Presidente de Argentina, Javier Milei / Febrero, 2025 / AFPPresidente de Argentina, Javier Milei / Febrero, 2025 / AFP

Yair Cybel: «Miléi a fait baisser l’inflation par la baisse de la consommation, l’augmentation de la pauvreté et la désindustrialisation»

Le journaliste d’El Grito del Sur et animateur de l’émission Bonavitta en la 530 sur la radio de las Madres de Plaza de Mayo (les Mères de la Place de Mai), Yair Cybel, affirme que la récente réduction de l’inflation par le gouvernement de Javier Miléi s’est faite aux dépens de la grande majorité des argentins.

Ces derniers jours, la presse hégémonique a été inondée par un même titre : « Milei célèbre l’inflation la plus basse des quatre dernières années ». Que se cache-t-il derrière cette annonce ? Sur quoi repose cette « réussite » ?

L’inflation la plus faible en quatre ans sous Javier Miléi repose essentiellement sur un objectif clé de son gouvernement : la financiarisation de l’économie. Pour ce faire, Miléi a misé sur une réduction drastique de la consommation, qui est l’une des plus fortes depuis des années. La chute record de la consommation de viande en Argentine, indicateur significatif pour le pays, en est un exemple marquant. Mais cette politique s’est également accompagnée d’une hausse de la pauvreté et de l’indigence.

En outre, le pays connaît actuellement l’un des taux de sous-utilisation des capacités industrielles le plus élevé de ces derniers temps, conséquence directe de cette financiarisation et de la désindustrialisation. Qui plus est et logiquement le chômage est également en hausse dans notre pays. Le gouvernement peut mettre en avant de bons indicateurs macroéconomiques comme le déficit budgétaire nul et la baisse de l’inflation. Mais, ce déficit zéro repose sur la réduction de toutes sortes de travaux publics, ce qui a engendré une crise profonde dans le secteur de la construction, ainsi que sur une ouverture aux importations. Il est évident que Javier Miléi a obtenu ces résultats  au prix d’une diminution du pouvoir d’achat et de la valeur des salaires; n’importe qui comprendrait qu’il est beaucoup moins coûteux d’acheter un produit importé du Bangladesh, où les travailleurs sont bien moins rémunérés, que de payer un salaire en Argentine avec toutes les réglementations qui y sont associées.

L’Argentine avait prévu les élections primaires (Primarias, Abiertas, Simultáneas y Obligatorias ou PASO) en août, avant les élections législatives d’octobre. Cependant, le président a convoqué des sessions extraordinaires du Congrès pour discuter de son projet d’éliminer les élections primaires : que cherche Milei avec cela ?

Concernant la suppression des PASO, je pense qu’au-delà de ce que cela représente dans le système politique argentin, et qui n’est pas réellement d’une grande importance, il faut surtout considérer le fait que cette suppression n’est pas réellement débattue. Autrement dit, si le Congrès approuve cette loi lors des sessions extraordinaires, il reconnaît un fonctionnement qui échappe au processus électoral normal. Mais d’autre part, Javier Miléi n’a pas établi de budget et il  ne veut pas en discuter lors de ces sessions extraordinaires. Je fais référence au budget, qui est la loi des lois en Argentine, or avec une inflation de 127 % l’année dernière, nous le prolongeons depuis 2023. Ce sera la deuxième année consécutive avec le même budget reconduit, sans prendre en compte, évidemment, des ajustements du fait de l’inflation.

Ainsi, au-delà de ce que la suppression du PASO implique, à savoir l’élimination d’un mécanisme perçu comme bureaucratique et coûteux,  ce qu’il faut voir, c’est ce que Miléi ne veut pas débattre du budget lors de ces sessions extraordinaires; c’est bien là où se trouve le cœur du problème puisqu’il s’agit de ce que l’opposition se propose de débattre. Même le PRO (Propuesta Republicana, Proposition Républicaine) de Mauricio Macri, parti allié à Miléi, a critiqué le fait de ne pas débattre du budget lors des séances extraordinaires convoquées par le gouvernement en qualifiant cette attitude de totalitaire. Séances pour lesquelles seul le gouvernement peut présenter les points à débattre, l’ordre du jour n’étant pas ouvert.

Actuellement, Miléi dispose d’une faible minorité au Parlement mais qu’attend-on de ces élections législatives ? Y a-t-il une union des forces de gauche ?

Que va-t-il se passer ? Il est évident que la représentation de Miléi va augmenter. Il ne compte actuellement que sept sénateurs et lors des élections que nous évoquons maintenant, qui sont celles de 2021, il n’avait obtenu que deux députés : lui-même et Victoria Villaruel, pour lesquelles ils s’étaient présentés à Buenos Aires.

Il est évident que le gouvernement va  voir sa représentation augmenter considérablement, notamment dans les secteurs de représentation de la droite. Le PRO, qui incarnait auparavant la droite traditionnelle, sera fortement affaibli car, en politique, personne ne choisit un  second rôle. Ainsi, les électeurs de droite vont-ils voter pour Milei plutôt que pour Macri

La question est donc de savoir ce que va faire l’opposition. Je ne sais pas s’il faut parler de l’axe gauche-droite car, en Argentine, la politique s’articule davantage autour du clivage péronisme et anti-péronisme,  ici c’est sur cette base que fonctionne la lutte des classes. Mais je crois que le péronisme va recueillir une grande partie des voix. Sergio Massa a obtenu 44 % des voix, lors des dernières élections et lors des primaires, au premier tour, le péronisme a dépassé les 35 %. Je pense qu’il pourrait facilement se maintenir dans une fourchette de 30 à 35 %. Le défi consiste à voir comment il élargit cette représentation.

Traduction par Inés Mahjoubi.

Relecture par Sylvie Carrasco.

Source: Investig’Action.

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