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Amérique Latine en Résistance : Tensions en Bolivie

Le 26 juin, la Bolivie a connu une période de tension à la suite d'une tentative de coup d'État qui a échoué. L'initiative était menée par le général Juan José Zuñiga, qui avait été démis, la veille, de ses fonctions de commandant de l'armée.

Pendant un peu moins de quatre heures, des chars de l’armée et des soldats armés, sous le commandement de Zuñiga, ont occupé la Plaza Murillo dans la capitale, La Paz; ils ont envahi le Palacio Quemado, palais présidentiel, où se trouvaient le président en exercice, Luis Arce, et son équipe ministérielle.

Le mouvement des corps armés a tout de suite ravivé le souvenir du coup d’État de 2019 qui avait renversé le gouvernement d’Evo Morales, ouvrant ainsi la voie à une année de dictature sanglante dirigée par Jeanine Áñez. Le Mouvement vers le socialisme devait revenir au pouvoir avec la victoire électorale d’Arce en octobre 2020.

Au cours de ces heures confuses, le général insurgé a commencé par affirmer que son insurrection visait à « restaurer la démocratie » dans la nation andine. Cependant, le coup d’État a rapidement perdu de son éclat. En effet, alors que plus aucune force militaire n’était venue rejoindre la tentative de Zuñiga, une foule avait commencé à se rassembler à l’extérieur de la place pour s’opposer au coup d’État.

Le général, de plus en plus isolé dans son char, commença à modifier ses exigences. En premier lieu, il demanda le renvoi de toute l’équipe ministérielle, puis seulement celle du ministre de la défense, et enfin il assura que son objectif était de libérer « tous les prisonniers politiques ». Cette liste comprenait Jeanine Áñez et Luis Fernando Camacho, un autre acteur clé du coup d’État de 2019. Le problème est que tant Áñez que Camacho s’étaient rendu compte que le coup d’État échouerait et qu’ils exprimèrent leur rejet par tweet.

L’isolement international a également été immédiat et énergique. Depuis certains dirigeants régionaux jusqu’à l’Organisation des États américains elle-même (rappelons-nous son rôle néfaste lors du coup d’État de 2019) ont publié des déclarations par lesquelles ils condamnaient cette tentative de renverser la démocratie par des chars d’assaut.

 D’autre part, Arce a agi de manière décisive. Il a d’abord appelé à la mobilisation populaire. Ensuite, dans un moment qui a été filmé et qui a fait le tour du monde, il a affronté le général Zuñiga devant le palais présidentiel, puis il a nommé immédiatement, à la nouvelle direction des forces armées, José Sanchez comme nouveau commandant de l’armée.

Sanchez a immédiatement pris la parole et ordonné à tous les bataillons de rejoindre leurs casernes. Les forces militaires présentes sur la place Murillo se sont dispersées en quelques minutes. Zuñiga fut l’un des premiers à s’enfuir, mais il devait être finalement arrêté quelques heures plus tard. Dans les jours qui suivirent, 20 autres personnes furent arrêtées, dont l’ancien capitaine d’infanterie Miguel Angel Burgos et l’ancien commandant de l’armée de l’air, Javier Zegarra, ainsi que des militaires en activité, des retraités et des civils.

Après l’échec du coup d’État, Arce, le vice-président David Choquehuanca, et d’autres dirigeants ont pris la tête d’une mobilisation massive, mi-jubilatoire, mi-soulagée. Dans les jours qui ont suivi, des mobilisations ont également eu lieu dans diverses régions du pays, pour exprimer leur soutien au gouvernement et rejeter des initiatives violentes et antidémocratiques.

Le président bolivien n’a pas exclu la possibilité d’intérêts extérieurs, dans cette affaire, et qui impliqueraient les États-Unis, notamment en raison des intérêts économiques en jeu; il a ordonné une « enquête complète » pour identifier les cerveaux et les personnes qui ont financé l’opération menée par Zuñiga.

Le coup d’État manqué du 26 juin a rappelé la nécessité d’une vigilance permanente à l’égard des forces de droite plus ou moins ouvertement alignées sur l’impérialisme. Les coups d’Etat ne sont pas une pratique du passé, et encore moins avec la montée de l’extrême droite sur le continent.

D’autre part, la tentative de coup d’État a fini par aggraver la fracture au sein de la gauche bolivienne. Les partisans de l’ancien président Evo Morales, qui a pris le contrôle du MAS, ont répandu la thèse, aussi infondée qu’irresponsable, selon laquelle Arce avait ordonné un « auto-coup d’État » pour accroître sa popularité. M. Morales n’a pas repris cette idée à son compte, mais il a laissé planer l’insinuation.

Les prochaines élections présidentielles, par lesquelles Evo souhaite revenir à la présidence, sont au cœur du conflit. Mais Arce a également montré les signes de sa volonté de se faire réélire, ce qui a suscité des conflits tant au sein du parti qu’au niveau institutionnel. Le Tribunal constitutionnel est encore en train d’étudier la possibilité pour Evo Morales de se présenter à nouveau à la présidence après avoir effectué deux mandats.

En fin de compte, cette guerre fratricide pourrait s’achever avec l’ouverture de la voie à la prise de pouvoir par la droite pour la première fois depuis 2006, si l’on exclut la période qui a suivi le coup d’État de 2019. Il serait tragique que cela se produise parce que deux des principaux leaders n’ont pas su faire passer l’intérêt du peuple avant leurs ambitions personnelles.

Traduit par Sylvie Carrasco.

Source : Investig’Action

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