Que faire des déchets nucléaires ? (6/6)

Dans les précédents articles, nous avons vu que le stockage géologique des déchets nucléaires dans l’argile, le granite ou les mines de sel, ainsi que les conteneurs métalliques contenant ces déchets ne résolvent pas les risques graves, voire mortels, des déchets nucléaires. Alors quoi faire des déchets nucléaires? Qu’en pense Marcos Buser, géologue et expert du stockage des déchets radioactifs?

 

Bien que Marcos Buser ait énuméré une longue liste de sérieux problèmes quant au stockage géologique des déchets nucléaires (1*), il ne pense pas pour autant que le stockage géologique soit, a priori, une mauvaise idée. Il pense que dans l’état actuel des connaissances, les scientifiques n’ont pas encore trouvé les solutions aux sérieux problèmes que ça pose. Selon lui, il faut donc soulever tous les problèmes existants, ce qui nécessite la mise en place d’une culture de sécurité digne de ce nom.

En attendant d’avoir de meilleures solutions (si ce jour arrive), il pense à une étape intermédiaire qui précèderait l’étape définitive. Celle-ci consisterait à rassembler les déchets nucléaires en stockage en sub-surface, c’est à dire dans des cavernes dans la montagne ou en sous-sol pendant 100 à 300 ans.

 

Pourquoi un stockage intermédiaire dans des cavernes en montagne ou en sous-sol?

Ce stockage assurerait une meilleure sécurité des déchets nucléaires contre par exemple les risques d’accidents d’avions ou d’attaques terroristes et permettrait de développer, sans pressions excessives, de nouvelles techniques d’emballage et d’immobilisation de déchets.

 

Quels problèmes ce stockage intermédiaire doit résoudre?

Pour un stockage ouvert de ce type, la ventilation naturelle devra être garantie pour éviter une explosion de l’hydrogène. De même, l’écoulement naturel d’éventuelles venues d’eau et une protection contre des infiltrations d’eau devraient être assurées pour éviter tout risque d’inondation des cavernes. La protection probablement la plus difficile à réaliser est celle de la stabilité des cavernes (même pour les roches granitiques considérées les plus stables). Le problème de la corrosion des fûts sur 300 ans doit aussi être abordé.

Marcos Buser pense que tous ces enjeux sont maîtrisables. Il présentera un argumentaire pour ce stockage intermédiaire en 2019, dans le cadre d’une expertise, pour le compte d’organisations anti-nucléaires.

En même temps, Marcos Buser souligne fortement que cette étape intermédiaire doit être impérativement associée à un gardiennage des déchets et à la recherche de solutions scientifiques pour le long terme.

D’autres scientifiques partagent l’avis de Marcos Buser sur le stockage intermédiaire. C’est le cas de Peter Szakalos, chercheur sur l’impact de la radioactivité sur les matériaux au KZH en Suède, qui a déjà suggéré au gouvernement suédois d’attendre au moins 30 ans pour avoir le temps de chercher de meilleures solutions. En attendant, il préconise d’utiliser des stockages intermédiaires sûrs dans des “fûts secs” déposés dans des grottes, dans des montagnes, sans nappes phréatiques (2*).

De même, le physicien Jean Pierre Petit (écouter à partir de la minute 01:19:20) suggère de mettre les déchets nucléaires dans des galeries creusées dans des falaises, où il y a une ventilation naturelle, en attendant de, peut-être, un jour, avoir une solution pour ces déchets.

Il pense que les déchets nucléaires ne pourront pas être traités s’ils ont été mêlés au sol à cause de stockages souterrains qui ont mal tourné, ou si les polluants radioactifs ont été dispersés à la suite d’une guerre, d’accidents d’avions, d’actions terroristes, ou de diffusions lors d’accidents nucléaires comme Fukushima.

Si l’humanité existe encore et si les recherches nécessaires sont effectuées, il conjecture qu’on pourra se débarrasser des déchets radioactifs par “inversion de masse” !

Une conjecture est un énoncé pour lequel on ne connaît pas encore de démonstration, mais que l’on croit fortement être vraie, en l’absence de contre-exemple. (3*) Cet avenir est hypothétique. En attendant, on a toujours pas de solution définitive pour ces déchets.

Marcos Buser remarque un dernier risque concernant l’avenir des déchets nucléaires, c’est le désintérêt croissant des citoyens pour trouver une solution à la gestion des déchets nucléaires.

Il dit: « Il faudrait que ce message passe mieux. Mais on est peu écouté. » Alors, merci par avance de faire passer le message.

Je remercie Marcos Buser (géologue, ancien membre de la Commission fédérale de sécurité nucléaire en Suisse et expert du stockage des déchets radioactifs), Peter Szakalos (physicien spécialiste de l’impact de la radioactivité sur les matériaux), Roland Desbordes (physicien de la Criirad), et Jean Pierre Petit (physicien) pour leurs aides.

 

Notes

(1*) Voir message précédent

(2*) Mail Peter Szakalos 17/12/2018

(3*) Mail Jean Pierre Petit 20/01/2019

(4*) une conjecture https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Conjecture

 

Photo : Greenpeace Belgium

Information complémentaire: Article paru sur Reporterre  « Aucun pays au monde ne sait quoi faire de ses déchets radioactifs, constate Greenpeace »

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