S’il n’y avait pas eu lutte de classes, tu vivrais bien plus mal aujourd’hui

Alain Soral nous explique à maintes reprises que la lutte de classe est « un mal moderne ». Selon lui les travailleurs auraient eu tort de résister à l’exploitation pour défendre le niveau de vie de leurs familles. Arrêtons-nous un instant sur ce raisonnement important. Imaginons que les travailleurs des générations précédentes auraient obéi à Soral et auraient renoncé à revendiquer. Et décrivons, cher lecteur, comment serait alors ta vie de travailleur aujourd’hui.

 

 

 

D’abord, tu te lèverais à quatre heures du matin, laissant derrière toi femme et enfants, pour aller au boulot. Comme la journée de travail durerait 14 ou même 16 heures, tu reviendrais le soir vers 20 ou 22 heures, et parfois plus tard encore à cause des heures supplémentaires imposées.

 

Le samedi, tu ne pourrais pas t’occuper de ta famille ni faire les courses, car ta semaine de travail serait de six jours. Voire de sept jours durant les premiers temps du capitalisme.

 

A propos des courses, tu n’aurais de toute façon pas de quoi les faire, tu serais forcé de te nourrir avec ce que le patron t’aurait « donné » comme produits en nature, car le salaire ne serait pas forcément payé en argent. Tu ne serais donc pas libre d’acheter ce dont tu as besoin.

 

Avec ta famille, tu aurais sans doute de gros problèmes, car ton travail serait si harassant que forcément, tu t’arrêterais au bistrot sur le chemin du retour et rentrerais encore plus tard complètement bourré. D’autant que ta femme serait probablement aussi obligée de bosser et du coup, personne ne pourrait surveiller tes enfants qui auraient toutes les chances de mal tourner.

 

A moins qu’ils ne soient déjà en âge (huit ans) de travailler à tes côtés pour aider à la production dans l’usine. Ce qui bloquerait leur développement physique et intellectuel. Et si tu es victime, au travail, d’un accident qui te rend invalide ?

 

Eh bien, tu n’auras aucun revenu ! Et comme tu n’auras pas gagné de quoi mettre un peu de côté, tes enfants n’auront rien et seront obligés de travailler ou de voler, quel que soit leur âge.

 

Tu es malade ou devenu trop vieux pour ce travail épuisant ? Tu n’auras aucun revenu de remplacement puisque la Sécu sociale n’existe pas.

 

Tu trouves que c’est trop injuste et décides de lutter avec tes camarades pour obtenir de quoi survivre ? Eh bien, tu voles en prison, car l’organisation ouvrière et la grève sont interdites par la loi.

 

Voilà quelle serait ta vie concrète si tes parents et grands-parents avaient obéi à cette curieuse idée soralienne que résister est « un mal moderne » !

 

 

Ce que les grèves ont permis d’obtenir

 

 

Tu crois que j’exagère ? Alors regardons un instant de quelle manière nos parents et grands-parents ont arraché durant le dernier siècle les avantages sociaux et les libertés dont nous bénéficions aujourd’hui.

 

Je prends l’exemple belge. Les dates varient un peu en France et dans les autres pays industrialisés, mais l’histoire a suivi le même parcours.

 

Quand a-t-on interdit le travail des enfants et interdit le paiement du salaire en nature ? En 1889, deux ans après la grande « grève noire » de 1887.

 

Quand a-t-on commencé à supprimer le suffrage censitaire (réservé aux riches) pour introduire le vote pour tous ? Après la grève générale de 1893.

 

Quand a-t-on introduit définitivement le suffrage universel ? En 1919, après trois grèves générales, la révolution d’Octobre en Russie et les révoltes insurrectionnelles en Allemagne.

 

Quand a-t-on limité la journée de travail à 8 heures et la semaine à 48 heures ? En 1921, après la grève générale de 1919 et d’autres révoltes ouvrières en Europe.

 

Quand a-t-on obtenu le salaire minimum et les congés payés ? Après la grève générale de 1936.

 

Quand a-t-on introduit la Sécurité sociale avec assurance maladie, invalidité, assurance chômage et retraite garanties ? Après la résistance armée contre le fascisme, dirigée par les communistes, et la victoire de l’Union soviétique sur le nazisme dans la Seconde Guerre mondiale.

 

Conclusion ? N’en déplaise à Alain Soral, la grève, ça paie ! Aucun de ces acquis n’est venu par des cadeaux du roi ou du gouvernement. Tout cela, il a fallu l’imposer par une lutte de classe, pied à pied, dans les usines et dans la rue. Avec de nombreux sacrifices et de nombreux morts. Un peu de respect donc pour le « luttisme de classe » !

 

Bien sûr, tous ces acquis sont aujourd’hui remis en cause par des politiques de plus en plus à droite dans les divers pays. Cela prouve justement qu’il n’y a plus assez de lutte de classe : notre niveau de vie recule parce que la résistance des travailleurs a été affaiblie.

 

Extrait du livre Pourquoi Soral séduit 

 

Source : Investig’Action

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