La guerre se joue sur tous les fronts, y compris sur le champ de la recherche historique. Alors que bon nombre de parlements versent dans le révisionnisme russophobe pour qualifier de génocide la famine ukrainienne de 1933, l’appareil de propagande s’emploie à brocarder les intellectuels qui ne suivent pas les rangs. C’est le cas de l’historienne Annie Lacroix-Riz, victime d’une attaque honteuse dans Mediapart. N’hésitez pas à signer la pétition qui la soutient et dont voici le texte. (IGA)
Le 28 mars 2023, l’Assemblée Nationale s’est saisie indirectement d’une demande du gouvernement ukrainien et, par un vote allant des écologistes en passant par le PS et allant jusqu’à l’extrême droite, a reconnu la grande famine de 1933 en Ukraine comme un génocide perpétré volontairement par l’URSS. Dans le contexte du conflit OTAN-Russie en Ukraine, chacun se fera une idée de la portée et de l’objectif d’un tel vote.
Mais indépendamment de l’avis que l’on peut avoir d’une part sur ce vote (il y aurait beaucoup à dire) et d’autre part sur la triste période évoquée, un fait grave est intervenu qui dépasse les limites de l’acceptable.
Dans un article de Médiapart daté du 31 mars 2023 relatant ce vote et intitulé « Comment la grande famine ukrainienne de 1933 est venue percuter la gauche française », l’historienne Annie LACROIX-RIZ, professeure émérite à l’université Paris-Sorbonne, a été une nouvelle fois l’objet d’insultes outrancières autant injustes qu’injustifiées. Affublée de qualificatifs injurieux tels que « négationnisme pur », « complotiste », elle n’a que le tort de ne pas abonder dans le sens du quasi consensus politico-médiatique actuel, sachant que ce consensus n’existe pas au niveau de la recherche universitaire sur le sujet. Et les rédacteurs de l’article d’en rajouter en s’étonnant de l’invitation de l’historienne dans certains médias (nommément cités), ce qui n’est ni plus ni moins qu’un appel implicite à la censure !
Arriver à une telle bassesse de la part de Médiapart est lamentable, répugnant, malhonnête. La question qu’on peut légitimement se poser alors est pourquoi ces journalistes sombrent-ils dans de tels caniveaux ? Et pourquoi aussi des députés ont-ils voté les yeux fermés cette qualification de « génocide » ? Deux réponses sont possibles :
– d’une part, la tentation de discréditer une fois de plus toute remise en cause du capitalisme, où que ce soit, passée (certes imparfaite), présente et future et ceci, par tous les moyens (simplification, caricature, exagération, voire mensonge pur…).
– D’autre part, et c’est très certainement la raison majeure, l’alignement de plus en plus net de ces gens sur les atlantistes et les va-t-en-guerre qui veulent entraîner notre pays et le monde dans l’apocalypse meurtrière.
Et la plus belle réponse à ces questions se trouve dans la déclaration du député écologiste Aurélien Taché citée dans l’article en question : « Même si je comprends qu’il puisse y avoir débat sur le caractère génocidaire de l’Holodomor, au bout d’un moment, il faut faire de la politique ! » Quel bel aveu !
S’ajoute aussi à cela la volonté bassement politicienne de faire diversion et division à gauche, dans la période actuelle de lutte unitaire et très majoritaire contre la réforme régressive des retraites…
Quoi qu’il en soit, l’insulte (« argument » de ceux qui n’en ont pas…) qui est faite ou relayée dans cet article ne peut faire oublier le travail scrupuleux d’historienne sur archives qu’Annie LACROIX-RIZ mène depuis longtemps et qui gêne au plus haut point. Mais à l’évidence, le rouleau compresseur politico-médiatique est en marche qui tente une nouvelle fois par tous les moyens d’étouffer tout débat réel, toute réflexion argumentée, toute voix discordante qui ne va pas dans le sens des choix politiques du pouvoir et des intérêts de la finance. Il n’a que faire de la rigueur scientifique qui pourtant devrait s’imposer sur la base des faits, de témoignages, d’archives. Si le champ historique n’est en cela pas la seule victime de ce rouleau compresseur, c’est de loin le domaine le plus sensible.
Or, lorsque l’Histoire est déformée et utilisée à des fins politiques grossières, en ignorant les désaccords et controverses ainsi que la recherche universitaire en cours, il est de la responsabilité des élus (tous n’ont pas sombré dans ce piège lors de ce vote à l’A.N.), des citoyens, de sentir cette instrumentalisation et de s’en dégager au plus vite avant qu’une version erronée ou déformée des faits devienne l’Histoire officielle… Quand la diabolisation, le mépris, l’étiquetage, prennent le pas sur l’argumentation et la discussion contradictoire, c’est la démocratie qui est en danger, d’autant que ces méthodes peuvent rapidement déteindre sur le peuple…
Et quand le milieu universitaire est touché par cette maladie, les conséquences sont pires encore car c’est l’essence même de la démarche scientifique de dialogue, de confrontation d’idées, de recherche qui est remise en question.
Pour toutes ces raisons, nous alertons, dénonçons ses pratiques honteuses et apportons notre soutien à cette universitaire maltraitée.
On ne s’habitue pas à l’ignominie, on la dénonce et on la combat !