Après les élections présidentielles du 28 juillet 2024 au Venezuela, les grands médias internationaux font état d’une éventuelle fraude à grande échelle qui aurait empêché la victoire du candidat défendu par madame Machado, la politicienne qui a la faveur des États-Unis d’Amérique. Le récit médiatique renforce l’idée d’un président Maduro rejeté par la majorité de la population, d’une dictature qui serait contraire aux désirs de la société et qui utilise la fraude pour se maintenir.
1 – Quels sont les arguments les plus répétés ?
Le journal Le Monde signale, le 30 juillet, que l’opposition conteste le résultat : « dénonce une fraude, et mise en doute sur la scène internationale, cette annonce a provoqué un mouvement de colère populaire ».
Le quotidien de droite Le Figaro publie le 31 juillet : « Des milliers de partisans de l’opposition sont descendus dans les rues mardi au Venezuela pour revendiquer la victoire à la présidentielle de leur candidat, qui a interpellé l’armée et le pouvoir de Nicolas Maduro après la mort d’une douzaine de personnes et des arrestations massives ».
2 – Qui est cette opposition ?
Vraiment démocratique madame Machado ? Elle a soutenu le coup d’État contre le président Chavez en avril 2002 avec le « Decret Carmona » qui projetait d’installer une dictature au Venezuela(1), mais aussi la sanglante insurrection de mars-avril-juin et juillet 2017 contre le président Maduro. Elle soutenait également la proclamation unilatérale et illégale du député Juan Guaidó en janvier 2019 comme « président en charge » sous l’instigation et le soutien du président Donald Trump, ce qui a provoqué une crise politique très profonde. Madame Machado donna en avril 2002 une conférence payée par le Département d’État avec comme titre « 600 jours pour éradiquer l’autoritarisme : transformer le Venezuela ». À Miami, elle a reçu les honneurs de la cheffe du comité de relations extérieures de la Chambre de représentants des USA, Ileana Ros-Lehtinen, alliée du terroriste cubain Posada Carriles. En 2003, elle créa sa propre ONG Súmate pour promouvoir un referendum afin de renverser le président Chavez avec les millions de dollars octroyés par des agences publiques et privées des États-Unis comme la USAID, la National Endowment of Democracy (NED) et l’Institut Républicain Internationel (IRI). En aout 2004, Machado refusa le résultat du référendum dans lequel 59 % des votes refusèrent la démission du président Chavez. Elle dénonce une « fraude » jamais prouvée comme elle le fait aujourd’hui en 2024.
Le 31 mai 2005, le président Bush Jr. réservait une réception digne des protocoles réservés aux chefs d’État à Madame Machado au Bureau Ovale de la Maison-Blanche. Ils organisèrent une conférence de presse pour dénoncer le « danger qu’encourrait la démocratie vénézuélienne. Le même discours qu’en 2024 : « le Venezuela est une dictature ». De 2006 à 2008, la NED dépensa 2,6 millions de dollars dans plusieurs groupes d’opposition au président Chavez dont Sumate de Maria Corina Machado. En 2007, elle a reçu une bourse pour suivre un cours de six mois à l’université de Yale en vue de la préparer pour exercer le pouvoir au Venezuela. En 2008, Sumate recevait 90 000 dollars pour « promouvoir un réseau national de volontaires engagés aux idéaux de leadership, valeurs démocratiques et participation civique ». Le IRI, bras international du Parti républicain étasunien, a financé la campagne de Machado pour les élections législatives du 26 septembre 2010, selon l’avocate étasunienne Eva Golinger qui a eu accès à des documents déclassifiés. Machado fut élue député dans ces élections de 2010.
3 – Toute l’opposition questionne le résultat des élections?
Selon le journal belge Le Soir, les élections de 2018 avaient été boycottées par « l’opposition ». Le journal Le Monde écrit que l’opposition conteste le résultat actuel. Le journal Libération dit : « Les partisans de l’opposition se sont une nouvelle fois mobilisés en masse ce mardi pour exiger de Nicolás Maduro qu’il reconnaisse sa défaite à la présidentielle de dimanche ». La Tribune de Genève de son côté écrit : « L’opposition vénézuélienne a revendiqué dans la nuit de dimanche à lundi sa victoire à la présidentielle ». Mais ils ne disent pas que six candidats de l’opposition de droite ont reconnu le résultat donnant la victoire au président sortant Maduro. Car il n’y a pas que l’extrême droite dans l’opposition, précisons qu’il s’agit du candidat Daniel Ceballos du groupe « Arepa Digital », de Benjamin Rausseo de la Confédération Nationale Démocratique, de José Brito du parti « Primero Venezuela » et de Javier Bertucci du parti « Esperanza por el Cambio ». Mais aussi Claudio Fermin du parti « Soluciones para Venezuela » et Luis Eduardo Martinez du parti « Accion Democratica ».
4 – Des protestations pacifiques et non violentes ?
En fait depuis le coup d’État raté de 2002 suivi d’un coup d’État pétrolier en 2002-2003 l’opposition radicale dont madame Machado fait partie, a organisé de nombreuses actions violentes pour renverser les gouvernements de Chavez et Maduro, qui sont malgré ce qu’en disent les grands médias occidentaux largement soutenus par la population. Ces mêmes médias font silence sur cet aspect pourtant répété plus d’une fois de son action politique, on l’a encore vu les 29, 30 et 31 juillet 2024. En effet, madame Machado a annoncé qu’il y aurait des actions « dans les prochains jours ». Ses partisans ont brûlé des sièges du Parti Socialiste Uni, un hôpital, des bureaux du Conseil National électoral et ont agressé des partisans du gouvernement. Cette violence a été justifiée par la télé britannique BBC qui titre son article en espagnol pour son public hispanophone: « Este es el pueblo arrecho » (le peuple indigné).
5 – Maduro « inflige des privations » à la population?
The Guardian écrit que « les habitants étaient fatigués des privations que son administration avait infligées ». Les médias cachent que le Venezuela subit depuis 2017 des sanctions économiques de la part des États-Unis, du Canada, du Royaume-Uni et de l’Union européenne pour « changer de régime », c’est-à-dire renverser le gouvernement Maduro. Ces sanctions ont dévasté l’économie du Venezuela, mais silence sur cette explication qui permet de comprendre la réalité vénézuélienne. La chaine étasunienne CNN écrit que la crise économique n’est pas due aux sanctions mais « à l’effondrement du prix du pétrole ». Pourtant, ce sont ces sanctions qui ont infligé des privations à la population en enlevant au pays les ressources nécessaires pour soutenir les services sociaux. Les économistes états-uniens Mark Weisbrot et Jeffrey Sachs ont analysé en détails les conséquences terribles pour le peuple vénézuélien. Selon Jeffrey Sachs, directeur d’un centre de l’Université de Columbia, 40 000 personnes sont mortes directement par l’effet des sanctions seulement de 2017 à 2019. Ce sont les sanctions qui ont plongé le 80 % des Vénézuéliens dans la pauvreté.
6 – Quelles sont les preuves de « fraude électorale » ?
Machado ne fournit pas des preuves de l’existence d’une fraude électorale. Elle signale que « nous avons gagné et tout le monde le sait ». L’agence Reuters fournit comme preuve de fraude que deux agences étasuniennes de sondage avaient prévu la victoire du candidat soutenu par madame Machado. Un ancien diplomate des régimes de droite vénézuélien méconnu par la population. Le Conseil National Électoral pour sa part signale une attaque contre son système de transmission de données qui a provoqué un grand retard. Le système électoral vénézuélien a été maintes fois reconnu : il est le meilleur du monde, dit en 2012 l’ancien président des USA Carter.
Le président Maduro fait appel à la Cour Suprême de Justice pour vérifier les résultats de l’élection présidentielle. Il a déclaré qu’il est prêt à présenter « le 100 % des documents électoraux qui sont entre nos mains ».
7 – Maduro et le chavisme n’ont pas de soutien électoral et ont besoin de fraudes ?
En 2014, France 24 dit que les Vénézuéliens sont exaspérés par le chavisme. L’hebdomadaire Le Point publie en 2019 que « Le président Nicolás Maduro a perdu le soutien des bidonvilles, ex-bastion de son mentor Hugo Chávez ». Le Figaro encore cite une historienne de droite vénézuélienne qui dit : Maduro n’a que 12 % de popularité.
Mais la vérité du soutien populaire au chavisme arrive à se faufiler quand même. C’est la BBC de Londres qui doit reconnaître en 2017 que le « chavisme gagne les élections ».
Le chavisme est un phénomène politique et social qui a construit des racines profondes au sein du peuple vénézuélien depuis les années 90 du XX eme siècle.
8 – Les États-Unis veulent vraiment la démocratie au Venezuela ou veulent son pétrole ?
Le président Trump qui a imposé les plus dures sanctions qui ont effondré l’économie vénézuélienne, a reconnu en 2023 son vrai but : le Venezuela était sur le point de s’effondrer » et a ajouté : « Nous l’aurions repris, nous aurions gardé tout ce pétrole». La générale en chef du South Command de l’armée des États-Unis proclame ouvertement que l’Amérique latine dispose du lithium, pétrole, or, cuivre et eau dont son pays a besoin.
Notes :
1 Eva Golinger El Código Chávez, p. 159.
Source : investig’Action