Au ministre belge de l'Intérieur
SOLIDAIRES DONC CRIMINELS ? NON À LA CRIMINALISATION DE L'AIDE AUX SANS PAPIERS !
Monsieur le Ministre,
Criminaliser l’aide que des citoyens et citoyennes de ce pays apportent à des hommes, femmes et enfants sans titre de séjour valable : tels sont les propos que vous avez tenus dans le journal « Gazet van Antwerpen » le samedi 7 janvier 2006.
Ces propos sont, pour les organisations et citoyens solidaires que nous sommes, inacceptables.
Alors que les décisions politiques successives ont largement contribué à criminaliser les sans-papiers depuis de nombreuses années, menacer de sanctionner les personnes venant en aide à des étrangers en séjour illégal en Belgique constitue une intimidation révoltante et un détournement inacceptable dans l’interprétation de la législation belge. Vos propos ont créé la confusion et risquent d'induire en erreur des associations et des personnes auprès de qui il faudra rétablir la vérité : l'aide humanitaire apportée à un étranger en séjour clandestin n'est pas un délit!
Les « sans-papiers » subissent souvent, dans notre pays, des conditions de vie très précaires. Venir en aide à ceux qui sont en mauvaise santé, qui ont faim ou froid est une obligation morale, humaniste. Que ces personnes soient proches ou éloignées, et quelles que soient leur nationalité, religion, sexe ou statut légal.
Criminaliser cet acte de solidarité est inacceptable. Se baser sur les articles 77 et 77bis de la loi de 1980 pour appuyer cela est contestable : ces articles concernent en effet la traite et le trafic d’êtres humains. Associer l’aide légitime apportée par les citoyens et citoyennes de Belgique à de pareilles pratiques constitue une injure envers ces individus, solidaires d’hommes, femmes et enfants soumis à la clandestinité.
De tels propos sont non seulement inquiétants et injurieux, mais font également porter des risques à notre démocratie. S’attaquer au principe de la solidarité entre êtres humains est à nos yeux inadmissible et porteur de toutes les dérives. Menacer ouvertement des citoyens pour un pareil engagement constitue une faute démocratique que nous ne pouvons tolérer. En outre, offrir aux partis liberticides une tribune de récupération aussi prévisible est irresponsable à quelques mois des élections communales, et la part de chacun dans la montée des partis racistes au soir des élections devra être assumée.
En conséquence de quoi,
Nous, organisations de solidarité avec les plus vulnérables d’ici et d’ailleurs,
Nous, hommes et femmes attachés au principe de solidarité entre êtres humains,
Nous, « sans-papiers » de Belgique conscients de l’importance de l’aide de chacun,
Nous sommes tous des « criminels » de la solidarité !
Nous condamnons fermement vos propos sur la criminalisation de l’aide aux personnes dénuées de titres de séjour et réaffirmons notre volonté de soutenir, aujourd’hui comme demain, et malgré les menaces de poursuites judiciaires, les hommes, femmes et enfants « sans-papiers » en Belgique.