Officials attend a plenary session in the outreach/BRICS Plus format at the BRICS summit in Kazan on October 24, 2024. (Photo by Maxim Shemetov / POOL / AFP)AFP

Les BRICS grandissent et accueillent treize pays partenaires au sommet de Kazan

Le dernier sommet des BRICS s'est tenu à Kazan, Russie, en octobre 2024. L'organisation compte quatre nouveaux membres et accueillent treize pays partenaires. Ben Norton explique tout ce qu'il faut retenir de cette réunion historique.

Organisation menée par le Sud global, les BRICS se développent. De plus en plus de pays adhèrent à l’objectif du groupe : construire un monde multipolaire, avec des institutions économiques alternatives plus représentatives et démocratiques, non dominées par les puissances occidentales.

Les BRICS ont tenu un sommet à Kazan, en Russie, en octobre 2024, au cours duquel 13 nouvelles « nations partenaires » ont été acceptées.

Lors de cette réunion historique, le président chinois Xi Jinping a qualifié les BRICS d’« avant-garde pour faire avancer la réforme de la gouvernance mondiale » ainsi que la « réforme de l’architecture financière internationale ».

Le président bolivien de gauche Luis Arce a affirmé que « le bouclier des BRICS et de la multipolarité » peut protéger les nations anciennement colonisées, en les aidant à résister à « l’unipolarité occidentale et à la tyrannie du dollar ».

L’organisation a d’abord vu le jour en 2009 sous le nom de BRIC avec le Brésil, la Russie, l’Inde et la Chine. L’Afrique du Sud l’a ensuite rejointe en 2010, transformant le groupe en BRICS.

Lors du sommet de 2023 à Johannesburg, en Afrique du Sud, plusieurs autres membres ont été invités à se joindre à l’organisation.

En octobre 2024, les BRICS comptent neuf membres et 13 pays partenaires:

  • Cinq membres fondateurs (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud)
  • Quatre nouveaux membres invités en août 2023 et officiellement admis en janvier 2024 (Égypte, Éthiopie, Iran, Émirats arabes unis)
  • Treize pays partenaires acceptés en octobre 2024 (Algérie, Biélorussie, Bolivie, Cuba, Indonésie, Kazakhstan, Malaisie, Nigeria, Thaïlande, Turquie, Ouganda, Ouzbékistan, Vietnam)

L’expansion des BRICS a fait de ce groupe une puissance géopolitique et économique encore plus importante.

Ensemble, les neuf membres des BRICS représentent plus d’un tiers du PIB mondial (mesuré en parité de pouvoir d’achat). Ils comptent plus de 40 % de la population de la planète et représentent environ 30 % de la production mondiale de pétrole.

En revanche, les pays du G7 représentent moins de 10 % de la population mondiale et moins de 30 % du PIB (en parité de pouvoir d’achat). De plus, leur part dans l’économie mondiale diminue au fil du temps, alors que celle des BRICS augmente.

Quatre nouveaux membres, mais pas d’Argentine ni d’Arabie saoudite

Plus de 30 pays ont participé au sommet de Kazan, du 22 au 24 octobre. Il s’agissait de la première réunion avec les quatre nouveaux membres des BRICS.

Le président russe Vladimir Poutine, le président chinois Xi Jinping, le Premier ministre indien Narendra Modi et le président sud-africain Cyril Ramaphosa se sont joints au sommet, de même que le président égyptien Abdel Fattah el-Sisi, le Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed, le président iranien Masoud Pezeshkian et le président des Émirats arabes unis Mohamed bin Zayed. Le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, était également présent.

Lors du sommet de Johannesburg de 2023, six pays avaient été invités à rejoindre l’organisation, mais deux ne sont pas allés au bout : l’Argentine et l’Arabie saoudite.

À l’époque, l’Argentine avait un gouvernement de centre-gauche, dirigé par le président Alberto Fernández et la vice-présidente Cristina Fernández de Kirchner. Ils avaient accepté avec enthousiasme l’offre de rejoindre les BRICS en août 2023.

Toutefois, les pays invités n’ont été acceptés officiellement qu’en janvier 2024. Entretemps, le candidat d’extrême droite Javier Milei devenait président de l’Argentine en décembre 2023. Et il a immédiatement annulé le projet d’adhésion aux BRICS. Milei a condamné l’organisation en déclarant :  « Notre alignement géopolitique se fait avec les États-Unis et Israël[…]. Nous n’allons pas nous aligner sur les communistes ».

Contrairement à l’Argentine, l’Arabie saoudite a adopté une position ambiguë. Riyad n’a pas officiellement accepté l’invitation, mais n’a pas non plus rejeté l’offre. Le dirigeant de facto du royaume, le prince héritier Mohammed bin Salman (connu sous le nom de MbS), n’a pas assisté au sommet de Kazan. Le ministre saoudien des Affaires étrangères Faisal bin Farhan y a participé à sa place.

Les détracteurs occidentaux des BRICS cherchent à provoquer la désunion au sein du groupe. Ils ont exploité le rejet de l’Argentine et l’indécision de l’Arabie saoudite afin de dépeindre l’organisation comme fragmentée.

La création du statut de partenaire lors du sommet de Kazan était apparemment un moyen pour les BRICS d’éviter que ces conflits ne se reproduisent à l’avenir. Si un gouvernement souhaite rejoindre l’organisation, il doit d’abord être accepté en tant que « partenaire » pendant un certain temps avant d’être intégré en tant que membre. (Ce processus est similaire à celui de l’Organisation de coopération de Shanghai, dont la Chine, la Russie, l’Inde et l’Iran sont également membres).

C’est sans doute pourquoi le gouvernement russe a annoncé qu’il y avait 13 nouvelles nations partenaires sans les identifier lors du sommet de Kazan. Ce sont des journalistes des pays membres des BRICS qui ont rendu publique la liste des partenaires, en citant des sources diplomatiques internes.

La Chine et l’Inde résolvent leur conflit frontalier

Le point fort du sommet de Kazan a été la discussion des plans de transformation du système monétaire et financier international, sur la base d’un rapport publié par la banque centrale et le ministère des Finances de Russie en sa qualité de présidente des BRICS en 2024.

L’un des événements les plus importants s’est toutefois produit avant le début officiel du sommet.

À Kazan, la Chine et l’Inde ont signé un accord historique, réglant un différend frontalier qui durait depuis quatre ans.

En marge du sommet des BRICS, le président Xi et le Premier ministre Modi ont également tenu leur première réunion bilatérale depuis cinq ans.

La Russie, qui entretient de bonnes relations avec la Chine et l’Inde, a joué un rôle de médiateur et de promoteur de coopération entre les deux nations, et semble avoir réussi à encourager une unité plus profonde au sein des BRICS.

En mai 2024, Pékin a envoyé son ambassadeur à New Delhi pour la première fois en 18 mois, signe d’une amélioration des relations.

Les États-Unis, en revanche, ont cherché à courtiser l’Inde et à exploiter ses différences avec la Chine, exacerbant les tensions pour tenter d’isoler Pékin et de diviser les BRICS.

Les médias occidentaux ont également tenté d’attiser les conflits au sein des BRICS.

La gauche latino fustige le Brésil qui bloque le Venezuela

Alors que la Chine et l’Inde soignaient leurs relations, le Brésil a déclenché un scandale lors du sommet de Kazan.

Le président brésilien Lula da Silva n’a pas participé à la réunion. Prétextant une blessure qui l’empêchait de voyager, il a envoyé le ministre brésilien des Affaires étrangères, Mauro Vieira.

Bien que Lula n’ait pas été physiquement présent, son gouvernement a empêché le Venezuela d’être accepté comme pays partenaire des BRICS.

Cela a provoqué de vives critiques à l’encontre de Lula au sein de la gauche latino-américaine, qui l’a accusé de saper les BRICS, de diviser davantage la région et même de prendre la position de l’ancien dirigeant d’extrême droite du Brésil, Jair Bolsonaro.

Le président vénézuélien Nicolás Maduro a publiquement critiqué le Brésil, déclarant que son veto au statut de partenaire des BRICS « constitue un acte d’agression contre le Venezuela et un geste hostile ».

Les autres membres des BRICS avaient soutenu le statut de partenaire du Venezuela. Contrairement à Lula, Maduro s’est rendu en Russie pour le sommet. A Kazan, le président vénézuélien a eu des réunions amicales avec d’autres dirigeants des BRICS et des représentants de plus de 30 pays.

Le scandale a conduit la Russie à dénoncer le tour de passe-passe diplomatique du Brésil. « Nous connaissons la position du Brésil, nous ne sommes pas d’accord », a déclaré Poutine lors d’une conférence de presse.

« Le Venezuela lutte pour sa survie », a ajouté le dirigeant russe, faisant référence aux tentatives constantes de coup d’État menées par les États-Unis contre le gouvernement du président Maduro.

Poutine a révélé que Lula lui avait demandé de parler à Maduro. « J’espère que la situation sera résolue », a déclaré le président russe.

La déclaration de Kazan

Les membres des BRICS ont signé une longue déclaration commune le 23 octobre. La déclaration de Kazan appelle à « la promotion de la paix, d’un ordre international plus représentatif et plus juste, d’un système multilatéral revigoré et réformé, d’un développement durable et d’une croissance inclusive ».

Les BRICS recherchent « un ordre mondial multipolaire plus équitable, plus juste, plus démocratique et plus équilibré », selon la déclaration, qui affirme que « la multipolarité peut accroître les opportunités pour les EMDC [marchés émergents et pays en développement] de libérer leur potentiel constructif et de bénéficier d’une mondialisation et d’une coopération économiques universellement bénéfiques, inclusives et équitables ».

Contrairement au concept nébuleux d’ « ordre international fondé sur des règles » promu par l’Occident, la déclaration de Kazan souligne « le rôle central des Nations unies dans le système international » et le droit international.

Néanmoins, la déclaration réaffirme « le soutien à une réforme globale des Nations Unies, y compris de son Conseil de sécurité », soulignant « la nécessité urgente de parvenir rapidement à une représentation géographique équitable et inclusive dans la composition du personnel du Secrétariat des Nations Unies et d’autres organisations internationales », avec « une participation plus importante et plus significative des EMCD et des pays les moins avancés, en particulier en Afrique, en Amérique latine et dans les Caraïbes, dans les processus et les structures de prise de décision au niveau mondial ».

La déclaration de Kazan appelle « à la réforme des institutions de Bretton Woods, qui comprendrait une représentation accrue des EMCD aux postes de direction afin de refléter la contribution des EMCD à l’économie mondiale », et reconnaît « le rôle crucial des BRICS dans le processus d’amélioration du système monétaire et financier international (SMFI) ».

La déclaration condamne à plusieurs reprises « l’effet perturbateur des mesures coercitives unilatérales illégales, y compris les sanctions illégales, sur l’économie mondiale » et exige leur abrogation.

Les membres des BRICS ont également critiqué la guerre menée par Israël à Gaza et au Liban et ont réaffirmé leur « soutien à l’adhésion à part entière de l’État de Palestine aux Nations unies », y compris « la création d’un État de Palestine souverain, indépendant et viable, conformément aux frontières internationalement reconnues de juin 1967 ».

La déclaration de Kazan a également condamné l’occupation militaire illégale de la Syrie par les États-Unis et les attaques d’Israël contre l’Iran.

Ce qu’en disent les dirigeants au sommet de Kazan

Lors du sommet de Kazan, le président chinois Xi a insisté sur le fait que « nous devons travailler ensemble pour faire des BRICS un canal essentiel pour renforcer la solidarité et la coopération entre les nations du Sud d’une part, et une avant-garde pour faire avancer la réforme de la gouvernance mondiale d’autre part ».

Xi a appelé à la paix à Gaza et au Liban, déclarant : « Nous devons promouvoir un cessez-le-feu immédiat et mettre fin aux tueries. Nous devons déployer des efforts inlassables en vue d’une résolution globale, juste et durable de la question palestinienne ».

« À la lumière de la montée du Sud global, nous devrions répondre favorablement aux appels de divers pays à rejoindre les BRICS », a ajouté le dirigeant chinois, affirmant que “la réforme de l’architecture financière internationale [était] d’autant plus urgente” et que “les pays des BRICS devraient jouer un rôle de premier plan dans cette réforme”.

Dans le même ordre d’idées, Poutine a encouragé le remplacement du système de Bretton Woods, centré sur le dollar américain.

« Il est évident que la prochaine vague de croissance économique mondiale naîtra dans les pays de la majorité mondiale », a déclaré le dirigeant russe. « Le moment est donc venu de discuter de l’idée de créer notre propre plateforme pour libérer le potentiel de nos économies en croissance ».

Poutine a déploré que la transition vers un monde plus multipolaire « ne se fasse pas sans heurts. Son développement est retardé par des forces habituées à penser et à agir dans une logique de domination de tout et de tous ».

Le nouveau président iranien Masoud Pezeshkian était également présent au sommet de Kazan, où il a exprimé son soutien enthousiaste aux projets des BRICS visant à construire un système financier plus multipolaire.

« Nous ne devons pas continuer à dépendre des systèmes de paiement occidentaux. C’est une grande menace », a averti Pezeshkian qui a appelé à la mise en place de “possibilités alternatives”.

« L’Iran fera tout pour que le groupe des BRICS parvienne à promouvoir la réforme de la structure de la gestion économique mondiale et à créer des possibilités alternatives pour les pays du Sud », a déclaré le dirigeant iranien.

Le président bolivien de gauche, Luis Arce, était également présent au sommet de Kazan. Annonçant avec fierté que la nation sud-américaine avait été acceptée comme pays partenaire, Arce a déclaré que les BRICS « font progresser chaque jour la consolidation d’un nouveau monde multipolaire ».

« Avec le soutien du bloc des BRICS, nous pouvons faire avancer la transformation de l’économie et de la gouvernance mondiale, afin de renforcer la réalisation d’un développement commun et mutuellement bénéfique », a déclaré le dirigeant bolivien.

« Cette réunion à Kazan marquera un nouveau moment dans l’Histoire, au cours duquel les peuples et les nations historiquement soumis s’aligneront derrière le bouclier des BRICS et de la multipolarité », a poursuivi Arce. « Nous réaliserons nos aspirations nationales et nos processus de développement en développant nos territoires, sans ingérence d’aucune sorte, avec autodétermination, en reprenant les places institutionnelles que l’Occident nous a empêchées d’utiliser ».

Le président bolivien a souligné que les BRICS aideront les pays du Sud à atteindre « la justice avec nos peuples », dans leur lutte contre « l‘unipolarité occidentale et la tyrannie du dollar ».


Source originale: Geopolitical Economy
Traduit de l’anglais par GL pour Investig’Action

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