Wokisme : l’arme au service des puissants, de gauche comme de droite

D’un côté, la droite, qui s’en prend aux minorités et à tous ceux qui dénoncent les abus qu’elles subissent. De l’autre, la gauche, qui en a fait ses meilleurs alliés et instrumentalise les questions de race et de genre. Pourtant, dans les deux cas, l’objectif est le même : détourner l’attention du public des enjeux socio-économiques, écologiques et géopolitiques, afin de protéger ceux qui détiennent le pouvoir. (I’A)

L’un des grands défis auxquels sont aujourd’hui confrontés les Occidentaux qui s’opposent au statu quo politique réside dans la façon dont les pros du marketing politique, qu’ils soient libéraux ou conservateurs, s’échinent à détourner l’énergie politique des questions qui menacent les intérêts des puissants – comme l’injustice économique, la guerre, le militarisme, l’autoritarisme, la corruption, le capitalisme et l’écocide – vers des sujets qui ne menacent absolument pas les puissants, telles que l’avortement, le racisme, le sexisme, l’homophobie et la transphobie.

De toute évidence, cette méthode de contrôle social sert le pouvoir et est utilisée de manière fort efficace. Tant qu’elle sera efficace, elle continuera d’être utilisée. Plus les choses iront en s’aggravant, plus il deviendra urgent de combattre la lutte des classes. Et au plus la nécessité de combattre la lutte des classes se révélera urgente, au plus la très artificielle guerre des identités deviendra implacable et intense, ceci afin d’empêcher les changements politiques qui gênent les puissants. C’est garanti à 100 %. Le plus délicat dans cette affaire, c’est que cette implacable intensité créera l’illusion que la guerre des identités est devenue le véritable enjeu de notre société, alors qu’en réalité, l’enjeu le plus crucial se situe au niveau de la lutte des classes.

C’est une évidence : plus les gens s’appauvrissent, se sentent misérables et impuissants, plus l’artificielle guerre des identités se révélera haineuse et dévorante, de façon à pouvoir empêcher la révolution. C’est ce qui se produit et ce qui se produira encore. Cela peut sonner de façon détestable à vos oreilles et vous pouvez me détester pour avoir dit cela, mais c’est un fait, et je pense que nous savons tous plus ou moins que ça l’est.

Que faire alors ? Il est évident qu’on ne peut pas jeter aux chiens les groupes les plus faibles de la société et ignorer les abus qu’ils subissent sous l’effet de la haine que l’extrême droite s’emploie à diriger contre eux. De la même manière, on ne peut pas non plus tomber dans l’autre extrême et jouer le jeu du courant mainstream, selon lequel nous devrions nous focaliser uniquement sur les questions qui concernent les minorités, à la manière d’une Hillary Clinton qui avait affirmé que le démantèlement des banques ne mettrait pas fin au racisme et au sexisme.

Comme pour la plupart des problèmes, le premier pas vers une solution consiste à susciter une prise de conscience sur ce qui est en train de se passer. Attirer l’attention des gens sur le fait que les groupes marginalisés sont aussi bien utilisés que malmenés par ceux qui imposent le narratif dominant pour détourner le regard du public des abus des dirigeants. Mettre le focus sur la façon dont les promoteurs du récit conservateur canalisent la haine vers les groupes marginalisés afin d’éloigner cette même haine de nos gouvernants ET, dans le même temps, mettre aussi le focus sur la façon dont les thuriféraires du discours libéral instrumentalisent les minorités pour que leurs sympathisants se désintéressent des questions gênantes pour les puissants et se concentrent exclusivement sur la guerre des identités.

Ne permettez plus aux gens de se laisser prendre à ce jeu et, au contraire, attirez leur attention sur ce qui est réellement en train de se produire. Agissez comme un abruti bruyant dans un cinéma qui n’arrêterait pas de crier « Rien de tout cela n’est réel ! Ce ne sont que des acteurs sur un plateau de cinéma ! »

Pouvez-vous imaginer à quel point il serait difficile de se laisser emporter par la narration d’un film si un spectateur agissait ainsi durant toute la durée de la séance ? Au bout d’un moment, vous ne seriez plus capable de voir Oppenheimer [N.D.T. Personnage principal du film du même nom] et vous ne verriez que Cillian Murphy [l’acteur qui interprète Oppenheimer].

En agissant de la sorte, tout ce que vous essayeriez de faire, ce serait de capter l’intensité émotionnelle qui prend aujourd’hui la forme de querelles partisanes sur des sujets qui ne dérangeront jamais le pouvoir, et de la rediriger en direction des personnes qui orchestrent tout cela. C’est à la fois facile à faire et absolument honnête. Car faut-il que ce soit la m… pour que ces personnes agissent ainsi. Faut-il que ce soit la m… pour que, de part et d’autre de l’échiquier politique, les voix les plus influentes de notre société facilitent à ce point les abus contre les groupes marginalisés, de façon à protéger les puissants.

Ce procédé est le plus détestable que l’on puisse imaginer. Ils montent les humains les uns contre les autres aux dépens des membres les plus vulnérables de la société et les regardent se battre du haut de leur mont Olympe. Pouvez-vous imaginer chose plus ignoble ?

Pointez du doigt le caractère dégoûtant de ce qu’ils sont en train de faire. Dénoncez l’aspect ô combien diabolique de ce comportement. Continuez à crier dans ce cinéma et pointez le doigt en direction de ce qui se passe réellement, pour que les gens voient à quel point ces monstres sont profondément dépravés.

Pointez du doigt cette dynamique partout où vous la voyez. Lorsque les “populistes” de droite jacassent au sujet de conspirations LGBTQ et hurlent au wokisme par ci et par là, moquez-vous d’eux pour ce qu’ils sont, à savoir des moutons ridicules, occupés à entretenir une dynamique qui sert directement les structures de pouvoir de l’élite à laquelle ils prétendent s’opposer. Lorsque les libéraux snobent des questions comme l’injustice économique, la guerre, le militarisme, l’autoritarisme, la corruption, le capitalisme et l’écocide pour se concentrer sur des batailles culturelles dont l’issue ne gênera jamais le moins du monde les puissants, mettez en évidence la façon dégoûtante dont ils alimentent eux-mêmes une dynamique qui met en péril les communautés marginalisées qu’ils prétendent défendre.

Les deux camps désapprouveront à ce message. La source de leur désapprobation réside dans l’exact plan que je viens de décrire. La vérité se cache sous cette désapprobation. À un certain niveau, vous savez tous que c’est exactement ce qui est en train de se passer.

Rompez le charme et attirez l’attention des gens sur ce qui se passe réellement. Ainsi, vous pourrez étouffer tous ces abus à la source.

Source : blog de Caitlin Johnstone
Traduit de l’anglais par CV pour Investig’Action

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