Trois questions à David Cronin sur le financement européen d’Israël

Déterrant une info bien masquée par les médias israélo-embarqués, David Cronin a écrit sur le projet de financement européen de Israel Aerospace Industries (IAI). Soit ce fabricant d'armes israélien qui est un acteur « central » dans le génocide en cours en Palestine... Trois questions au journaliste du site electronic intifada et spécialiste des relations UE-Israël. 


Investig’Action : Vous développez dans deux de vos articles comment IAI – propriété de l’Etat d’Israël et l’un des trois principaux producteurs d’armes en Israël – est subventionnée par l’Union européenne… en plein génocide. Quel est le montant de ce financement ? Et quel modèle l’UE utilise-t-elle pour subventionner IAI ?


David Cronin : Israel Aerospace Industries (IAI) est une entreprise publique d’armement. Selon son propre site web, ses produits jouent un « rôle central » dans la guerre actuelle contre Gaza. L’IAI fabrique des drones et d’autres armes pour l’armée israélienne.

En décembre, l’Union européenne a approuvé la participation de l’IAI à un nouveau projet de recherche scientifique axé sur le ravitaillement en carburant des avions.

Le projet dispose d’un budget total de près de 13 millions d’euros. L’IAI s’est vu attribuer directement plus de 420 000 euros dans le cadre de l’accord de subvention signé par l’UE.

Cela signifie que deux mois après la déclaration de l’actuelle guerre génocidaire contre Gaza, l’Union européenne a décidé de récompenser une entreprise qui participe au génocide et en tire profit.

Il convient d’ajouter que l’IAI a largement bénéficié des subventions de l’UE pendant de nombreuses années. Depuis 2007, elle a reçu un total de 24 millions d’euros des fonds de recherche de l’Union européenne.

I’A : En subventionnant IAI, « pleinement intégrée » aux Forces de Défense Israéliennes (IDF), non seulement les dirigeants de l’UE ne respectent pas la Convention sur le génocide de 1948, mais ils trompent aussi les citoyens européens dont une partie des impôts sert, finalement, à massacrer des dizaines de milliers d’hommes, de femmes et d’enfants à Gaza ?


D.C : Le génocide est largement reconnu comme le pire des crimes possibles. La Convention sur le génocide de 1948 oblige les gouvernements du monde entier à prévenir ce crime et à le punir lorsqu’il se produit.

Donner de l’argent à l’industrie de l’armement israélienne alors qu’elle commet un génocide à Gaza semble être une violation très claire de la Convention sur le génocide.

Les dirigeants politiques de l’Union européenne trompent le grand public depuis longtemps. Et cette tromperie s’est poursuivie avec le génocide de Gaza.

Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission européenne, a récemment essayé de faire croire qu’elle se souciait du sort des Palestiniens. Elle s’est vantée que l’UE était un important fournisseur d’aide humanitaire à Gaza.

Cette même Ursula Von der Leyen a tenu à rendre visite à Benjamin Netanyahu et à d’autres personnalités israéliennes de haut rang peu après la déclaration de la guerre contre Gaza en octobre. C’est à cette époque que le gouvernement israélien a utilisé un langage nazi à l’égard des Palestiniens de Gaza, en les décrivant comme des « animaux humains ».

Quelques jours seulement après que le ministre israélien de la Défense a qualifié les habitants de Gaza d’« animaux humains », Ursula von der Leyen a déclaré que « l’Europe se tient aux côtés d’Israël ».

Elle a présenté la guerre génocidaire d’Israël contre Gaza comme un acte de légitime défense. Israël a annoncé qu’il coupait l’approvisionnement en nourriture, en eau et en carburant de Gaza, Ursula von der Leyen applaudissait cette cruauté extrême et approuvait, implicitement, l’utilisation d’un langage nazi…

Dans ce contexte, il n’est malheureusement pas surprenant que l’UE ait continué à se montrer « généreuse » envers l’industrie de l’armement israélienne au milieu du génocide de Gaza.

I’A : Les Etats-Unis de Joe Biden comme l’Union européenne d’Ursula von der Leyen encouragent donc financièrement le génocide perpétré en Palestine. Pensez-vous que l’appel de plusieurs associations demandant à l’UE de « suspendre l’accord d’association avec Israël » aboutira ?


D.C : Les appels à la suspension de l’accord d’association de l’Union européenne avec Israël sont importants. Ils contribuent à faire prendre conscience de la manière dont l’UE considère Israël comme un partenaire et lui a accordé une série de préférences commerciales.

Hélas, je ne pense pas que ces appels seront couronnés de succès à court terme.

Seuls deux des 27 gouvernements de l’Union européenne – l’Irlande et l’Espagne – ont officiellement demandé une révision de cet accord d’association. Des bruits ont également couru au sein du gouvernement belge à propos de l’accord d’association avec Israël. Mais la Belgique ne s’est pas jointe à l’Irlande et à l’Espagne lorsqu’elles ont formulé leur récente demande… Il semble donc qu’il n’y ait pas de forte pression pour suspendre l’accord.

L’accord d’association est entré en vigueur en 2000. Il stipule clairement que les relations entre Israël et l’Union européenne sont fondées sur le respect des droits fondamentaux.

Or, Israël prive les Palestiniens de leurs droits tous les jours. Nous pouvons donc affirmer, avec une certitude absolue, que l’Union européenne n’a jamais voulu invoquer la clause relative aux droits de l’homme dans l’accord d’association.

Le fait est qu’Israël dispose d’alliés très fidèles dans l’Union européenne, notamment l’Allemagne, la Hongrie, la République tchèque et la Pologne. Il est donc très peu probable que l’Allemagne – le plus grand et le plus puissant gouvernement de l’UE – accepte de suspendre l’accord d’association.

Plutôt que de prendre des mesures pour demander des comptes à Israël, l’Union européenne étudie actuellement les moyens… d’accroître les échanges commerciaux avec ce pays. L’ambassade de l’Union européenne à Tel-Aviv a d’ailleurs eu et développé de telles discussions dans le contexte actuel du génocide de Gaza. Et ces discussions sont coordonnées avec les fonctionnaires de l’UE, ici, à Bruxelles…

Autre exemple : en 2022, la chaîne de supermarchés française Carrefour a annoncé qu’elle réalisait d’importants investissements en Israël. Le terme « Israël » doit d’ailleurs être nuancé car certains des magasins achetés par Carrefour sont situés dans les colonies israéliennes de Cisjordanie : ce qui est contraire au droit international. Carrefour a aussi distribué gratuitement des produits alimentaires aux soldats israéliens pendant le génocide actuel… C’est l’une des raisons pour lesquelles il est nécessaire de boycotter Carrefour.

De son côté, l’Union européenne discute avec Israël pour faciliter d’autres transactions similaires à celle de Carrefour.


Propos recueillis par Olivier Mukuna

Source : Investig’Action



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