US President Joe Biden gives a thumbs-up during a welcome reception for leaders attending the Asia-Pacific Economic Cooperation (APEC) leaders' week at the Exploratorium, in San Francisco, California, on November 15, 2023. - The APEC Summit takes place through November 17. (Photo by Brendan SMIALOWSKI / AFP)AFP

Peut-on compter sur Biden pour sauver le climat?

Fin janvier, Joe Biden annonçait un moratoire sur les nouvelles autorisations de construction de sites d’exportation de gaz naturel liquéfié. Ce qui met au frigo le titanesque projet CP2, mais laissera courir tous les dossiers qui ont déjà reçu le feu vert de l’administration. Dans la dernière ligne droite avant les élections, le président sortant à la traine dans les sondages a-t-il voulu gagner les faveurs des nombreux opposants à la fracturation hydraulique? Quitte à s’aliéner les pontes du capitalisme fossile déjà acquis à Donald Trump? Paru début janvier, cet article soulevait tous les problèmes liés au CP2 et ne misait ni sur Biden ni sur Trump pour faire passer l’intérêt public avant le profit des multinationales. De fait, Biden n’a mis en place qu’un moratoire et n’en serait pas à sa première couleuvre climatique s’il devait le lever une fois élu. Quant à Trump, il a déjà dit tout le mal qu’il pensait du moratoire en question. Comme l’auteur l’indique dans cet article, c’est tout un système qu’il faut changer. (I’A)

Qui est-ce que le New York Times cherche à enfumer avec son récent reportage intitulé: le projet de gaz naturel de Biden: son prochain défi climatique?

Le projet en question, baptisé CP2, fait référence à un investissement éventuel de 10 milliards de dollars US dans un terminal d’exportation de gaz naturel liquéfié (GNL) que Venture Global entend construire sur la côte du Golfe du Mexique en Louisiane.

L’entreprise ne pourra cependant obtenir d’approbation tant que l’administration du Department of Energy (DOE) n’aura pas statué que le projet est d'”intérêt public”. S’ils l’obtiennent ou plutôt quand ils l’obtiendront, cela signifiera que seize autres projets de terminaux d’exportation de GNL l’obtiendront également de l’organisme fédéral.

David Gelles, journaliste environnemental du Times, ainsi que Clifford Krauss et Coral Davenport décrivent la politique derrière le projet CP2 de “compliquée…mettant en lumière les tensions inhérentes entre croissance économique, géopolitique et environnement.

D’une part, ils notent:

“Les partisans du projet affirment que ce serait une aubaine pour l’économie étasunienne tout en réduisant la dépendance des européens au gaz importé de Russie… (en même temps, Biden) tente d’empêcher la hausse du prix du gaz, veut fournir à ses alliés européens une alternative au Gaz russe tout en se défendant des accusations des Républicains selon lesquelles il entraverait le développement énergétique des États-Unis… Les terminaux d’exportation représentent l’apex du boom américain dans le domaine de la fracturation hydraulique dont les débuts remontent à des décennies… En 2016 débutait l’exportation de GNL et les États-Unis sont devenus cette année le premier exportateur mondial. Plusieurs nouveaux terminaux sont d’ailleurs en cours de construction et même sans CP2 les exportations devraient croître de plus de 50% dans les années à venir… Cet état de fait a procuré à Washington un nouveau levier géopolitique permettant à l’administration Biden d’imposer des sanctions sur un nouveau projet gazier russe dans l’Arctique sans risquer une augmentation du prix du gaz et tout en aidant l’Europe à se sevrer du gaz russe… (Et) une escalade des hostilités au Moyen-Orient pourrait menacer le transit par le détroit d’Ormuz, seul accès maritime du golfe Persique à l’océan, là où transite près d’un quart des réserves mondiales de gaz naturel, ce qui confère à de tels projets une importance cruciale’… Le gaz naturel, qui est principalement composé de méthane, est plus propre que le charbon lorsque consommé. Michael Sabel, directeur général de Venture Global LNG, a déclaré dans une interview que le gaz naturel était “le meilleur outil pour lutter contre le changement climatique”.

D’autre part, Gelles, Krauss et Davenport rapportent:

“Un mouvement d’ampleur nationale s’emploie à empêcher la construction même des terminaux d’exportation. Les opposants, y compris les principaux groupes environnementaux, les scientifiques et les militants, affirment que le CP2 impliquerait des décennies d’émissions supplémentaires de gaz à effet de serre, principal moteur du changement climatique. Ils ajoutent que le projet serait nocif pour les habitants de la région, ainsi que pour l’écosystème fragile qui soutient la vie aquatique dans le golfe du Mexique … ’ Il est de plus en plus reconnu publiquement que ce projet, comme d’autres du même genre, représente les nouvelles sources d’émission de carbone les plus importantes et c’est dans l’élan d’un accord mondial emblématique qu’il est temps de mettre en place une alternative aux combustibles fossiles, ’ a déclaré Manish Bapna, directeur général du Natural Resources Defence Council. ‘ Cette déconnexion frappe l’imaginaire et soulève l’indignation du public. ’…Alors que la combustion du gaz naturel s’avère plus propre que le charbon, les émissions de méthane sont 80 fois plus importantes que le dioxyde de carbone.En outre, bien que le méthane se dissipe plus rapidement que les autres gaz à effet de serre, d’éventuelles fuites peuvent se produire n’importe où le long de la chaîne d’approvisionnement, de la tête de puits de production aux usines de transformation. Le processus de liquéfaction du gaz pour le rendre adapté au transport est également incroyablement énergivore, créant encore plus d’émissions. Une nouvelle analyse de Robert Howarth, professeur d’écologie et de biologie environnementale à Cornell, a conclu que les émissions associées à l’exportation de gaz naturel pourraient être de 24 à 274 pour cent supérieures à celles associées à la combustion du charbon… L’approbation du CP2 entraînerait des émissions 20 fois supérieures à celles associées au projet Willow, un nouveau développement majeur de forage pétrolier en Alaska que l’administration Biden a approuvé cette année malgré une vague de protestation des écologistes. Les activistes écolos ont enflammé les réseaux sociaux, remis des pétitions à l’administration Biden et ont même rencontré certains hauts responsables américains du climat afin d’exhorter le Président à laisser tomber le projet CP2. Ces mêmes activistes qui en ont voulu à Biden après qu’il a approuvé le projet Willow. Cette fois-ci, avec le CP2, ils entendent bien amener ce nouveau combat contre les combustibles fossiles jusqu’aux marches de la Maison-Blanche et espèrent obtenir des résultats plus probants. ‘L’ampleur de ceci, c’est la plus grande expansion de l’usage des combustibles fossiles restants sur la planète Terre’, a déclaré Bill McKibben, un militant écologiste à la tête d’une campagne visant à bloquer le CP2.

Selon le Times, il appartient à Biden de décider comment naviguer sur ces courants politiques complexes.

C’est le prochain ”test climatique” majeur de Biden.

Laissez-moi simplifier les choses:

Les ”défenseurs” du projet sont avant toute chose de la catégorie des investisseurs avides de profit qui misent sur les combustibles fossiles pour s’enrichir et qui n’en ont honnêtement rien à battre de l’écologie et du développement durable.

L’idée que le gaz naturel est sans danger pour l’environnement n’est qu’une autre tromperie dans une longue lignée de mensonges que le capitalisme fossile a disséminés pour justifier l’inondation de l’atmosphère avec du carbone piégeant la chaleur dans celle-ci –un crime monumental qui propulse l’humanité et le tout le vivant au-delà de la “Goldilocks Zone”, soit une fenêtre de température autorisant des conditions de vie décentes sur la planète.

Le capitalisme-impérialisme américain mène ce processus de transformation de la planète Terre en une gigantesque Chambre de gaz à effet de serre depuis plus d’un siècle. Il l’a toujours fait, que le président des États-Unis soit Républicain ou Démocrate, indépendamment du fait que les Démocrates capitalistes fossiles unissent leurs vœux pieux aux avertissements des climatologues sur le réchauffement climatique anthropique alors que les Republi-fascistes capitalistes fossiles ne le font pas.

En tant que lèche-bottesdu capital, de la finance et des impérialistes assoiffés de sang (merci Obama!), Joe Biden n’est rien moins que le chef exécutif du système capitaliste-impérialiste étasunien.

Biden n’a à la bouche que ce mot clé, cette règle d’or du capitalisme: compétitivité. Il n’a eu de cesse de piailler cette notion de ”rendre l’Amérique plus compétitive” et ce tout au long de sa présidence glauque et fort impopulaire. 

Les préoccupations environnementales sont pour lui secondaires par rapport à sa mission de faire progresser par la fameuse compétitivité la puissance américaine sur la scène mondiale. Un objectif à la fois impérialiste, économique et géopolitique critique des États-Unis sous Biden fut de remplacer la Russie en tant que principal fournisseur de gaz naturel en Europe – ce n’est pas sans raison qu’il a annoncé et approuvé la destruction du gazoduc Nordstream. C’est une ambition directrice derrière la politique ukrainienne de Biden.

Le gaz naturel, expédié sous forme liquéfiée sur des pétroliers des États-Unis aux quatre coins du monde, offre un puissant accroissement de la compétitivité capitaliste américaine, mais également un accroissement  des émissions de méthane. Comme le Conseil national de la Défense des Ressources l’a rapporté il y a deux ans:

“La production commerciale de GNL aux États-Unis a commencé en 1941, les premières exportations américaines se dirigeant vers le Royaume-Uni à la fin des années 1950. Mais le véritable boom pour les États-Unis a démarré beaucoup plus récemment. L’augmentation de l’extraction de gaz naturel aux États-Unis, bien au-delà de la demande intérieure de gaz, a incité l’industrie à construire des infrastructures de GNL telles que les installations de traitement et les terminaux d’exportation pour faciliter l’expédition du combustible fossile. Alors que maintenant l’Australie trône comme premier exportateur de GNL, alors que le Qatar fournit actuellement la source la plus bon marché de combustible fossile, ces nouvelles infrastructures devraient consacrer les États-Unis comme plus grand exportateur mondial de GNL d’ici la fin de 2022, la capacité maximale atteignant 13,9 milliards de pieds cubes par jour (Bcf/d). Une partie de cette augmentation est liée aux questions géopolitiques. Par exemple, comme la Russie fournit du gaz naturel par ses gazoducs à une grande partie de l’Europe occidentale, l’Union européenne importe du GNL en tant que réserve au cas où son approvisionnement en énergie serait coupé ou réduit en période de tensions ou de conflit …. De façon générale, la destination finale d’un navire-citerne américain de GNL peut être influencée par l’endroit où l’entreprise peut obtenir les prix les plus élevés. En 2020, la majorité des exportations sont allées vers des pays d’Asie, suivis par l’Europe, le reste étant expédié à travers l’Amérique latine, le Moyen-Orient et l’Afrique.”

Comment explique-t-on dans ce cas que “ces exportations lucratives à l’étranger” aient finalement contribué à des coûts de chauffage plus élevés aux États-Unis? “Comme la demande de gaz a rebondi en sortie de pandémie,” explique la NDRC, “le business américain du capital fossile est resté “focalisé sur la maximisation des rendements des actionnaires plutôt que de répondre à la demande du marché intérieur…”

En même temps, des décennies de propagande capitaliste fossile ont fait du changement climatique – sans doute le plus grand problème de notre temps et même de tous les temps – une priorité relativement faible (voir enquête du Pew Research Center, no. 17, 2023) pour les électeurs américains et les espoirs ténus de réélection de Biden (il est derrière Trump l’éco-fasciste qui le devance dans les sondages d’intentions de vote dans le petit nombre d’États qui déterminent absurdement les résultats présidentiels; remercions en cela le système archaïque du Collège électoral des États-Unis) dépendent en grande partie de la stabilité des prix du gaz et d’autres produits énergétiques. Et Biden sait très bien que se prononcer contre le CP2 lui coûtera cher en financement de campagne auprès d’intérêts capitalistes friqués, financement qui risque fort de se retrouver dans les caisses électorales de Trump.

L’actuel président des États-Unis nous a démontré le souci qu’il a pour l’humanité et la vie en menant une guerre impérialiste meurtrière par procuration qui a tué et mutilé des centaines de milliers de personnes, une guerre provoquée par les États-Unis en Ukraine qui dure depuis 27 mois. Puis en embrassant et en soutenant par le financement, l’équipement, et la protection d’Israel la guerre génocidaire contre le peuple de Gaza depuis 3 mois.

Comme ses illustres prédécesseurs démocrates à la présidence, mentionnons Lyndon “Crucify Vietnam” Johnson, Jimmy “Mujahideen” Carter, Bill “Bomber de Belgrade” Clinton, et Ba(f)rack “Copenhagen Climate Killer” Obama, “Genocide Joe” Biden a froidement trahi une promesse de campagne libérale et progressiste après l’autre. C’est typiquement ce que font les démocrates capitalistes dans les couloirs du pouvoir d’État. Le bilan climatique de Biden n’en est qu’un autre exemple, ce qui inspire un second sobriquet, celui d’“Ecocide Joe.”

Si vous doutez que Biden échouera à un autre « grand test climatique » au regard de l’intérêt public, sachez que selon le Times, le département américain de l’Energie « n’a jamais rejeté un projet de gaz naturel en raison de son impact environnemental projeté. »

Compte tenu de tout cela, je trouve très probable que Biden ratifie le CP2, appuyé par les responsables du Département de l’Energie qui prétendent justifier cette décision de transformer la planète en étuve sous le prétexte que le gaz naturel est respectueux de l’environnement alors que le charbon, non.

C’est une lame à deux tranchants: d’un côté Biden réussira le test du point de vue du business des hydrocarbures accros aux émissions carboniques. De l’autre, il échouera à améliorer les conditions de vie sur Terre, pour enfin oeuvrer en faveur du bien commun et de l’intérêt public.

Les écologistes libéraux et progressistes exprimeront leur indignation au président, puis parleront de la toute dernière trahison climatique de Joe “Willow Project” Biden en des termes aigres-doux puisque son adversaire présidentiel et successeur probable, le monstre éco-fasciste Donald “Drill, Drill, Drill” Trump, mènera une politique encore plus destructrice.

Blamons donc Biden et Trump tant que nous voulons, mais la véritable force déterminante de l’extermination écologique ne tire son origine ni d’un unique politicien ou du président, Untel ou même d’un regroupement d’investisseurs. La responsabilité incombe au système capitaliste impérialiste éco criminel mondial dirigé par les États-Unis. Ce capitalisme impérialiste qui dresse les entreprises capitalistes et les États nations les uns contre les autres dans une expansion concurrentielle sans fin, dans une guerre à mort pour le profit et le pouvoir, une guerre qui rapproche dangereusement l’humanité d’une catastrophe climatique irréversible.

Quelle vision d’horreur.  Il n’y a ni d’amour, ni justice, ni démocratie, ni poésie, ni musique, pas de philosophie, pas de sport, pas de science et encore moins de promenades dans les bois et la plage sur une planète morte. Si nous ne renversons pas cet ordre capitaliste-impérialiste bientôt, nous pourrons dire adieu à un avenir décent pour l’humanité et ce qu’il reste de vivant

Postscriptum

L’opinion que j’ai de la menace fasciste que représente Trump et le trumpisme, eh bien c’est qu’elle descend en droite ligne et de façon décomplexée de l’Hitlérisme. Ce qui ne va quand même pas retenir mes coups contre Genocide/Ecocide Joe en 2024. Détestez-moi si ça vous chante, mais ces deux-là sont à mon avis deux chiens fous sociopathes qui menacent la nation, la planète et toute l’humanité. Si l’un deux attrape la rage, ça ne m’incitera nullement à cajoler l’autre, car cela n’empêchera pas le rageux de venir répandre son écume bleu flashy à son tour. C’est le système tout entier qui a lâché ces bêtes enragées sur l’humanité.

Une version de cet essai est parue précédemment dans The Paul Street Report. Veuillez consulter TPSR ce samedi pour une réflexion sur le troisième anniversaire du 6 janvier.


Source originale: Counter Punch
Traduit de l’anglais par Jocelyn pour Investig’Action

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