Le Parlement israélien vient d’adopter ce mardi 21 janvier une loi criminalisant tout propos qui nie les massacres du 7 octobre. Ironiquement, le lendemain, les députés de la coalition au pouvoir ont rejeté la proposition d’établir une commission d’enquête sur cette journée. En pratique, l’extrême-droite israélienne impose par la terreur ses propres mensonges.
Déposée en février dernier, la loi vient de passer officiellement, dans une assemblée presque vide. Ce seront 5 ans de prison pour quiconque « nie les massacres du 7 octobre, avec l’intention de défendre l’organisation terroriste du Hamas et ses partenaires, en exprimant de la sympathie pour eux ou en s’identifiant à eux ». La principale association israélienne de défense des droits, l’ACRI, avait d’emblée dénoncé un « impact effroyable sur la liberté d’expression » en raison de sa « formulation ambiguë ». « La criminalisation de propos devraient être réservée à des circonstances exceptionnelles, quand il y a une menace réelle et imminente, comme une incitation à la violence. La négation du massacre est regrettable et flagrante, mais cela ne rentre pas dans un de ces cas extrêmes ».
Cela rappelle fortement les débats récents en France sur l’instrumentalisation politique et répressive du délit d’apologie du terrorisme. La France insoumise avait proposé en novembre de le retirer du droit pénal pour le remettre dans le droit de la presse où il figurait avant 2014. Une proposition soutenue par l’ancien juge antiterroriste Marc Trévidic, notamment au regard de l’ « usage dévoyé de la loi » dont le parquet fait preuve depuis le 7 octobre pour criminaliser tout soutien aux Palestiniens.
En Israël, la procureure générale elle-même, Gali Baharav-Miara, s’est opposée à cette criminalisation de propos sur le 7 octobre. Alors que cette loi prend modèle sur celle de 1986 qui pénalise la négation de l’Holocauste, la procureure avait fait remarquer que cette proposition intervenait des mois seulement après l’attaque, tandis que les lois sur la mémoire du génocide ont été prises dans le monde des années après, c’est-à-dire quand une « détermination historique claire des crimes » avait pu être établie.
C’est bien là que le bât blesse. Quels crimes commis le 7 octobre est-il désormais interdit de nier en Israël ? Le meurtre de juifs parce que juifs ? Les viols de masse soutenus par aucune preuve ? Les bébés décapités ou brûlés, pourtant introuvables sur la liste gouvernementale officielle des victimes ? Ou bien la mort de 1 200 personnes imputée au Hamas alors que l’armée israélienne a pulvérisé des dizaines de maisons dans les kibboutz et de voitures retournant à Gaza, qui contenaient très probablement des otages israéliens ?
La tyrannie du mensonge
« Quiconque tente de nier les crimes odieux du Hamas est un partenaire actif dans la diffusion de mensonges et d’incitations qui sapent les fondements de notre société » a déclaré Oded Forer, après le vote de cette loi dont il est à l’origine. Telle que formulée, celle-ci risque d’avoir des conséquences désastreuses, en particulier pour les Palestiniens d’Israël qui font déjà l’objet d’un nombre grandissant d’enquêtes policières et d’inculpations pour le fait de s’identifier à des groupes terroristes depuis le 7 octobre.
C’est ce même député du parti d’extrême-droite colonialiste Yisrael Beytenu, proche du Likoud, qui avait initié une procédure d’impeachment contre Ofer Cassif, seul député juif de l’alliance de gauche radicale Hadash. Son tort ? Avoir soutenu la requête de l’Afrique du Sud contre son pays auprès de la Cour Internationale de Justice. Sans fondement juridique, l’impeachment avait échoué mais la commission d’éthique de la Knesset avait quand même prononcé sa suspension pendant six mois au cours desquels il a pu voter mais a été interdit de prendre part aux débats à l’Assemblée. Celle-ci avait notamment invoqué d’autres prises de position, comme le fait de se référer aux combattants palestiniens comme à des « combattants de la liberté ».
Ce 22 janvier, soit le lendemain de l’adoption de cette loi ultra répressive, la coalition au pouvoir a réussi à empêcher la mise sur pied d’une commission d’enquête d’État sur les événements du 7 octobre. Le Jerusalem Post indique pourtant que d’après des enquêtes récentes, 70% des Israéliens y sont favorables. C’est aussi la demande d’un forum de plus de mille familles de victimes, intitulé le Conseil du 7 octobre. L’ancien commandant en chef de l’armée israélienne, Benny Gantz, a déclaré que « la coalition a nui à la sécurité d’Israël, aux familles endeuillées et aux familles des otages en voulant échapper à ses responsabilités. »
Une commission d’enquête d’Etat a les pouvoirs les plus importants dans le système juridique israélien. C’est le seul type d’enquête qui fonctionne indépendamment de l’échelon politique. Ses membres sont nommés par le président de la Cour suprême. Elle a le pouvoir d’assigner tout témoin à comparaître. Le premier ministre Netanyahou, qui pourrait être directement mis en cause dans la faillite sécuritaire du 7 octobre, avait toujours refusé, arguant que ce n’était pas souhaitable tant que la guerre ne serait pas terminée. Un argument qu’il utilise également pour retarder son propre procès pour corruption, fraude et abus de confiance.
Alors que le cessez-le-feu est aujourd’hui en vigueur, l’extrême-droite au pouvoir tient toujours le même discours : la guerre n’est pas terminée. Le mandat d’enquête tant attendu a été rejeté de peu, par 53 voix contre 45. Mais ce vote permet de repousser de six mois toute nouvelle demande. Un temps précieux pour l’extrême-droite qui compte ouvertement sur l’élection de Trump pour annexer réellement la Cisjordanie.
Il apparaît donc clairement que ceux qui prétendent combattre les mensonges luttent en réalité pour échapper à toute justice, qu’elle soit nationale ou internationale. Ils se forgent une réalité parallèle où la seule vérité acceptable est l’adhésion à la destinée mystique et intouchable du Grand Israël, devant justifier la pire extermination. De terribles massacres ont eu lieu lors de l’attaque du 7 octobre. Mais que signifie la négation des crimes du Hamas dans la bouche de ceux qui ont sciemment inventé des atrocités pour mieux faire accepter les leurs ? Rappelons qu’en juillet 2024, devant le congrès états-unien, Netanyahou avait affirmé à propos du 7 octobre, au mépris des données de sa propre administration : « ces monstres ont violé les femmes, ont décapité les hommes, ils ont brûlé des bébés vivants. »
Il y a fort à parier que des lois spécifiques pour criminaliser le « négationnisme du 7 octobre » seront bientôt proposées dans nos pays aussi. C’est l’intention explicite d’Oded Forer : « On ne peut pas demander que les nations du monde interdisent la négation du massacre, sur le modèle de l’interdiction de la négation de la Shoah, sans que nous agissions nous-mêmes. » Et leurs moyens pour le faire seront décuplés. Fin 2024, le gouvernement israélien a multiplié par vingt le budget dédié au lobbying à l’étranger. 150 millions de dollars ! Les campus américains seront particulièrement visés.
Si la clique des menteurs génocidaires au pouvoir en Israël est obligée d’employer de tels moyens pour à la fois conquérir les esprits et museler les critiques, c’est parce que la vérité sur les crimes du sionisme fait puissamment son chemin.
Source : investig’action