La crise humanitaire dans les pays du Triangle du Nord en Amérique centrale (Salvador, Guatemala et Honduras) pourrait s’aggraver durant la présidence de Donald Trump, qui souhaite accroître les expulsions d’immigrés illégaux et stopper le flux migratoire en provenance d’Amérique centrale via la construction d’un mur le long de la frontière entre les Etats-Unis et le Mexique, la signature d’un accord sur la sécurité et la réduction des aides économiques.
L’administration de Donald Trump a expulsé, au cours de ses 100 premiers jours au gouvernement, 56 315 immigrés illégaux, soit moins que l’ex-président Barack Obama durant la même période en 2016. Par contre, les arrestations d’immigrés illégaux qui ont ensuite donné lieu à leur expulsion ont substantiellement augmenté, ce qui a ouvert la voie à une expulsion massive des immigrés venus d’Amérique centrale.
Cependant, une expulsion massive d’immigrés centraméricains pourrait affaiblir l’industrie alimentaire des Etats-Unis, qui ne pourrait plus compter sur une main d’œuvre surexploitée, qu’elle doit sans cesse renouveler en raison des conditions de travail inhumaines. Ce problème est pour l’instant contourné grâce à l’attribution de visas de travail dans le secteur agricole, mais cela ne permettra évidemment pas de couvrir l’ensemble des travailleurs venus d’Amérique centrale.
Si les expulsions se multiplient massivement aux Etats-Unis au cours des prochains mois, les gouvernements d’Amérique centrale se verront obligés d’accueillir un nombre croissant de migrants illégaux en pleine crise humanitaire. La situation économique des pays du Triangle du Nord est en effet catastrophique, ceux-ci affichant les taux d’extrême pauvreté les plus élevés d’Amérique latine.
Dure réalité, les pays du Triangle du Nord dépendent des capitaux envoyés par les immigrés vivant aux Etats-Unis, qui représentent 10% du PIB du Guatemala, 17% du PIB du Salvador et 18% du PIB du Honduras. La diminution de cet argent reçu par les familles centraméricaines aggraverait alors le chaos social caractérisé par la misère, la pauvreté et la violence.
La marge de manœuvre des pays du Triangle du Nord est extrêmement réduite en raison des faibles recettes fiscales (16% du PIB), qui empêchent toute augmentation des dépenses publiques pour la création d’emplois destinés aux migrants illégaux. La corruption des autorités publiques, qui perçoivent principalement des impôts indirects, empêche également toute possibilité d’augmenter les recettes fiscales via une hausse du taux de taxation sur les bénéfices issus du capital international.
Cette corruption politique est soutenue par Washington au travers de programmes financés par l’Agence américaine pour le développement international, qui a récemment soutenu les coups d’Etat contre Manuel Zelaya au Honduras et d’Otto Pérez Molina au Guatemala. Par conséquent, les gouvernements des pays d’Amérique centrale ne peuvent entreprendre des reformes sociales tant que leurs institutions politiques restent sous la tutelle des Etats-Unis.
Outre leurs faibles recettes fiscales, les gouvernements centraméricains n’ont pas la possibilité de réduire de manière significative leurs énormes dépenses militaires à cause des exigences de Washington, qui stipule que les aides américaines soient investies dans la lutte contre les réseaux criminels. Par exemple, les dépenses militaires du Honduras et du Salvador s’élèvent à plus de 6% de leur PIB, soit davantage proportionnellement que dans tous les autres pays d’Amérique latine.
Le double jeu de Washington quant à ses exigences en matière de dépenses militaires est confirmé par son financement quasi nul, 630 millions USD, à destination de l’Alliance pour la prospérité, alors que les pays du Triangle du Nord y ont contribué en 2017 à hauteur de 2900 millions USD, soit 80% des dépenses totales. Face au désintérêt de Washington, les pays d’Amérique centrale se retrouvent ainsi seuls et sans protection pour redresser leur piteuse situation économique.
De plus, les gouvernements centraméricains sont déjà mis sous pression par le président Donald Trump, qui a sollicité une baisse de 30% de cette aide économique à l’Alliance pour la prospérité pour l’année 2018. Le financement sera limité à 460 millions USD et pourrait encore diminuer dans les années à venir, puisque les versements suivants seront conditionnés au fait que les pays d’Amérique centrale coopèrent aux expulsions des immigrés illégaux présents aux Etats-Unis.
Il faut souligner que la moitié de l’aide américaine à l´’Alliance pour la prospérité est destinée au renforcement du dispositif militaire des pays d’Amérique centrale au travers de la Stratégie régionale de sécurité en Amérique centrale, qui a uniquement contribué à militariser tout le territoire centraméricain, avec pour conséquence une hausse de la violence et des répressions et persécutions subies par la population.
Face aux destructions sociales et à une situation économique catastrophique, les Centraméricains se voient forcés d’abandonner leur pays d’origine en raison des extorsions continues, des menaces de mort et du taux élevé de violence. La zone du Triangle du Nord reste ainsi la région la plus violente de l’Amérique latine malgré l’absence de conflit comparable à ceux en cours au Moyen-Orient.
Malgré le renforcement du dispositif militaire des pays d’Amérique centrale, le gouvernement de Donald Trump, quant à lui, n’entreprendra aucune action décisive pour démanteler le trafic de drogue à destination du marché américain. Le Triangle du Nord restera une zone géostratégique pour les narcotrafiquants, étant donné qu’il s’agit d’un couloir important pour le trafic de stupéfiants entre l’Amérique du sud et les Etats-Unis.
Par conséquent, les expulsions de migrants illégaux bénéficieront aux organisations criminelles internationales comme les « maras », gangs armés impliqués dans le trafic de drogue, la vente illégale d’armes et les extorsions de particuliers ou d’entreprises, principalement en Amérique centrale. En effet, les immigrés centraméricains expulsés des Etats-Unis viendront grossir leurs rangs d’une main d’œuvre bon marché, augmentant encore la violence dans les pays d’Amérique centrale.
Le plus terrible pour les migrants sera, si le projet se concrétise, la construction du mur entre les Etats-Unis et le Mexique, puisque l’Histoire a montré que la construction de tels murs ne fait qu’encourager la création de nouvelles routes plus dangereuses et plus mortelles vers les lieux de destination, accroissant ainsi le pouvoir et l’influence des trafiquants d’êtres humains.
Malgré le silence des grands médias sur la situation de ces petits pays d’Amérique centrale, ce sont ces derniers qui, à n’en pas douter, souffrent le plus de la domination des Etats-Unis. L’avenir des Centraméricains dépendra fondamentalement de la résistance qu’opposeront les mouvements sociaux à la politique migratoire de Donald Trump.
Traduit de l’espagnol par Thaddée Guévart
Source : http://www.nodal.am/2017/08/triangulo-norte-centroamericano-llamas/