Jordan Flaherty est un journaliste, activiste et réalisateur vivant à la Nouvelles Orléans. Nous l'interrogeons sur les dynamiques militantes actuelles aux États-Unis. Les dirigeants du parti démocrate sont aussi coupables que l'armée israélienne nous dit-il. Mais il souligne qu'en dehors des deux grands partis, les manifestants de solidarité avec la Palestine ont créé l'un des plus grands mouvements de protestation de l'histoire des États-Unis.
Pensez-vous que les élections peuvent réellement changer la guerre en Palestine et au Liban ?
Non. Je pense que c’est la fermeté des Palestiniens et des Libanais, ainsi que la solidarité des alliés du monde entier, qui mettront fin à ce génocide. Tous ceux, y compris la plupart des démocrates, qui sont restés silencieux (ou, dans le cas des dirigeants du parti démocrate, qui ont envoyé des armes) sont tout aussi coupables que l’armée israélienne.
Pouvez-vous nous parler de la gauche du parti démocrate ou en dehors du parti démocrate ? Il semble que le mouvement autour de Sanders et des plus jeunes comme Alexandria Ocasio-Cortez ait disparu. Il y a aussi Jill Stein, Cornell West, mais les grands médias n’en parlent pas.
Il y a une gauche florissante aux États-Unis, même si j’aimerais qu’elle soit plus forte. Les manifestants de la solidarité avec la Palestine ont risqué la prison, voire pire, et ont tout de même créé l’un des plus grands mouvements de protestation de l’histoire des États-Unis. Certains syndicats se sont prononcés contre le génocide, contrairement à ce qui s’est passé pendant la guerre du Vietnam ou la guerre contre l’Irak, où les syndicats sont restés pour la plupart silencieux.
Je suis reconnaissant à ma communauté, ici à la Nouvelle-Orléans, qui s’est battue pour une Palestine libre, pour l’abolition des prisons, pour la justice en matière de logement, et bien d’autres choses encore. Vous avez raison de dire que vous n’avez peut-être pas vu ce mouvement américain bénéficier d’une couverture médiatique, en partie à cause de l’effondrement des médias américains. De plus en plus, les institutions médiatiques vivent une grave crise financière et la méfiance à l’égard des médias n’a jamais été aussi grande. De nombreuses personnes s’informent par le biais des médias sociaux, souvent à partir de sources très peu fiables.
Les grandes institutions médiatiques, quant à elles, refusent toujours de couvrir les mouvements et les idées d’en bas. En ce qui concerne les dirigeants politiques, je pense que Sanders et AOC restent très populaires, même s’il y a beaucoup de frustration parce qu’ils n’ont pas pris de positions plus fermes contre le génocide. Nous avons également vu le lobby israélien s’en prendre à certains jeunes représentants, comme Cori Bush et Jamaal Bowman. Nos politiques sont contrôlés par l’argent, et c’est l’une des nombreuses raisons pour lesquelles ils sont si corrompus et si peu représentatifs de la population.
Face à la propagande des partis démocrate et républicain, comment s’organisent les médias indépendants et les mouvements sociaux pour la Palestine ?
Beaucoup de gens sont engagés dans cette élection, et beaucoup s’ont déconnecté s’en détachent, pour diverses raisons – y compris le génocide. Quoi qu’il en soit, notre espoir réside dans l’organisation et la mise en place d’institutions pour un avenir meilleur. Je vois beaucoup de gens faire ce travail. Des mouvements de base, comme le Mouvement de la jeunesse palestinienne, Jewish Voice for Peace et divers groupes d’étudiants s’organisent à travers les États-Unis. Les gens créent leurs propres médias, qu’il s’agisse de médias sociaux, de bulletins d’information électroniques ou de reportages indépendants.
J’ai particulièrement apprécié le nouveau site Drop Site News, qui propose des reportages incroyablement importants. En ce qui concerne les grandes organisations médiatiques, j’apprécie le travail d’Al Jazeera et du Guardian. À un niveau plus local, il y a aussi Democracy Now, Electronic Intifada et The Laura Flanders Show. Il y a aussi Hammer and Hope, Convergence, The Forge et Lux, ainsi que de nombreux journalistes indépendants. Nous vivons une période effrayante, mais je garde espoir.
Source : investig’Action
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