Qui est Kamal Sharaf ?

Kamal Sharaf est un caricaturiste yéménite très engagé politiquement. Né vers 1977-1978, il s’est imposé comme l’une des voix artistiques majeures du mouvement Houthi.

Ses caricatures, souvent sans texte, abordent des thèmes tels que la guerre, la résistance palestinienne, la critique d’Israël, des États-Unis et des dirigeants du Golfe. Kamal Sharaf critique aussi sans relâche tous les medias perçus comme hostiles à la cause qu’il défend comme les chaines saoudiennes : Al Arabiya et Al Hadath.

C’est un dessinateur prolixe. Sharaf a produit environ 500 œuvres autour du conflit qui fait rage dans tout le Moyen-Orient depuis le 7 octobre.

Il utilise souvent des symboles reconnaissables comme la « janbiya » (le poignard traditionnel yéménite), les couleurs nationales des pays représentés, des missiles et des drones qui sont la source principale de tous les malheurs de ses personnages. Ses œuvres sont immédiatement identifiables et très largement partagées à chaque événement marquant dans la région.

Derrière une certaine simplicité graphique se cache l’œil avisé de l’activiste qui a décidé de se placer toujours du côté des opprimés et des démunis. Cet artiste considère l’art de la caricature comme un moyen de lutter contre les oppresseurs et de soutenir les innocents.

En quelques traits, il dénonce la barbarie de la guerre, l’hypocrisie de certains dirigeants arabes, la complicité des Etats-Unis dans les crimes d’Israël, la connivence des occidentaux. Kamal Sharaf combat aussi la désinformation et met en évidence les contradictions d’un système à double standard. Rien n’échappe à son crayon, les turpitudes de la géopolitique du Moyen Orient avec en arrière-plan ses intérêts financiers ou la fausse compassion des dirigeants du monde « civilisé » qui s’accommode facilement de certains crimes.

Dans une conversation avec le site Press TV, Sharaf a déclaré qu’il avait trouvé son inspiration chez le grand caricaturiste arabo-palestinien Naji Al-Ali, sans doute le caricaturiste et satiriste le plus légendaire du monde arabe (créateur du célèbre personnage Handala).

« Il était fort, audacieux et un vrai combattant avec son art. Il a laissé un grand impact sur la conscience de millions d’Arabes, dont moi », a déclaré le caricaturiste yéménite.

« C’est la première boussole qui m’a fait voir que la caricature est une arme avec laquelle l’artiste se bat pour les opprimés et pour la vérité ».

L’art Naji Al-Ali s’est inspiré de ses propres expériences en tant que réfugié palestinien. Son militantisme lui coûta la vie puisqu’il fût assassiné à Londres en 1987 à l’âge de 50 ans. Cette affaire n’est toujours pas élucidée à ce jour.

Kamal Sharaf peut comprendre ce que les Gazaouis endurent parce qu’il a vécu la même chose au Yémen.

« Cela a ravivé le souvenir de tous les événements sanglants perpétrés par les criminels sionistes depuis le début en Palestine. J’ai senti que je devais me battre avec l’art que je possédais et tirer mes balles sur leurs mensonges pour révéler leur vrai visage, celle des courageux résistants et la situation des innocents à Gaza », a-t-il déclaré.

Kamal Sharaf a reçu des distinctions, notamment le prix « International Face of Resistance Art » décerné par la chaîne iranienne Al Alam, saluant son engagement artistique en faveur de la résistance contre Israël.

Il jouit d’une audience importante sur les réseaux sociaux, avec près de 190 000 abonnés sur X (ex-Twitter). Ses œuvres sont exposées dans des lieux publics en Iran et au Yémen.

Au-delà de ses caricatures, Sharaf est aussi réalisateur d’animation et illustrateur de livres pour enfants. Il est perçu comme une figure qui « exprime la voix du peuple » à travers ses dessins, lesquels sont souvent le moyen de sourire malgré le tragique des situations qu’il décrit.

Pour la presse israélienne, il utilise son art pour provoquer un sentiment anti-israélien et anti-occidental. Il est régulièrement accusé d’antisémite mais cette accusation n’épargne plus personne aujourd’hui à partir du moment où il affiche clairement son soutien à la Palestine.

Kamal Sharaf sait aussi transmettre de l’émotion quand il évoque la mort de ces milliers d’enfants innocents que la communauté mondiale couvre de son silence lâche et criminel.

Il reprend aussi certains événements qui sont devenus depuis des marqueurs de la brutalité avec laquelle les civils Palestiniens sont traités. Personne n’a oublié le grand-père palestinien, Khaled Nabhan, qui a ému le monde entier avec ses adieux émouvants à sa petite-fille Reem, âgée de 3 ans, tuée dans un bombardement, qu’il désigna comme « l’âme de son âme ». Un après, Khaled Nabhan qui avait dédié sa vie à aider les enfants de Gaza, a été lui aussi tué par un obus de char israélien.

Dernièrement, il a repris les images devenue virales, d’une jeune fille tentant d’échapper aux flammes. On peut voir ainsi, la silhouette frêle de Ward Al-Sheikh Khalil, âgée de 5 ans, qui s’extirpe d’une salle de classe en feu à la suite d’une frappe israélienne meurtrière sur l’école de filles Fahmi Al-Jargawi. « Le feu a rempli le ciel et la terre », a-t-elle raconté. « Je dormais, mais j’ai réussi à m’échapper du feu. En sortant, je n’ai pas trouvé mon père. Ils m’ont emmenée à l’hôpital baptiste, et j’ai croisé mon père en chemin, dans l’ambulance. Je l’ai vu. Il avait de nombreuses blessures au visage. « Papa est vivant, et mon frère Seraj est vivant, et je suis vivante. C’est tout. Mais tous mes autres frères et sœurs sont morts », a déclaré la petite fille.

Sharaf a également été victime de répression : il a été détenu au secret au Yémen en raison de ses prises de position et de son engagement contre la corruption et les abus du pouvoir. Il a effectué cinquante jours de détention, pour avoir publié un dessin montrant des militants d’al-Qaida faisant la queue pour recevoir un salaire des autorités yéménites.

Le combat de Sharaf est universel, son message est direct. Il fait mouche au premier coup d’œil. C’est sa force, son talent : « Je m’efforce de faire en sorte que mes caricatures soient toujours sans paroles, dans toutes les langues. Le dessin lui-même doit être la langue. C’est pourquoi beaucoup de mes illustrations se sont répandues en ligne dans différents pays – tout le monde les comprend. Le dessin est un langage universel ».

Je vous livre son dernier dessin qu’il a publié après le cinquième veto américain au cessez-le-feu à Gaza :

Le personnage Handala créé en 1969 par le dessinateur de presse Naji al-Ali. Son nom vient d’une plante vivace locale de Palestine au fruit amer, qui repousse à la coupe et dont les racines sont profondes. Handala représente l’identité palestinienne et la résistance indéfectible de son peuple.

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