Le président bolivien, Evo Morales, a déclaré, ce jour, qu’il entamait une grève de la faim, en compagnie d’autres leaders de diverses organisations sociales, pour protester contre les obstacles dressés au Parlement par l’opposition qui veut ainsi s’opposer à l’approbation d’une Loi Electorale Transitoire qui doit permettre la tenue des élections générales du 6 décembre.
le 09 avril 2009
Après 24 heures d’un débat plus usant qu’argumenté, les parlementaires de l’opposition ont persévéré dans leur attitude de blocage qui rend impossible la promulgation du texte légal nécessaire pour la convocation des élections prévues. Une interminable liste d’orateurs a contraint à prolonger durant toute la nuit la séance de la Chambre pendant qu’une commission multipartite négociait en vue de parvenir à un accord. Le vice-président Alvaro García Linera a eu recours, avec patience, à tous les mécanismes parlementaires pour aboutir à un accord qui réponde aux attentes des citoyens qui ont approuvé majoritairement la nouvelle constitution politique de l’Etat. Au cours de la nuit dernière, il a déclaré qu’il prolongerait indéfiniment la séance jusqu’à ce qu’un accord soit obtenu.
Le député du Mouvement Pour le Socialisme, Gustavo Torrico, a déclaré que l’on a pas mal avancé, mais que l’attitude de certains secteurs de la droite, ainsi que celle des députés du parti PODEMOS, vise à empêcher tout accord. Bien que les députés de la majorité aient accédé à plusieurs demandes de l’opposition, le blocage se poursuit. Le président du Sénat – l’élu de droite Oscar Ortiz – a admis que bien des points sur lesquels il y avait des divergences ont finalement été résolus. Mais par la suite, l’opposition a exigé un recensement de tous les citoyens boliviens. Le gouvernement a proposé de réviser 30% des listes électorales et de croiser les données avec les données de l’Etat Civil. Ortiz, du parti PODEMOS, a affirmé que la proposition était intéressante mais insuffisante. A mesure que les faits survenus au Parlement étaient connus, dans le pays, des organisations sociales ont commencé a exprimer leur inquiétude de voir l’opposition, qui craint que les prochaines élections non seulement confirment l’appui populaire au président Evo Morales mais qu’elles lui apportent une majorité parlementaire, essayer de prolonger indéfiniment le blocage du Parlement. Le calcul de l’opposition est le suivant : “S’il n’y a pas de Loi Electorale, les élections ne pourront pas être tenues”.
Evo Morales annonce qu’il entame une grève de la faim
Peu avant 10 heures du matin, alors que l’inquiétude populaire ne faisait que croître, le président Evo Morales a déclaré qu’il entamait une grève de la faim dans le “Salon Rouge” du Palais du Gouvernement, pour dénoncer la situation de blocage systématique pratiqué par l’opposition au Parlement et qui est une insulte à la volonté populaire exprimée dans les urnes. Des leaders sociaux se sont joints à la décision de président. Pendant ce temps, à l’extérieur, d’autres mouvements se sont mis en place dans une sorte de veille pour réclamer que le parlement approuve la Loi Electorale Transitoire. La Confédération des Peuples Indigènes de Bolivie est une de ces organisations et elle accuse publiquement de trahison les parlementaires qui soutiennent le gouvernement mais qui, au cours des négociations avec l’opposition, ont accédé à la demande de cette dernière de réduire à 10 – au lieu de 14 – les circonscriptions spéciales attribuées aux minorités ethniques.
De son côté, Pedro Montes, dirigeant de la Centrale Ouvrière de Bolivie, a déclaré l’état d’urgence pour les travailleurs. Des leaders de la Fédération des Femmes Bartolina Sisa et de la Confédération d’Ayllus et Marcas, ont également exprimé leur détermination d’exiger une décision de la part des parlementaires.
Le président Evo morales a déclaré que “demander un nouveau recensement électoral ou demander que le recensement des Boliviens qui résident à l’étranger soit approuvé à une majorité des deux tiers des voix, à l’Assemblée, c’est tout simplement dire que les migrants n’ont pas le droit de voter et que les élections générales n’auront pas lieu, ni les élections municipales et préfectorales prévues en 2010”. Il a ajouté : “Face à l’attitude adoptée par un groupe de députés néolibéraux, nous sommes obligés d’adopter cette mesure de pression pour défendre le vote du peuple et le mandat du 25 janvier dernier ».
Depuis le Palacio Quemado, siège du gouvernement de La Paz, Morales a déclaré que la décision de grève de la faim durera un temps indéfini et jusqu’à ce que le Parlement vote une loi électorale. A ses cotés se trouvaient des dirigeants d’organisations sociales, entre autres ceux de la Centrale Ouvrière de Bolivie et de la Coordination Nationale pour le Changement.
Le président Morales a déclaré que la stratégie des élus, particulièrement au Sénat où l’opposition est majoritaire, c’est d’empêcher la mise en application de la Loi Suprême et la tenue des élections générales qu’ils savent perdues d’avance. Il a également durement critiqué la position de certains parlementaires qui ont refusé que soit accordé le droit de vote aux Boliviens qui résident à l’étranger. Evo Morales a condamné la décision de réduire le nombre de sièges dévolus aux populations indigènes, originaires et paysans, dans la future Assemblée Législative Plurinationale (dénomination qu’adoptera le Parlement, en 2010, conformément à ce que prévoit la nouvelle constitution approuvée par la majorité des Boliviens).
Début des mobilisations à l’intérieur du pays
Au fur et à mesure que les événements survenus à La Paz sont connus, à l’intérieur du pays on assiste à des mobilisations de même type au sein de nombreuses organisations sociales. Par exemple, à Santa Cruz, la Centrale Ouvrière Départementale a mis en place un piquet de grève de la faim à l’intérieur de son siège avec la participation de délégués des usines et d’autres secteurs d’activité.
Lucio Vedia, dirigeant de la COD de Santa Cruz, a déclaré: « Nous allons appuyer cette mesure dont le président a pris la tête. Nous appelons toutes les centrales ouvrières, tous les secteurs, à se joindre à cette action, à cette croisade pour la défense de la démocratie et de la dignité du peuple de Bolivie ». Dans cette même ville, les étudiants de l’Université Publique Gabriel René Moreno ont annoncé leur soutien à la grève de la faim et la mobilisation de milliers d’étudiants. “Tous les camarades de l’université se joignent à la grève pour que soit appliquée la loi électorale parce que c’est là une mesure déterminante”, a déclaré Marco Ruiz, dirigeant de cette unité universitaire.
A Tarija, la Fédération Départementale Paysanne de Tarija, après avoir appris la décision de Morales, a déclaré qu’elle organise une mesure identique. “La Fédération Paysanne est en grève parce qu’il n’est pas admissible qu’un petit nombre de parlementaires qui ont perdu toute représentativité et toute légitimité aient la volonté de paralyser le cours des changements.” a déclaré Luis Alfaro, qui dirige cette organisation.
Par ailleurs, le secrétaire général de la Préfecture de Cochabamba, David Herrera, a déclaré que les portes de cette institution sont ouvertes à tous les citoyens qui voudront se joindre à la grève de la faim. “Face à la paralysie du Congrès et à l’attitude des sénateurs qui ont bloqué le développement du pays, il ne nous reste que la solution de nous joindre à cette action; les portes de la Préfecture s’ouvrent pour que soit possible cette mesure de pression contre les députés et les sénateurs de l’opposition”, a-t-il ajouté.
Des paysans et des travailleurs des départements de Potosí, de Chuquisaca, d’Oruro et de La Paz ont annoncé leur décision de se joindre à la grève de la faim et des députés qui soutiennent le gouvernement ont également annoncé leur soutien à cette action.
Source: Serpal
Traduit de l’espagnol par Manuel Colinas pour Investig’Action