Où est la mobilisation mondiale qui arrêtera Israël et les Etats-Unis ?

A rebours de l’hypocrisie de nos gouvernants, alternant entre larmes de crocodile, face caméras, et co-financement du massacre quotidien de Palestiniens et de Libanais perpétré par l’Etat néofasciste, Saïd Bouamama souligne une réalité devenue incontournable : le soutien occidental à Israël ne cessera pas sans une mobilisation militante planétaire... Oui, mais dans combien d’années ? Et avant combien de morts et de blessés encore ? (I’A) 

Notre chronique est consacrée à ce qui peut, d’ores et déjà, être qualifié de « nouvel échec sioniste au Liban » ; à ce que celui-ci révèle de l’état du rapport de forces mondial et à la couverture médiatique dominante de la situation.

L’appel de Netanyahu…


Le mardi 8 octobre, Benjamin Netanyahu publiait un message aux habitants du Liban – les appelants à se soulever contre le Hezbollah – qui sonne comme un aveu de l’échec de l’offensive terrestre entamée contre ce pays et ce peuple, une semaine auparavant : « Je vous le dis, citoyens du Liban : libérez votre pays du Hezbollah afin que cette guerre puisse prendre fin. Libérez-vous du Hezbollah pour que votre pays puisse à nouveau prospérer, pour que les générations futures d’enfants libanais et d’enfants israéliens ne connaissent plus la guerre et l’effusion de sang, mais vivent enfin ensemble en paix ».

Alors que l’Etat-major de Tel-Aviv annonçait au début de son offensive, par la bouche du général Uri Gordin, une destruction totale du Hezbollah pour le 23 octobre ; que cinq divisions étaient déployées le long de la frontière et que plus de 15 000 militaires participaient à l’offensive, cet appel de Netanyahou souligne les raisons de la barbarie de la stratégie militaire israélienne consistant à limiter les combats au sol et à privilégier les bombardements par air et par mer faisant des dégâts principalement dans la population civile.

Comme à Gaza, il ne s’agit ni plus ni moins que de répandre la terreur afin que la population cesse de soutenir ses organisations de résistance.

Cette doctrine militaire est loin d’être nouvelle. Elle porte un nom « la guerre contre-révolutionnaire » et a été théorisé par l’armée française lors de la guerre d’Algérie par le colonel Charles Lacheroy, le général Jacques Hogard et le général Jean Nemo. Elle est basée sur l’objectif central de séparer la population des résistants qu’elle soutient.

Tous les moyens nécessaires à cet objectif sont utilisés : tortures à grande échelle, guerre psychologique, regroupement des populations sous contrôle militaire, bombardements à grande échelle pour semer la panique, etc. L’ampleur de l’hécatombe à Gaza, d’abord, en Cisjordanie et au Liban, ensuite, apparait ainsi comme le résultat d’un choix conscient de l’Etat sioniste. Nous ne sommes pas en présence de dégâts civils collatéraux de la guerre mais d’un des buts de guerre consciemment choisi. Le rappel de ce but de guerre est nécessaire pour prendre la mesure de l’hypocrisie des principales puissances occidentales dont la dernière expression a été la déclaration d’Emmanuel Macron sur la fin des livraisons d’armes à l’Etat sioniste.

Celui-ci a en effet déclaré, le 5 octobre dernier, sur France Inter : « Je pense qu’aujourd’hui, la priorité, c’est qu’on revienne à une solution politique, qu’on cesse de livrer les armes pour mener les combats sur Gaza ». Le même jour, il déclarait lors de la conférence de presse de clôture du sommet de la francophonie : « La France […] est aux côtés d’Israël et de sa sécurité. Et là-dessus, c’est sans ambiguïté. […] Néanmoins, nous essayons aussi d’être cohérents. Et lorsque nous demandons des cessez-le-feu, c’est le cas pour Gaza, ça a aussi été le cas pour le Liban la semaine dernière, eh bien, nous tâchons de ne pas demander un cessez-le-feu tout en continuant à livrer les armes de la guerre. Et je pense que c’est simplement de la cohérence. »

L’hypocrisie est de taille, car chacun peut aisément constater que seul le sentiment d’impunité d’une part et la livraison d’armes occidentales sans limite d’autre part, ont pu créer les conditions d’un génocide d’une telle ampleur depuis plus d’un an.

…et la réponse du peuple libanais


Le but de guerre consistant à isoler le Hezbollah de la population libanaise s’avère d’ores et déjà un échec, en dépit de l’explosion de milliers de téléavertisseurs et de l’exécution du leader de cette organisation Hassan Nasrallah.

En témoigne l’apparition publique et les déclarations du numéro deux du Hezbollah, Naïm Qassem, mardi dernier. Lors d’une émission radio, ce dernier a déclaré : « Nous tirons des centaines de roquettes et des dizaines de drones. Un grand nombre de colonies et de villes sont sous le feu de la résistance. La haute direction du Hezbollah reste active et les postes des commandants tués ont été pourvus. Nous n’avons aucun poste vacant ». 

L’élargissement de la guerre directe avec l’Iran que souhaite Israël afin de susciter une intervention directe d’une coalition occidentale n’a pas non plus eu lieu. La riposte annoncée à l’attaque de 200 missiles iraniens contre Israël, le premier octobre dernier, se fait attendre. Pourtant, aux dires des couvertures médiatiques dominantes, ces attaques auraient été massivement déjouées et auraient apportées la preuve de la quasi-invincibilité de la défense israélienne.

Le correspondant du Guardian à Jérusalem, Andrew Roth, a brisé cette cacophonie unanimiste : « À la suite de l’attaque iranienne contre Israël dans la nuit de mardi à mercredi, les autorités israéliennes ont déclaré que leurs défenses avaient tenu bon. […] Cependant, alors qu’Israël se prépare à riposter, des analystes estiment que ces premiers rapports pourraient avoir été trompeurs et que cela pourrait modifier le calcul d’Israël, notamment s’il craint un affrontement prolongé de type « ping-pong de missiles » avec l’Iran, surtout si Téhéran choisit des cibles plus faciles à atteindre à l’avenir. »


Echec des autres buts de guerre


L’isolement de l’Iran, un autre but de guerre israélo-états-unien n’est pas non plus atteint. La rencontre entre le président Russe Vladimir Poutine et le président iranien Masoud Pezeshkian dans la capitale turkmène, le 11 octobre, est venue l’attester.

A cette occasion, le chef d’Etat russe a déclaré : « la Russie et l’Iran travaillent étroitement sur la scène internationale. Leurs visions respectives des événements mondiaux convergent régulièrement ».

La situation est identique avec la Chine. La convergence est telle que les idéologues du Pentagone font émerger de nouveaux concepts.

Deux d’entre eux, Andrea Kendall-Taylor et Richard Fontaine intitulent ainsi un de leurs articles dans la revue « Affaires Etrangères » : « L’axe du bouleversement : Comment les adversaires américains s’unissent pour renverser l’ordre mondial ». Ils expliquent ensuite que : « La Chine, la Russie et l’Iran sont devenus les acteurs essentiels de la machine de guerre ». L’ancien Conseiller à la sécurité nationale de Donald Trump, Herbert MacMaster, confirme cette analyse en préférant utiliser l’expression « axe des agresseurs ».


A quand une mobilisation mondiale ?


Le rappel de ces éléments contextuels est incontournable pour saisir les véritables enjeux du génocide du peuple palestinien et de l’agression contre le Liban.

La guerre en cours relève d’enjeux mondiaux. Le soutien occidental à Israël ne cessera pas quel que soit l’ampleur du massacre. Il ne peut prendre fin que par une mobilisation militante mondiale. Sans celle-ci, les Etats-Unis, confrontés à la montée en puissance d’un monde multilatéral, ne renoncerons pas à l’outil stratégique qu’est l’Etat d’Israël.

L’importance de cet outil était résumée comme suit par Alexander Haig, secrétaire d’Etat de Ronald Reagan dans les années 80 : « Israël est le plus grand porte-avions de l’Amérique, il est insubmersible, il ne transporte aucun soldat américain et il est situé dans une région cruciale pour la sécurité nationale des États-Unis ».


Saïd Bouamama


Pour aller plus loin :

Andrew Roth, Escalade avec l’Iran : Israël est plus vulnérable qu’il n’y paraît, The Guardian, 5 octobre 2024.

Ibrahim al-Amin, Président Pezeshkian : Les relations irano-russes sont « sincères et stratégiques », Agence de Presse de la République Islamique (IRNA).

Source : Investig’Action

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