This aerial view shows the landmark citadel of Aleppo and its surroundings damaged by the civil war, after jihadists and their allies entered the northern Syrian city, early on November 30, 2024. - Jihadists and their Turkish-backed allies breached Syria's second city of Aleppo on November 29, as they pressed a lightning offensive against forces of the Iranian- and Russian-backed government. (Photo by Omar HAJ KADOUR / AFP)AFP

Les rebelles syriens s’emparent d’Alep, l’armée promet de contre-attaquer

Alors que le conflit semblait larvé en Syrie, des forces rebelles dirigées par le mouvement Hayat Tahrir al-Sham ont pris le contrôle de la ville d’Alep au nord et poursuivent leur avancée vers le sud. Premiers éléments d’analyse. (I’A)

Après plusieurs jours de progression fulgurante, les forces rebelles islamistes de Syrie, dirigée par Hayat Tahrir al-Sham (HTS) ont contraint les troupes de l’armée syrienne à se retirer et ont pu s’emparer de la grande ville d’Alep au nord du pays. Des images vidéo montrent les forces rebelles devant le commissariat central de la police d’Alep, ainsi que près de la citadelle historique de la ville, classée au patrimoine mondial de l’UNESCO.

L’offensive a commencé mercredi en fin de journée. Les combattants du HTS ont quitté la province d’Idlib pour pénétrer dans la campagne de la province d’Alep. D’intenses combats ont eu lieu jeudi et vendredi, et le HTS, soutenu par les factions rebelles appuyées par la Turquie, s’est emparé d’un grand nombre de villes et de villages. Vendredi, les rebelles sont arrivés aux abords d’Alep et samedi, ils rentraient dans la ville. Plusieurs centaines de personnes ont été tuées, mais les chiffres exacts ne sont pas disponibles et pourraient ne pas l’être avant un certain temps.

Les forces russes et syriennes ont également lancé des frappes aériennes contre des cibles à l’intérieur et autour d’Alep. Selon les rapports, au moins 20 combattants et 16 civils ont été tués.

L’armée syrienne envisage de lancer une contre-offensive pour reprendre Alep, et des renforts seraient en route vers la région. Les deux routes principales menant à Alep ont toutefois été bloquées, de sorte que l’accès à la zone risque d’être difficile.

Le HTS et les combattants alliés semblent être maintenant dans presque tous les quartiers d’Alep. Ils ont pris l’aéroport et les combattants kurdes du YPG se préparent à essayer de défendre le quartier kurde de la ville. Des milliers de Kurdes auraient fui vers l’est, dans la Syrie contrôlée par les Kurdes, en prévision des combats.

La chute d’Alep est extrêmement importante, et pas seulement en raison de sa taille. Les rebelles en avaient pris le contrôle lors des premières années de la guerre civile syrienne. L’armée avait réussi à les déloger en décembre 2016. Ce qui avait été considéré comme un tournant majeur du conflit. Cependant, la guerre n’avait jamais vraiment pris fin. Et la ville semble à présent être à nouveau tombée aux mains des rebelles.

Il est peu probable que la prise d’Alep marque la fin de l’offensive. On rapporte déjà que certains combattants rebelles se déplacent vers le sud de la province d’Alep, en direction de la ville de Hama. Elle serait la deuxième grande ville sur le chemin de l’offensive. Sa chute pourrait ouvrir la voie à des poussées vers Homs et même la capitale Damas.

Après avoir essuyé des pertes, l’armée syrienne a promis d’inverser la tendance. Elle a également publié une déclaration visant à rendre Israël responsable de l’offensive du HTS. Le communiqué insiste sur le fait que l’armée « combat effectivement le bras militaire de l’ennemi israélien, faussement qualifié de “révolution syrienne” ». Il ajoute que le HTS était soutenu par des « milliers de militants étrangers » et disposait d’armes lourdes et de drones. Les drones proviendraient d’Ukraine. Le communiqué se termine par la déclaration suivante : « Vous êtes soit avec l’armée arabe syrienne, soit avec Israël ».

L’armée syrienne n’est pas la seule à pointer du doigt Israël. Le ministre syrien des Affaires étrangères, Bassam Sabbagh, a déclaré vendredi que l’offensive du HTS servait les intérêts des forces d’occupation israéliennes. Il a évoqué un « lien évident » entre les récentes frappes israéliennes sur la Syrie et la poussée des rebelles.

Il n’est pas le seul à faire ce lien. L’ancien ambassadeur des États-Unis en Syrie, Robert Ford, a indiqué que les récentes frappes aériennes israéliennes sur la Syrie ainsi que la guerre aérienne contre le Hezbollah ont fourni au HTS une « opportunité d’avancer ».

De leur côté, les YPG kurdes pointent du doigt la Turquie, affirmant qu’elle est à l’origine de l’offensive du HTS. En effet, les rebelles soutenus par la Turquie ont largement participé à l’offensive sur plusieurs fronts.

Le HTS s’est formé au début de l’année 2017 en fusionnant plusieurs groupes militants islamistes. D’abord opposé à Jabhat al-Nusra, la branche syrienne d’Al-Qaïda, il a fini par fusionner avec ce mouvement qui avait publiquement rompu ses liens avec Al-Qaïda en 2016. Malgré tout, le HTS conserve une grande partie de la rhétorique sous-jacente d’Al-Qaïda.

Officiellement, le HTS et son chef, Abou Mohammed al-Joulani, ont essayé de désavouer Al-Qaïda et Daesh pour courtiser les États-Unis. D’ailleurs, l’autorité mise en place à Idlib et dominée par le HTS a été baptisée « gouvernement de salut syrien ». Mais on soupçonne depuis longtemps que ce changement d’image ne résultait pas vraiment de divergences idéologiques majeures entre les factions jihadistes internationales ; il s’agissait surtout de présenter les factions islamistes sunnites syriennes comme un partenaire plus acceptable pour l’engagement occidental dans la région.

Ces démarches ont connu un certain succès. En 2018, le gouvernement Trump a abandonné ses poursuites à l’encontre de Mohammed al-Joulani. Les forces affiliées au HTS ont pu échanger sporadiquement des tirs avec les troupes US stationnées en Syrie. Il ne serait pas correct de les qualifier d’alliées. Mais elles ont des intérêts communs dans un changement de régime en Syrie.

L’Occident a des antécédents dans le soutien à des groupes islamistes sunnites locaux dans la guerre civile syrienne. Et les liens entre les autorités ukrainiennes et le HTS soulignent qu’ils apparaissent tous deux comme des partenaires utiles dans leur guerre régionale respective. Cela constitue sans aucun doute une préoccupation croissante pour le gouvernement syrien qui s’était installé dans une position territoriale plus ou moins stable au cours des dernières années.


Source originale: Antiwar
Traduit de l’anglais par GL pour Investig’Action

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