In this handout photograph taken and released by Ukrainian Presidential press-service on July 28, 2023, Ukraine's military commander-in-chief, Valery Zaluzhny (C) stands in attention as he takes part in the Day of Ukrainian Statehood ceremony marking the 30th anniversary of Ukrainian independence, amid the Russian invasion of Ukraine. (Photo by Handout / UKRAINIAN PRESIDENTIAL PRESS SERVICE / AFP) / RESTRICTED TO EDITORIAL USE - MANDATORY CREDIT "AFP PHOTO /HO/UKRAINIAN PRESIDENTIAL PRESS-SERVICE " - NO MARKETING NO ADVERTISING CAMPAIGNS - DISTRIBUTED AS A SERVICE TO CLIENTS - RESTRICTED TO EDITORIAL USE - MANDATORY CREDIT "AFP PHOTO /HO/Ukrainian Presidential press-service " - NO MARKETING NO ADVERTISING CAMPAIGNS - DISTRIBUTED AS A SERVICE TO CLIENTS /AFP

Tensions entre Zelensky et Zaluzhny, le commandant en chef des forces armées d’Ukraine

Le général ukrainien Valery Zaluzhny souhaite que la guerre prenne fin maintenant, et le président Volodymyr Zelensky pourrait bien le virer.

C’est soudain la guerre des tabloïds. Le président ukrainien Volodymyr Zelensky aurait exigé la démission du général Valery Zaluzhny, le commandant des forces armées ukrainiennes, qui a connu de nombreuses batailles et qui est très respecté. Zaluzhny n’a rien dit en public, mais son porte-parole a nié que son patron ait été licencié…

Le drame en cours entre les deux hommes a consterné de nombreuses personnes à Washington, depuis que Zaluzhny a déclaré à l’automne dernier dans une interview à The Economist que la guerre contre la Russie était dans l’impasse. Il n’avait pas fait part à l’avance de ce sombre message à Zelensky, bien qu’il ait été bien connu de quelques personnalités à Washington.

Au Pentagone et dans la communauté du renseignement, certains ont accueilli l’évaluation de Zaluzhny comme le début d’un processus de paix inévitable. J’ai rapporté en décembre que Zaluzhny s’était secrètement entretenu avec son homologue russe, le général Valery Gerasimov, sur les nombreuses questions complexes à régler pour mettre fin à la guerre. Gerasimov a tenu informé son patron à Moscou, Vladimir Poutine, alors que Zaluzhny n’a pas fait de même à Kiev.

La question urgente de rétablir les échanges de prisonniers, initialement mis en œuvre avec l’aide de la Turquie, sur une base réduite au début de la guerre, s’est rapidement essoufflée. La reprise de ces échanges dans le cadre de négociations entre les deux armées impliquées s’est compliquée la semaine dernière, quand l’armée ukrainienne a abattu un avion de transport militaire russe dont on pense qu’il participait au rapatriement de prisonniers.

Rien ne prouve que Zelensky savait que soixante-cinq de ses compatriotes ukrainiens, tous capturés par l’armée russe, se trouvaient à bord de l’avion, mais il savait certainement, m’a dit un fonctionnaire américain averti, que les échanges de prisonniers avaient lieu depuis de nombreuses semaines.

Même les plus grands journaux américains ont eu du mal à évaluer l’incident. Le New York Times a noté que si l’Ukraine “abattait un avion russe avec ses propres soldats à bord, même involontairement, ce serait un revers douloureux à un stade critique de son engagement dans la guerre, sérieusement mis à mal par la pénurie de munitions et d’effectifs et la crainte de voir s’éroder le soutien de l’Occident”.

Le choix de Zelensky de renvoyer son général en chef vient, selon certains Américains, de ce que Zaluzhny a continué à participer – directement ou par l’intermédiaire d’assistants, on ne le sait pas – à des discussions secrètes depuis l’automne dernier avec des responsables américains et occidentaux sur la meilleure façon de parvenir à un cessez-le-feu et de négocier la fin de la guerre avec la Russie. Ce sont ces discussions qui ont conduit Zaluzhny à déclarer à The Economist que la guerre était dans l’impasse. Zelensky a parlé de mobiliser 500 000 soldats supplémentaires, par le biais d’un nouvel appel à la mobilisation, et d’essayer à nouveau, au printemps, de lancer une contre-offensive contre les Russes. Pour ce faire, l’Ukraine aurait bien sûr besoin d’un nouveau financement de la part de l’administration Biden. Il n’est pas certain que les républicains du Congrès soient prêts à financer une nouvelle contre-offensive, mais il ne fait aucun doute que l’administration Biden fera pression pour obtenir ces fonds. (Jeudi, l’UE a approuvé un financement de plus de 50 milliards d’euros pour l’Ukraine).

Tout ceci se produit à un moment où des membres de la communauté militaire et des services de renseignement américains s’intéressent de nouveau au moyen de soutenir à la fois une réforme significative du gouvernement ukrainien, et les efforts de Zaluzhny en vue de discussions approfondies avec la Russie sur un accord de cessez-le-feu. Quelques indices sur les modalités ont été fournis la semaine dernière au Washington Post dans un article intitulé “En Ukraine, les États-Unis revoient à la baisse leurs projets de contrôle du territoire”. Selon cet article, l’Ukraine pourrait envisager une nouvelle offensive militaire contre la Russie. Selon le Post, les éléments clés sont le soutien à la base industrielle et d’exportation sinistrée de l’Ukraine et le financement des réformes politiques nécessaires à une pleine intégration dans l’Europe de l’Ouest.

Selon le fonctionnaire américain, la première étape du nouveau concept n’est pas nouvelle, à savoir une réforme financière. Le mot à passer à Zelensky est le suivant : “Employez-vous à éradiquer la corruption avant d’envisager quoi que ce soit d’autre”. La deuxième étape n’a toujours pas cours aujourd’hui en Ukraine : un audit sérieux de tous les financements gouvernementaux. Le fonctionnaire a déclaré que Zelensky doit réaliser que les milliards dont il a besoin sont “notre argent, une sorte d’investissement avec des règles” applicables à son décaissement “qui doivent être clairement établies et appliquées”.

L’année dernière, le directeur de la CIA William Burns s’est secrètement rendu à Kiev pour avertir Zelensky que Washington avait connaissance de sa propre corruption et de sa réticence à licencier l’un ou l’autre des dizaines de fonctionnaires – nommés par Burns – dont on sait qu’ils sont profondément impliqués dans le détournement de fonds de défense vers des comptes personnels. Burns a également dit au président que certains de ses subordonnés étaient furieux parce qu’il se réservait une part trop importante du butin. “La troisième étape”, a déclaré le fonctionnaire, consiste pour Zelensky à utiliser ces fonds “pour reconstruire l’infrastructure et l’économieLa quatrième et dernière étape consiste à défendre le pays”.

Le fonctionnaire a déclaré que cette stratégie est le dernier message américain adressé à Zelensky. “Notre plan ne mentionne pas de cessez-le-feu. Nous avons maintenu le terme ‘combat’. Les Russes doivent continuer à dépenser comme ils le font depuis le début de la guerre.” Il a ajouté que rien dans le nouveau message n’empêcherait l’Ukraine et la Russie d’accepter “les répartitions territoriales essentielles actuelles” dans les pourparlers secrets en cours entre les représentants de Gerasimov et de Zaluzhny.

Ce concept est dans la réalité bien plus complexe et ambitieux, m’a dit le fonctionnaire, et englobe un soutien durable à Zaluzhny et des réformes qui aboutiraient à la fin du régime Zelensky. Les entretiens de cette semaine sur le licenciement de Zaluzhny ont laissé certains des planificateurs abasourdis. Le fonctionnaire m’a dit que l’élaboration d’une nouvelle stratégie nécessitait “la consultation des principaux Ukrainiens patriotes et réalistes”. Le danger d’une telle réforme est qu’il y ait des fuites dans la presse et “une tentative des bénéficiaires corrompus et bien établis de la politique américaine pour faire dérailler le processus”.

Se référant aux tensions entre Zelensky et Zaluzhny, il a déclaré : “Il s’agit d’un conflit à l’ancienne entre Zelensky et Zaluzhny. Nous savons tous qu’il ne sera pas facile d’arrêter cette folie, et que nous risquons d’échouer, mais de nombreuses vies sont en jeu et l’intégrité est de mise”, a déclaré le général Zaluzhny. “Bien sûr, Zelensky savait que Zaluzhny traitait avec l’Ouest”, a déclaré le fonctionnaire. “Mais Zelensky est un homme mort aux yeux de l’armée, qui soutient le général. Il va se retrouver avec une mutinerie sur les bras”.

Le plan actuel a été élaboré par des experts des services de renseignement et de la bureaucratie militaire, sans que la Maison Blanche, le département d’État ou le Conseil national de sécurité n’aient eu leur mot à dire. “Il émane des états-majors américain et ukrainien et fait appel à des investissements de l’industrie privée, a déclaré le fonctionnaire, et non pas uniquement à des financements et subventions du gouvernement comme c’est le cas actuellement”.

“Poutine, lui aussi, cherche un moyen de s’en sortir. Et il a compris le message”. Le dirigeant russe a remporté les quatre oblasts au cœur de son plan de bataille, après des pertes antérieures, et le contrôle de la Crimée n’est plus une question en suspens. “La stratégie proposée aujourd’hui”, a suggéré le fonctionnaire, lors de discussions à quelques rues de la Maison Blanche mais à des années-lumière en termes de mentalité, “consiste à faire la paix et à établir un plan budgétaire pour l’Ukraine”.


Source originale: Le blog de Seymour Hersh
Traduit de l’anglais par Arrêt sur Info

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