Une personne est allongée et ne peut pas se lever en raison d’une faim extrême à Khan Yunis (AFP)

Plus d’un millier de rabbins accusent Israël d’utiliser la faim comme une arme

Plus de 1 000 rabbins du monde entier accusent Israël d’utiliser la faim comme une arme à Gaza et exhortent le régime de Tel-Aviv à autoriser l’acheminement de l’aide dans le territoire assiégé. 

Selon le directeur de l’Office de secours et des travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine au Proche-Orient (UNRWA), Philippe Lazzarini, environ 90 000 femmes et enfants souffrent de malnutrition dans ce que les groupes humanitaires décrivent comme une famine délibérée causée par le blocus israélien.

Des rabbins et des érudits juifs des États-Unis, du Royaume-Uni, de l’Union européenne et d’Israël ont signé une lettre ouverte déclarant que le peuple juif « est confronté à une grave crise morale ».

« Les restrictions sévères imposées à l’aide humanitaire à Gaza et la politique de refus de nourriture, d’eau et de fournitures médicales à une population civile dans le besoin sont contraires aux valeurs fondamentales du judaïsme tel que nous le concevons », peut-on lire dans la lettre.

Les rabbins appellent le régime sioniste à autoriser l’acheminement d’une « aide humanitaire massive » vers Gaza.  De même, ils exigent que les responsables israéliens travaillent de toute urgence, par tous les moyens possibles, pour ramener tous les captifs et mettre fin aux combats.

La lettre, publiée vendredi 25 juillet, a dépassé les 1 000 signatures lundi matin. Jonathan Wittenberg, rabbin basé au Royaume-Uni, a déclaré la semaine dernière au Jewish Chronicle qu’il menait une campagne visant à briser « l’indifférence cruelle face à la famine » dans un contexte où la réputation de non seulement Israël mais également du judaïsme est mise en cause.

Des Palestiniens marchent avec des sacs de farine près de Jabalia (AFP)

Manifestation à Haïfa : plusieurs personnes arrêtées

Jeudi, les forces d’occupation israéliennes ont arrêté environ 24 personnes lors d’une manifestation pacifique dans la ville occupée de Haïfa. Les manifestants s’étaient rassemblés pour dénoncer la famine persistante et les destructions massives à Gaza, exigeant la fin immédiate de la guerre.

Les manifestants brandissaient des photos d’enfants de Gaza et appelaient à l’arrêt de « la campagne de punition collective et de famine systématique ».

La manifestation à Haïfa et la lettre des rabbins reflètent l’inquiétude croissante face à la catastrophe humanitaire qui prévaut à Gaza, où les civils souffrent du siège et des restrictions d’aide imposées par le régime israélien.


Source : PressTV

Les condamnations venant de la communauté juive sont d’une ampleur considérable et elles semblent enfin prendre la mesure de la catastrophe humanitaire en cours à Gaza. Plusieurs articles récents du quotidien israélien Haaretz montrent une réelle inflexion dans les prises de position :

Haaretz du 28 juillet 2025

C’est une déclaration historique, pour la première fois, deux grandes ONG israéliennes — B’Tselem et Physicians for Human Rights – Israel — accusent officiellement Israël de génocide à Gaza, tel que le défini le droit international.

Ils dénoncent les bombardements massifs et aveugles sur les zones peuplées, la famine utilisée comme méthode de guerre, affectant plus de deux millions de personnes, les Meurtres et déplacements forcés et la destruction de l’infrastructure et du tissu social palestiniens. Ces condamnations visent également les arrestations massives, les détentions abusives, et les conditions d’incarcérations assimilées à de la torture.

La page d’accueil du site B’Tselem

Citations choquantes de dirigeants israéliens

Des déclarations à caractère génocidaire, notamment du ministre de la Défense et du Premier ministre Netanyahu, sont mentionnées pour illustrer l’intention présumée. Les 2 ONG, citent les remarques de l’ancien ministre de la Défense Yoav Gallant faisant référence aux habitants de Gaza comme des « animaux humains », la déclaration du Premier ministre Benjamin Netanyahu du 28 octobre 2023 selon laquelle il s’agit d’une guerre contre « Amalek » – une référence à l’histoire biblique du commandement de Dieu aux Israélites d’anéantir le peuple Amalécite – ainsi que des déclarations sur le génocide faites par des journalistes et des personnalités publiques.

La combinaison de la réalité à Gaza et les déclarations de hauts responsables israéliens les a conduits à « la conclusion sans équivoque qu’Israël prend une action coordonnée pour détruire intentionnellement la société palestinienne dans la bande de Gaza … et commettre un génocide contre les Palestiniens ».

Les rapporteurs notent également que le nombre élevé de morts à Gaza a créé « la plus grande crise d’orphelins de l’histoire moderne », soulignant qu’environ 40 000 enfants ont perdu l’un de leurs parents ou les deux, et que 41 % des familles s’occupent désormais d’enfants qui ne sont pas les leurs.

Le terme de génocide de plus en plus utilisé

À ce jour, de nombreuses organisations et experts juridiques ont conclu qu’Israël commet un génocide à Gaza. Amnesty International, le Centre européen des droits de l’homme, la Fédération internationale des ligues des droits de l’homme et Médecins sans frontières figurent parmi ceux qui sont parvenus à cette conclusion.

Human Rights Watch a également déclaré dans un rapport qu’Israël commet des crimes d’extermination qui pourraient constituer un génocide.

Plusieurs juristes et spécialistes du génocide israéliens sont également parvenus à cette conclusion, notamment les experts de l’Holocauste et du génocide Daniel Blatman, Omar Bartov, Shmuel Lederman, Amos Goldberg, Raz Segal, le juriste Itamar Raz et les historiens Lee Mordechai et Adam Raz, entre autres.

Le rapport complet de Physicians for Human Rights – Israel

Appel à l’action

Les ONG exhortent la communauté internationale à agir immédiatement pour mettre fin aux violences et tenir le gouvernement israélien responsable.

Haaretz du 28 juillet 2025

Le mouvement réformateur juif nord-américain accuse Israël d’être « coupable » de la faim à Gaza. Il critique les débats techniques sur la définition de la famine : selon lui, la situation est mortelle, quel que soit le terme employé. Il appelle les dirigeants juifs américains à s’élever contre la guerre inhumaine menée à Gaza. Il rejette l’idée qu’Israël soit exempt de responsabilités sous prétexte que le Hamas est à blâmer.

La plus grande confession juive des États-Unis, le mouvement réformé, a publié cette déclaration quelques heures seulement après que l’American Jewish Committee soit devenu la première grande organisation de la communauté juive à exprimer de profondes inquiétudes concernant la crise humanitaire à Gaza.

La déclaration a été signée par des dirigeants de l’Union pour le judaïsme réformé (la branche congrégationaliste du mouvement), de la Conférence centrale des rabbins américains et de la Conférence américaine des chantres. Ces deux dernières organisations sont placées sous les auspices du mouvement réformé.

Condamnation morale

Le mouvement affirme que « bloquer la nourriture, l’eau, les médicaments et l’électricité – notamment pour les enfants – est indéfendable ». Il appelle à ne pas laisser le deuil se transformer en indifférence, et à ne pas ignorer les cris des vulnérables.

Le mouvement se dit encouragé par la reprise du largage aérien d’aide humanitaire par l’armée israélienne et la facilitation des convois.

Il rappelle que tous les êtres humains sont créés « b’tzelem Elohim » (à l’image de Dieu), et que nourrir les affamés est une priorité morale dans la tradition juive.

Cette prise de position intervient alors que la polarisation s’intensifie au sein du judaïsme réformé américain.

De nombreux jeunes juifs s’éloignent d’Israël, estimant que les valeurs de justice sociale qui leur ont été enseignées ne sont pas respectées dans le conflit.


Haaretz du 26 juillet 2025

Adi Ronen Argov, thérapeute en traumatologie, organise une manifestation pour obliger les Israéliens à faire face à la réalité des enfants tués à Gaza.

Elle documente elle-même les victimes en l’absence de couverture dans les médias israéliens, devenant ainsi une véritable agence d’information indépendante.

Des vies fauchées, des visages oubliés

Adi Ronen met en lumière les histoires déchirantes d’enfants tués dans les conflits depuis le 7 octobre 2023 : Palestiniens, Israéliens, Iraniens, Libanais.

Comme Rasha al-Ar’eer, une fillette gazaouie de 10 ans, tuée avec son frère après avoir écrit un testament émouvant. Sur un morceau de papier qu’elle gardait dans sa poche, elle a écrit à l’encre rouge : « S’il vous plaît, ne pleurez pas pour moi, cela me fait mal de voir vos larmes. Donnez mes vêtements aux nécessiteux, répartissez mes affaires – les boîtes de perles, l’argent de poche, les livres, les jouets – entre mes cousins. S’il vous plaît, ne criez pas sur mon frère, Ahmed. J’espère que vous respecterez mes souhaits.

Le 30 septembre, la maison de la famille a de nouveau été bombardée, Rasha a été tuée, tout comme Ahmed. Elle avait 10 ans. Il avait 11 ans. Ils ont été enterrés l’un à côté de l’autre.

Un site web appelé Forcibly Involved recense les enfants « non-combattants » tués, quelle que soit leur origine.

Son engagement a été radicalisé après une manifestation anti-Netanyahu en 2020, marquée par des violences policières.

Le lourd bilan

Selon le ministère de la Santé de Gaza, plus de 10 000 enfants ont été tués depuis octobre 2023.

Le silence médiatique et les stratégies de déni rendent ce carnage invisible aux yeux du public israélien.

sur le site Forcibly Involved, on retrouve des milliers de visages d’enfants tués le 7 octobre 2023 et depuis, des deux côtés de la frontière.

Au cours de la première année et demie de la guerre, elle admet qu’elle a hésité à qualifier ce qui se passait à Gaza de « génocide ». Ces doutes ont toutefois disparu à la suite de l’attentat meurtrier qui a tué des centaines de femmes et d’enfants dans la nuit du 18 mars, lorsqu’Israël a violé le cessez-le-feu avec le Hamas et a repris la guerre.

Ronen Argov : « Depuis, j’ai compris le concept. Il ne s’agit pas seulement du nombre de personnes tuées ; C’est la manière méthodique dont cela est fait. On peut dire qu’il y a un élément d’intention [de perpétrer un génocide] non seulement à cause des déclarations des politiciens et des commandants sur le terrain, mais à cause des actions qui se produisent.

Il y a quelques mois, elle est tombée sur la photo d’un garçon mort dont le nom était écrit sur sa main. « Il s’avère que les parents écrivent des noms sur les membres de leurs enfants, afin qu’il soit possible de les identifier lorsqu’ils mourront. À peu près à la même époque, je suis tombée sur le poème de Zeina Azzam intitulé « Gaza », qui conclut :

« Écris mon nom sur ma jambe, mamann’ajoute pas de chiffres
comme quand je suis né ou l’adresse de notre maison.
Je ne veux pas que le monde me liste comme un numéro.
J’ai un nom et je ne suis pas un numéro.
Écris mon nom sur ma jambe, mamanquand la bombe frappera notre maison,
quand les murs écraseront nos crânes et nos os,
nos jambes raconteront notre histoire, comment il n’y avait nulle part où nous réfugier.

Haaretz du 25 juillet 2025

La famine à Gaza n’est pas accidentelle : des responsables israéliens auraient planifié dès le début de la guerre une stratégie de siège total.

Des propos de ministres israéliens et de parlementaires confirment cette intention délibérée d’affamer la population.

En moyenne, 71 camions d’aide entrent chaque jour dans Gaza pour 2,1 millions de personnes—ce qui revient à un camion pour 30 000 habitants.

La moitié de ces camions sont pillés ou interceptés avant d’arriver à destination. Les Distributions sont chaotiques. Dans certaines zones, la nourriture est déversée dans des terrains militaires pendant seulement 15 minutes par jour.

Les personnes les plus touchées sont les enfants, les personnes âgées, les malades, les handicapés et les femmes incapables de se battre pour accéder à la nourriture.

Des Témoignages de médecins sur des cas de malnutrition extrême, parlent d’enfants ressemblant à des squelettes. Des chirurgiens opèrent tout en étant eux-mêmes sous-alimentés.

Le Dr Fadi Alborai, médecin à Gaza, tente d’expliquer la gravité de la situation :

« Une personne qui est entrée dans un stade avancé de famine ne peut pas être sauvée par la nourriture et l’eau seules. Sans soins médicaux spécialisés, la mort rôde à proximité, même si on leur offre soudainement des repas somptueux. C’est un corps dont les systèmes se sont effondrés, dont les muscles se sont désintégrés, dont les organes ont rétréci et qui n’est plus qu’un squelette en mouvement. »

Selon des experts internationaux, comme Alex de Waal, la famine à Gaza serait l’un des cas de famine les plus méthodiquement planifiés depuis la Seconde Guerre mondiale.

Le 2 mars, Israël a annoncé la fermeture des points de passage frontaliers. Ils sont restés fermés pendant 78 jours, les stocks de nourriture se sont épuisés et la faim a commencé à se propager. Le 26 mai, la livraison de l’aide a été renouvelée, mais au lieu de permettre à l’ONU et à ses partenaires de distribuer de la nourriture dans des centaines de points de distribution et dans des cuisines communautaires, comme cela avait été fait pendant la majeure partie de la guerre, la tâche a été transférée à une organisation appelée la Fondation humanitaire pour Gaza, qui a été créée à la hâte, n’a aucune expérience et dont les modes de fonctionnement vont à l’encontre des principes humanitaires qui ont été développés au fil de nombreuses années. Les experts ont averti que cela se terminerait par un désastre. Aujourd’hui, le désastre se déroule sous nos yeux.

Plus de 1 000 personnes sont mortes depuis la fin du mois de mai alors qu’elles se pressaient pour obtenir de la nourriture, la plupart d’entre elles à cause des tirs de l’armée israélienne.

La Rédaction

Une des dernière publications du site The Daily File donc la rédactrice en chef est l’israélienne Adi Ronen Argov.

Adi Ronen Argov

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