptes israéliens”, et il avait déménagé chez sa sœur à cause de ces menaces.

M. Refaat, dont le doctorat portait sur le poète métaphysique John Donne, avait écrit en novembre un poème intitulé “If I Must Die” [Si je dois mourir], véritable testament. Ce poème a été traduit dans de nombreuses langues. Une lecture du poème par l’acteur Brian Cox a été visionnée près de 30 millions de fois.

Si je dois mourir,

il faut que tu vives

pour raconter mon histoire

pour vendre mes affaires

et acheter un bout de tissu

et des ficelles,

(blanc avec une longue queue)

pour qu’un enfant, quelque part à Gaza

en regardant le ciel dans les yeux

en attendant son papa parti en fumée…

qui n’a fait ses adieux à personne

pas même à son corps

pas même à lui-même

regarde le cerf-volant, celui que tu as fait

qui s’envole vers le ciel

et imagine, l’espace d’un instant, qu’un ange se trouve là

pour ramener l’amour

Si je devais mourir

que ce soit porteur d’espoir

que ce soit comme un conte.

Atef, qui se trouve une fois de plus au cœur des explosions et du carnage des obus et des bombes israéliens, publie avec détermination sa réflexion et ses observations. Ses récits sont souvent difficiles à diffuser en raison de la censure israélienne sur internet et les réseaux téléphoniques. Ils ont été publiés dans le Washington Post, le New York Times, The Nation et Slate.

Le premier jour des bombardements israéliens, un ami, le jeune poète et musicien Omar Abu Shawish, a été tué, apparemment lors d’un bombardement naval israélien, bien que des rapports ultérieurs aient indiqué qu’il avait été tué par une frappe aérienne alors qu’il partait travailler . Atef s’interroge sur les soldats israéliens qui l’observent, lui et sa famille, avec “leurs caméras infrarouges et leurs photographies par satellite”. Sont-ils en mesure de “compter les boules de pain dans mon panier, ou le nombre de boulettes de falafel dans mon assiette ?” Il observe la foule des familles hébétées et désemparées, dont les maisons sont en ruines, qui transportent “des matelas, des sacs de vêtements, de la nourriture et des boissons”. Il reste sans voix devant “le supermarché, le bureau de change, le magasin de falafels, les étals de fruits, le salon de parfumerie, le magasin de bonbons, le magasin de jouets — tous calcinés”.

“Il y avait du sang partout, des morceaux de jouets d’enfants, des boîtes de conserve du supermarché, des fruits écrasés, des vélos cassés et des bouteilles de parfum brisées”, écrit-il. “L’endroit ressemblait au dessin au fusain d’une ville brûlée par un dragon”.

“Je suis allé à la Maison de la presse, où les journalistes téléchargeaient frénétiquement des images et rédigeaient des articles pour leurs organes de presse. J’étais assis avec Bilal, le responsable, lorsqu’une explosion a secoué le bâtiment. Les fenêtres ont volé en éclats et le plafond s’est effondré sur nous en morceaux. Nous sommes partis en courant vers l’entrée principale. L’un des journalistes saignait, atteint par des éclats de verre. Au bout de 20 minutes, nous sommes sortis pour inspecter les dégâts. J’ai vu que les décorations du Ramadan étaient restées accrochées dans la rue”.

“La ville n’est plus qu’un champ de ruines et de gravats”, écrit M. Atef, ministre de la Culture de l’Autorité palestinienne depuis 2019, dans les premiers jours du bombardement israélien de la ville de Gaza.

“De beaux bâtiments s’écroulent dans des colonnes de fumée. Je pense souvent au jour où, enfant, on m’a tiré dessus pendant la première Intifada et où ma mère m’a dit qu’en fait, je suis mort quelques minutes avant d’être ramené à la vie. Je crois pouvoir faire de même cette fois-ci”.

Il confie son fils adolescent à des membres de sa famille.

“La logique palestinienne veut qu’en temps de guerre, nous dormions tous dans des lieux différents, de sorte que si une partie de la famille est tuée, l’autre reste en vie”, écrit-il. “Les écoles de l’ONU sont de plus en plus saturées de familles déplacées. On espère que le drapeau de l’ONU les sauvera, bien que cela n’ait pas été le cas lors des guerres précédentes.”

Le mardi 17 octobre, il écrit

Je vois la mort approcher, j’entends son pas s’amplifier. Je pense qu’il faut en finir. C’est le onzième jour du conflit, mais tous ces jours ne font qu’un : mêmes bombardements, même peur, mêmes odeurs. Aux informations, je lis les noms des morts sur le téléscripteur en bas de l’écran. J’attends que le mien apparaisse.

“Au matin, mon téléphone a sonné. C’était Rulla, une parente de Cisjordanie, qui me disait qu’elle avait entendu parler d’une frappe aérienne à Talat Howa, un quartier du sud de la ville de Gaza où vit mon cousin Hatem. Hatem est marié à Huda, l’unique sœur de ma femme. Il vit dans un immeuble de quatre étages où vivent aussi sa mère, ses frères et leurs familles.

“J’ai téléphoné un peu partout, mais rien ne fonctionnait. J’ai marché jusqu’à l’hôpital al-Shifa pour lire les noms : des listes des morts sont affichées tous les jours à l’extérieur d’une morgue improvisée. Je pouvais à peine m’approcher du bâtiment : Des milliers de Gazaouis ont fait de l’hôpital leur refuge : ses jardins, ses couloirs, chaque espace ou recoin libre est occupé par une famille. J’ai renoncé et suis allé chez Hatem.

“Une demi-heure plus tard, j’étais dans sa rue. Rulla avait raison. L’immeuble de Huda et Hatem avait été bombardé à peine une heure plus tôt. Les corps de leur fille et de leur petite-fille avaient déjà été évacués. La seule survivante connue était Wissam, une des autres filles, qui a été transportée à l’unité de soins intensifs. Wissam a été directement opérée, ses deux jambes et sa main droite ont été amputées. La cérémonie de remise des diplômes de l’école des beaux-arts avait eu lieu la veille. Elle devra passer le reste de sa vie sans jambes et avec une seule main. “Et les autres ?” ai-je demandé à quelqu’un.

“On ne les retrouve pas”, m’a-t-on répondu.

Au milieu des décombres, nous avons tous crié : “Ého ! Est-ce que quelqu’un nous entend ?” Nous avons crié les noms des disparus, en espérant que certains soient encore en vie. En fin de journée, nous avions retrouvé cinq corps, dont celui d’un enfant de trois mois. Nous sommes allés les enterrer au cimetière.

Le soir, je suis allée voir Wissam à l’hôpital, elle était à peine réveillée. Au bout d’une demi-heure, elle m’a demandé “Khalo [Mon oncle], je rêve, n’est-ce pas ?”

J’ai répondu :

— Nous sommes tous dans un rêve.

— Mon rêve est horrible ! Pourquoi ?

— Tous nos rêves sont horribles.

Au bout de dix minutes de silence, elle a dit :

— Ne me mens pas, Khalo. Dans mon rêve, je n’ai pas de jambes. Est-ce que c’est vrai, dis ? Je n’ai plus de jambes ?

— Mais tu as dit que c’était un rêve.

— Je n’aime pas ce rêve, Khalo.

Il fallait que je parte. Pendant dix longues minutes, j’ai pleuré et encore pleuré. Accablée par les horreurs de ces derniers jours, je suis sorti de l’hôpital et je me suis retrouvé à errer dans les rues. Je me suis dit qu’on pourrait transformer cette ville en plateau de tournage pour films de guerre. Des films sur la Seconde Guerre mondiale et sur la fin du monde. Nous pourrions la louer aux meilleurs réalisateurs d’Hollywood. L’apocalypse à la demande. Qui aura le courage de dire à Hanna, si loin à Ramallah, que son unique sœur a été tuée ? Que sa famille a été tuée ? J’ai appelé ma collègue Manar et lui ai demandé d’aller chez elle avec quelques amis pour essayer de retarder l’annonce de la nouvelle. “Mentez-lui”, ai-je dit à Manar. “Dites que l’immeuble a été frappé par des F-16, mais que les voisins pensent que Huda et Hatem étaient sortis à ce moment-là. N’importe quel mensonge peut l’aider.”

Des tracts en arabe largués par les hélicoptères israéliens flottent dans le ciel. Ils annoncent que quiconque reste au nord de la rivière Wadi sera considéré comme complice du terrorisme, “ce qui signifie”, écrit Atef, “que les Israéliens peuvent tirer à vue”. L’électricité est coupée. La nourriture, le carburant et l’eau commencent à manquer. Les blessés sont opérés sans anesthésie. Il n’y a plus d’analgésiques ni de sédatifs. Il va voir sa nièce Wissam, terrassée par la douleur, à l’hôpital al-Shifa, qui lui réclame une injection létale. Elle lui dit qu’Allah lui pardonnera.

— Mais il ne me pardonnera pas, Wissam.

— Je vais le lui demander pour toi, dit-elle.

Après les raids aériens, il rejoint les équipes de secours “sous le vrombissement des drones que nous ne pouvions pas voir dans le ciel”. Un vers de T.S. Eliot, “Un tas d’images brisées”, lui trotte dans la tête. Les blessés et les morts sont “transportés sur des tricycles ou tirés dans des charrettes par des ânes”.

“Nous avons ramassé des morceaux de corps mutilés et les avons rassemblés sur une couverture. Ici une jambe, là, une main, tandis que le reste ressemble à de la viande hachée”, écrit-il. “La semaine dernière, beaucoup de Gazaouis ont commencé à écrire leur nom sur leurs mains et leurs jambes, au stylo ou au feutre indélébile, afin de pouvoir être identifiés lorsque la mort surviendra. Cela peut sembler macabre, mais c’est tout à fait logique : nous voulons qu’on se souvienne de nous ; nous voulons que nos histoires soient racontées ; nous aspirons à la dignité. Au moins, nos noms figureront sur nos tombes. L’odeur des corps disparus sous les ruines d’une maison frappée la semaine dernière flotte encore dans l’air. Plus le temps passe, plus l’odeur est forte”.

Autour de lui, tout devient surréaliste. Le 19 novembre, 44e jour de l’assaut, il écrit :

“Un homme s’approche de moi à cheval, le corps d’un adolescent mort en travers de la selle devant lui. Peut-être que c’est son fils. On dirait une scène de film historique, sauf que le cavalier est faible et à peine capable de se mouvoir. Il ne revient pas d’une quelconque bataille. Ce n’est pas un chevalier. Ses yeux sont pleins de larmes alors qu’il tient la petite cravache d’une main et la bride de l’autre. J’aimerais le prendre en photo, mais rien que l’idée me rend malade. Il ne salue personne. Il lève à peine la tête. Il est trop absorbé par la perte qui le frappe. La plupart des gens vont dans l’ancien cimetière du camp, c’est le plus sûr et, bien qu’il soit techniquement saturé depuis longtemps, on s’est mis à creuser des tombes moins profondes et à enterrer les nouveaux morts au dessus des anciens – en veillant, bien sûr, à ce que les familles soient réunies.”

Le 21 novembre, après un bombardement ininterrompu de blindés, il décide de fuir le quartier de Jabaliya, au nord de Gaza, pour rejoindre le sud, avec son fils et sa belle-mère, qui est en chaise roulante. Ils doivent passer par les checkpoints israéliens, où les soldats prennent au hasard des hommes et des jeunes garçons dans la file d’attente pour les mettre en prison.

“Des dizaines de corps jonchent les deux côtés de la route”, écrit-il. “On dirait qu’ils pourrissent sur place. L’odeur est atroce. Une main se tend vers nous depuis la fenêtre d’une voiture incendiée, comme si elle attendait quelque chose, de moi en particulier. Je vois ce qui ressemble à deux corps sans tête dans une voiture – des membres et des organes vitaux juste jetés là, et laissés à l’abandon”.

Il dit à son fils Yasser : “Ne regarde pas. Continue à marcher, mon fils.”

Début décembre, la maison familiale est détruite par une frappe aérienne.

“La maison dans laquelle un écrivain grandit est la source dans laquelle puiser la matière. Dans chacun de mes romans, chaque fois que je voulais dépeindre une maison typique du camp, j’évoquais la nôtre. Je déplaçais un peu les meubles, je changeais le nom de la rue, mais de quoi je pouvais bien me moquer ? C’était toujours notre maison”.

“Toutes les maisons de Jabalya sont petites. Elles sont construites au hasard et ne sont pas faites pour durer. Ces maisons ont remplacé les tentes où vivaient les Palestiniens comme ma grand-mère Eisha après les déplacements de 1948. Ceux qui les ont construites ont toujours pensé qu’ils retourneraient vite dans les belles et spacieuses maisons qu’ils avaient dû quitter dans les villes et les villages de la Palestine historique. Il n’y a jamais eu de retour, malgré nos nombreux symboles d’espoir, comme avoir gardé la clé de notre vieille maison de famille. L’avenir ne cesse de nous trahir, mais le passé nous appartient”.

“Bien que j’aie vécu dans de nombreuses villes de par le monde et que j’en aie visité bien d’autres, cette minuscule maison délabrée est le seul endroit où je me sois jamais senti chez moi”, poursuit-il. Mes amis et mes collègues me demandaient toujours : “Pourquoi ne vis-tu pas en Europe ? Pourquoi ne vis-tu pas en Europe ou en Amérique ? Tu pourrais le faire. Mes étudiants m’ont dit la même chose : Pourquoi êtes-vous retourné à Gaza ?” Et ma réponse était toujours la même : “Parce qu’à Gaza, dans une petite rue du quartier Saftawi de Jabalya, il y a une petite maison qu’on ne trouve nulle part ailleurs dans le monde”.

Si, le jour du Jugement dernier, Dieu me demandait où j’aimerais qu’on m’envoie, je n’hésiterais pas un instant : “À la maison”. Mais aujourd’hui, il n’y a plus de “maison”.

Atef est désormais coincé dans le sud de Gaza avec son fils. Sa nièce a été transférée dans un hôpital en Égypte. Israël continue de pilonner Gaza, faisant plus de 20 000 morts et 50 000 blessés. Atef continue à écrire.

L’histoire de Noël est celle d’une femme pauvre, enceinte de neuf mois, et de son mari, contraints de quitter leur maison de Nazareth, dans le nord de la Galilée. Les occupants romains ont exigé qu’ils se fassent recenser à Bethléem, à 150 km de là. Lorsqu’ils arrivent, il n’y a plus de chambres. Elle accouche dans une étable. Le roi Hérode, informé par les mages de la naissance du Messie, ordonne à ses soldats de chasser tous les enfants de deux ans et moins de Bethléem et des environs, et de les tuer. Un ange avertit Joseph en rêve qu’il doit fuir. Le couple et le nourrisson s’échappent, à la faveur de la nuit, et parcourent les 60 km qui les séparent de l’Égypte.

Au début des années 1980, j’étais dans un camp de réfugiés pour les Guatémaltèques qui avaient fui la guerre au Honduras. Les paysans et leurs familles, vivant dans la crasse et la boue, leurs villages et leurs maisons brûlés ou abandonnés, décoraient leurs tentes avec des bandelettes de papier coloré pour célébrer le Massacre des Innocents.”Pourquoi ce jour est-il si important ?” ai-je demandé.

“C’est ce jour-là que le Christ devient un réfugié”, m’a répondu un paysan.

L’histoire de Noël n’a pas été écrite pour les oppresseurs. Elle a été écrite pour les opprimés. Nous sommes tenus de protéger les innocents. Nous sommes tenus de défier la puissance occupante. Atef, Refaat et ceux qui, comme eux, nous parlent, au péril de leur vie, se font l’écho de cette injonction biblique. Ils parlent pour que nous ne nous taisions plus. Ils parlent pour que nous nous emparions de ces mots et de ces images et que nous les brandissions à la face des puissances du monde – médias, politiciens, diplomates, universités, riches et privilégiés, fabricants d’armes, Pentagone et groupes de pression israéliens – qui orchestrent le génocide dans la bande de Gaza. Aujourd’hui, l’enfant Jésus n’est pas couché dans la paille, mais dans un amas de béton brisé.

Le mal n’a pas changé au cours des millénaires. Le bien non plus.


Source : ChrisHedges

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