Fred Reed, ancien militaire américain, met en garde les jeunes à s'engager dans l'armée. Dans cette tribune, il déconstruit l'illusion de l'aventure et révèle les conséquences tragiques souvent occultées.
Si vous êtes un jeune homme se demandant ce qu’il va faire de sa vie, vous pouvez envisager de vous engager dans l’armée. Ne le faites pas. Oui, l’armée a ses attraits, ou semble en avoir. Vous avez peut-être besoin d’un emploi. L’uniforme est beau. Il peut y avoir de l’aventure. Vous pourriez fréquenter des femmes asiatiques dans des pays étrangers. Ces choses ont leur attrait. C’était le cas pour moi lorsque j’étais un jeune marine. Mais cela ne vaut pas la peine d’être mutilé, aveuglé ou de passer le reste de sa vie dans une chaise roulante. Cela peut arriver. Cela arrive. Et Washington s’en moque éperdument.
Washington s’apprête aujourd’hui à déclencher une guerre avec la Chine. La Chine se trouve à l’autre bout du monde.
Les recruteurs ne vous en parleront pas. Ce sont des menteurs. Ils m’ont menti. Ils vous mentiront. Au minimum, ils ne vous parleront que des bonnes choses qui pourraient arriver, de l’argent de l’université et de la formation professionnelle que vous pourriez obtenir, mais que vous n’obtiendrez probablement pas. Ils vous donneront l’impression d’être les bienvenus. Ils vous diront que vous rejoignez une équipe de frères. Que vous êtes un patriote. Que vous défendez votre pays.
Ne le croyez pas. L’armée américaine ne défend pas l’Amérique. La dernière fois qu’elle l’a fait, c’était en 1945, à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Depuis, des soldats américains ont été envoyés pendant vingt ans en Afghanistan. L’Afghanistan est-il l’Amérique ? Non. Était-il, est-il, important pour l’Amérique ? Puis l’Irak, la Syrie, l’Irak à nouveau, et la Serbie, en bombardant des villes sans défense. L’Irak n’est pas l’Amérique. À mon époque – je suis un vieux monsieur – c’était le Viêt Nam, le Laos, le Cambodge, où 63 000 Américains sont morts, et ont tué sans raison un grand nombre de paysans qui n’avaient rien fait de mal. Washington s’apprête aujourd’hui à déclencher une guerre avec la Chine. La Chine se trouve à l’autre bout du monde.
Laissez-moi vous dire ce que l’armée fait aux jeunes hommes, ce que Washington fait. Il y a longtemps, je conduisais un camion près de la base des Marines à Danang, au Viêt Nam. Une balle a traversé le pare-brise. Les éclats de verre m’ont atteint les yeux, qui devinrent remplis de sang et aveugles pendant plusieurs mois. Je suis resté allongé pendant une heure sur le bord de la route jusqu’à ce qu’un hélicoptère vienne enfin m’emmener à l’hôpital de l’activité de soutien naval. Pendant deux semaines, une infirmière vietnamienne m’a fait une grosse injection de pénicilline toutes les deux heures, car si le sang s’infectait, c’en était fini de ma vision.
De l’autre côté du couloir, il y avait deux Marines dont le char avait été touché par une grenade propulsée par fusée (RPG). Les conduites hydrauliques ont été rompues et le liquide hydraulique a pris feu. Les deux hommes d’équipage en face de moi s’en étaient sortis tant bien que mal, bien qu’horriblement brûlés. On m’a dit qu’ils étaient recouverts d’une bâche en plastique qui dégoulinait de l’évaporation de leurs brûlures, mais je n’en sais rien. L’autre avait également cuit vivant, brûlant, brûlant à l’agonie, la peau se détachant, incapable de respirer dans les flammes, essayant désespérément de trouver la trappe. Les deux personnes en face de moi ont dit qu’elles les entendaient crier. C’est ce que les militaires leur ont fait. C’est ce que l’armée vous fera.
Un recruteur pourrait vous dire que je suis un vieux monsieur et que les choses ont changé. Non, elles n’ont pas changé. L’armée utilise toujours des chars, des fusils, des mines terrestres, des bombes, des lance-flammes, de l’artillerie. Les porte-avions, importants pour la prochaine guerre avec la Chine, transportent encore de grandes quantités de kérosène et d’explosifs. Ce sont des barbecues qui attendent d’être allumés. On peut se faire exploser les intestins ou brûler vif, aussi facilement aujourd’hui qu’à l’époque.
Le Viêt Nam a-t-il quelque chose à voir avec l’Amérique ? Non. C’est à l’autre bout du monde. De même pour l’Afghanistan, l’Ukraine, la Syrie, l’Irak. Alors pourquoi l’armée, pourquoi notre gouvernement le fait-il ?
Réponse : Pour que l’industrie de l’armement gagne de l’argent. Et pour que Washington puisse essayer de contrôler le monde. Êtes-vous prêt à mourir, à passer votre vie dans une chaise roulante, à porter un sac de colostomie rempli de votre propre merde et à ne jamais avoir de rendez-vous parce que vous avez reçu une balle dans le ventre – pour que les actions de Lockheed-Martin augmentent ? Ne le faites pas. Ne laissez pas ces salauds se servir de vous.
Les guerres ne s’arrêtent jamais parce que l’argent est doux, les profits énormes. Washington vient de terminer vingt ans de tueries en Afghanistan, ce qui signifie vingt ans de contrats juteux. En quoi cela a-t-il défendu l’Amérique ? Nous avons maintenant l’Ukraine, qui a coûté jusqu’à présent plus de cent milliards de dollars aux contribuables. L’Ukraine est-elle l’Amérique ? Les États-Unis sont en train de s’effondrer, comme chacun peut le constater, et Washington envoie de l’argent à l’Ukraine. Des centaines de milliers de soldats et de civils, russes et ukrainiens, sont morts là-bas, pour rien. Mais bien sûr, la majeure partie de l’argent envoyé à l’Ukraine est utilisée pour acheter des armes aux entreprises d’armement. Suivez le dollar.
Pour Washington, pour l’industrie de l’armement – c’est presque la même chose – les longues guerres dans des endroits éloignés sont souhaitables parce que des entreprises comme Lockheed-Martin et Raytheon peuvent continuer à vendre au Pentagone des missiles, des chars, des hélicoptères et des choses simples comme de l’essence à des prix exorbitants. La guerre est une question d’argent. Washington se soucie de l’argent. Il ne se soucie pas de vous.
Pourquoi pensez-vous que les guerres américaines durent si longtemps ? Si l’Amérique gagne la guerre, l’argent s’arrête de couler. Si elle perd la guerre, l’argent s’arrête. Si la guerre continue, l’argent coule à flots.
Ne les laissez pas vous utiliser.
Je vais vous raconter une autre histoire. J’ai passé environ un an dans le service d’ophtalmologie 4B de l’hôpital naval de Bethesda, comme on l’appelait à l’époque, juste à côté de Washington. Dans les services hospitaliers, on voit ce que l’armée fait vraiment aux gens. Un homme était aveugle parce qu’une grenade défectueuse avait explosé au bout de son fusil. Un autre avait reçu une balle d’AK dans la mâchoire, brisant l’os. Les fragments ont dû être retirés, laissant la chair de la mâchoire pendre en une masse informe, comme une chaussette mouillée. Il mangeait à l’aide d’un tube nasogastrique qui passait par son nez. Nous l’avons appelé “sans mâchoire”.
Les services militaires en sont pleins. Celui dont je me souviens le mieux était un jeune marine du Tennessee, âgé d’environ dix-neuf ans. Un côté de son visage n’était plus qu’un grotesque hamburger. Il était aveugle comme une pierre. Je me trouvais à proximité lorsque sa petite amie du lycée, âgée d’environ dix-sept ans, est venue lui rendre visite.
“Johnny… Johnny… Oh, Johnny.”
Tant pis pour le mariage, me suis-je dit. Quelle jeune lycéenne veut s’attacher pour la vie à une horreur aveugle qu’elle devra mener par le bout du nez ?
La guerre du Viêt Nam a été perdue, bien sûr, mais elle n’a pas été vaine. Elle a permis à l’industrie de l’armement de réaliser des profits inimaginables. Pourquoi pensez-vous que les guerres américaines durent si longtemps ? Si l’Amérique gagne la guerre, l’argent s’arrête de couler. Si elle perd la guerre, l’argent s’arrête. Si la guerre continue, l’argent coule à flots.
C’est l’armée dont les recruteurs ne vous parlent pas. C’est la vraie armée.
Vous voulez savoir quels soins médicaux minables le Pentagone prodigue aux blessés ? Un chirurgien ophtalmologiste militaire incompétent a réussi, des années plus tard, à détruire l’œil qui me restait. Pour voir le genre de choses qui se produisent, lisez ceci sur le site de la Unz Review. Il vous montrera ce à quoi vous pouvez vous attendre.
Réfléchissez à ce que vous ferez réellement si vous vous engagez. Imaginons que vous receviez l’ordre de tirer des coups d’artillerie sur une ville ou un village. Dans votre zone d’impact, une petite fille de sept ans, touchée par des fragments d’obus, regarde avec surprise ses intestins tomber de son estomac et se met à pleurer, puis à crier. Cela arrive fréquemment. Que pensez-vous que des éclats d’obus chauds et déchiquetés fassent à un jeune ventre mou ? Elle tend les bras à sa maman pour lui demander de l’aide, ce qui est instinctif chez les très jeunes, avant de s’effondrer à cause d’une hémorragie abondante. De gros vaisseaux sanguins se trouvent dans l’abdomen. Sa mère devient complètement folle, désespérée de sauver sa fille mais la regarde mourir. C’est ainsi que nous défendons l’Amérique.
Voilà ce qu’est l’armée, ce qu’elle fait. C’est à cela que vous servirez, directement ou indirectement.
Ceux qui, à Washington, vous enverront tuer des gens que vous n’avez jamais rencontrés, et vous mutiler, ne vont pas eux-mêmes à la guerre. Les jeunes hommes riches ne s’engagent pas. Les étudiants de Harvard et de Yale ne s’engagent pas. L’armée s’en prend à des jeunes gens ordinaires, généralement diplômés de l’enseignement secondaire, souvent originaires du Sud, et en profite.
Si vous avez vingt ans, ce que je vais dire sera de l’histoire ancienne, mais je vous demande d’y réfléchir. La même chose se passe aujourd’hui.
Les hommes suivants étaient tous en âge de servir au Viêt Nam, et ils dirigent aujourd’hui le pays ou l’ont dirigé : Le président George Bush II, Bill Clinton, John Bolton ( dont vous n’avez probablement jamais entendu parler, mais qui est un grand faucon de guerre ), Biden, Trump Tous ont évité le service militaire. Tous veulent maintenant vous envoyer à la guerre. En clair, ils vous considèrent comme des pigeons. Pensez-y.
Je vous le dis, en tant que personne qui a été à l’armée, qui a vu cela, ne les laissez pas vous utiliser.
Source : Antiwar.com
Traduit de l’anglais par Falasteen pour Investig’Action
