Photo : al-Jazeera
Mai est un mois important pour le Liban. Le 25 mai 2000 en effet, la Résistance libanaise a réussi à accomplir ce qui n’était jamais arrivé auparavant: en 1982, elle a forcé l’armée israélienne, l’une des plus redoutées et puissantes dans le monde, à se retirer du Liban après 18 ans d’occupation.
Après cet événement, Tel Aviv a essayé par tous les moyens de lutter contre la montée politique du Hezbollah. Directement, avec une guerre de 33 jours en 2006, qui n’a pas atteint l’objectif visé par Israël (la destruction du «Parti de Dieu») mais, au contraire, a souligné les difficultés de Tsahal (armée israélienne) avec une série de défaites amères. Ou indirectement, en soutenant l’Arabie Saoudite et les milices djihadistes pro-saoudiennes créées pour contrer l’axe chiite dans la région représenté par la Syrie, l’Irak, l’Iran et le Liban.
Des mauvais résultats aussi en ce qui concerne le soutien à Saad Hariri, le protégé saoudien dans le pays des cèdres car, après une série de défaites politiques, le leader sunnite du parti «Futur» a été obligé de retourner sur le chemin de la réconciliation et il est devenu le premier ministre d’un gouvernement d’unité nationale avec le maronite Michel Aoun, un président de la République candidat du Hezbollah.
Au cours des deux dernières années, les rumeurs d’une prochaine confrontation militaire entre Israël et le Hezbollah sont devenues de plus en plus insistantes. Selon un éditorial du journal israélien Haaretz, le doute ne porte pas sur le fait qu’il y aura conflit mais sur la date de celui-ci.
L’administration Trump semble, de ce point de vue, donner un nouvel élan à la politique agressive du gouvernement Netanyahou. Selon le quotidien britannique Financial Times « Washington aurait donné le feu vert à l’action militaire de Tel-Aviv contre le Hezbollah et à une éventuelle invasion du Liban». D’après son auteur, David Gardner, la raison de cette politique serait liée à l’incapacité des États-Unis, d’Israël et de l’Arabie Saoudite d’attaquer directement l’Iran, l’ennemi principal, et donc à la tentative de détruire le Hezbollah, principale puissance alliée de la République Iranienne dans la région. « En dépit de l’hostilité contre l’Iran » – dit le journal – «l’administration américaine a estimé qu’il est plus stratégique à présent d’éviter la question nucléaire et de contrer Téhéran par une attaque contre le Hezbollah, son principal allié »
Les événements de ces dernières semaines semblent confirmer cette position. Début mai, le président américain a convoqué à Washington les représentants des pays du Moyen-Orient (Arabie Saoudite, Qatar, Koweït, Bahreïn, Jordanie) ainsi que les représentants européens (France, Grande-Bretagne) pour élaborer une stratégie destinée à contrer le Hezbollah. Cette stratégie s’est concrétisée deux fois : la première, par l’opération militaire «Eager Lion » avec l’installation de forces jordaniennes, soutenues par les Américains et les Britanniques, près d’Al Tanf, dans le sud de la Syrie, à proximité des positions de la milice chiite libanaise, nombreuse dans toute la région. La deuxième, par toute une gamme de sanctions et de contrôles économiques dans les banques, libanaises ou non, afin de réduire les flux financiers directs vers le « Parti de Dieu ». Un autre exemple serait, enfin, le discours de clôture de Trump, lors du sommet de Riyad, contre le Hezbollah. Le mouvement chiite a été dépeint comme l’un des « grands maux de la région», de la même manière que Daesh ou Al Qa’ida, et non pas comme un parti, légitimement élu par les Libanais, dans un gouvernement d’unité nationale ni comme une force militaire qui lutte contre le terrorisme djihadiste.
Les signes d’une éventuelle escalade de la situation seraient également confirmés par les manœuvres et par le changement de stratégie du mouvement chiite libanais. Selon le quotidien libanais Al Akhbar, les milices du Hezbollah ont abandonné la région orientale du Mont-Liban, considérée désormais comme étant libérée de la menace des groupes djihadistes d’Al Nusra et de Daesh, pour des postes frontaliers dans le sud du pays. Les mêmes manœuvres ont eu lieu sur le territoire syrien. L’engagement du Hezbollah reste considérable en termes de troupes à l’appui de Damas mais leur déploiement aurait lieu dans des points «chauds» et non plus dans tout le territoire syrien. Autre signe de réunification des milices libanaises avec d’autres forces émergentes ces derniers temps: la présence des troupes irakiennes d’Harakat Hezbollah Al Nujaba (considérées comme la branche irakienne du Hezbollah).
Lors de son intervention télévisée, le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, a dit en commentant la commémoration de la victoire d’Israël : « Nous sommes prêts pour un conflit qui, s’il a lieu, aura lieu sur le sol d’Israël» Tous les rapports de renseignements de Tel-Aviv affirment que le parti chiite n’est plus celui de 2006. «Le Hezbollah est devenu une puissance régionale » – rapporte le journal Yediot Aharonot – « avec une capacité de plus de cent mille hommes, outre les milices et les réservistes, et avec un potentiel de près de cent quarante mille missiles». La principale préoccupation de l’armée israélienne serait liée à cette capacité, acquise grâce à l’expérience des années du conflit syrien, à faire face à n’importe quel ennemi étant donné que « ses troupes et ses armes sont comparables à une véritable armée, en efficacité et en préparation».
L’état-major de Tel-Aviv, qui est en train de préparer le terrain dans l’opinion publique nationale et internationale, a également déclaré que «la présence des combattants dans les zones et dans les villages ne permettra à Israël d’éliminer cette menace que moyennant des dommages importants aux infrastructures et de nombreuses victimes civiles (comme en 2006 ou à Gaza, ndlr).
Dans un éditorial qui parle du prochain conflit contre le Hezbollah, Bati Abdel Atwan, rédacteur en chef du quotidien Ray Al Youm, explique comment les guerres qui se déroulent actuellement dans la région sont menées pour « renforcer la sécurité et la stabilité d’Israël, afin de maintenir sa puissance militaire et sa suprématie dans la région». Selon de nombreux analystes, le résultat d’un potentiel conflit serait incertain mais aurait des répercussions terribles pour toute la région déjà blessée par des années de guerre.
Traduit pour Investig’Action par l’auteur
Source : Nena News