Un air de déjà vu? En Libye déjà, la mystérieuse Ligue libyenne des droits de l’homme avait fourni des chiffres farfelus sur la répression de Kadhafi pour justifier une intervention de l’Otan. Au Nicaragua, l’ANPDH semble s’être prêtée au même jeu. Son directeur est accusé d’avoir falsifié les rapports sur lesquels s’est notamment basée l’Organisation des États américains. Il aurait même détourné de l’argent fourni par des organismes US tels que la NED. (IGA)
Des membres de l’ANPDH accusent leur directeur
Un an après une tentative de coup d’État appuyée par les États-Unis au Nicaragua, un grave scandale fait surface. Il porte sur le vol supposé d’un demi-million de dollars provenant des contribuables US par une organisation au cœur des efforts de déstabilisation.
Trois membres du conseil de l’Association nicaraguayenne des droits de l’homme (ANPDH) ont dénoncé leur ancien directeur, Álvaro Leiva, l’accusant d’avoir volé près d’un demi-million de dollars de fonds fournis par la National Endowment for Democracy et d’autres associations de soft power dépendant du gouvernement US.
Les membres du conseil ont également accusé Leiva de “modifier le nombre de morts et de blessés dans les rapports de l’ANPDH afin de demander plus de ressources aux donateurs nord-américains, ce qui invalide totalement la crédibilité de ces rapports“, selon le journaliste nicaraguayen Adolfo Pastran.
Au cours de la tentative de changement de régime, qui a duré du 18 avril au mois de juillet de l’année dernière, l’ANPDH a affirmé qu’il y avait eu plus de 400 morts, gonflant le nombre de décès d’au moins 150. À tort, il a également tenu le gouvernement responsable de chaque mort. L’ANDPH a aussi exagéré le nombre de détenus, de blessés et de personnes disparues. Il n’y avait d’ailleurs qu’une seule personne portée disparue. Il s’agissait de Bismarck Martinez, un membre sandiniste qui a été enlevé le 29 juin 2018 et qui a été retrouvé assassiné en mai de cette année. Des vidéos des horribles tortures infligées à Martinez ont été retrouvées sur les téléphones portables de ses tortionnaires après leur arrestation.
Comme l’a signalé The Grayzone, la Commission interaméricaine des droits de l’homme (CIDH) de l’Organisation des États américains (OEA) s’est largement appuyée sur les données erronées de l’ANDPH dans son propre rapport déséquilibré sur la crise de 2018 au Nicaragua.
L’ANDPH a été fondée à Miami en 1986 sous le président Ronald Reagan pour mettre fin à la sale guerre que la CIA menait contre le Nicaragua. Gratifiée d’un montant initial de 3 millions de dollars par le Congrès US en 1987, l’association était chargée d’améliorer l’image humanitaire des Contras soutenus par les États-Unis. Elle devait en même temps se focaliser sur les allégations de violations des droits humains par le front sandiniste. L’ANPDH n’a cessé de recevoir des financements des États-Unis depuis, avec une forte augmentation en 2018, lorsqu’a démarré l’opération visant à renverser le président Daniel Ortega.
Ce 23 juillet, le conseil d’administration de l’ANPDH a porté plainte contre Leiva pour avoir volé près d’un demi-million de dollars, falsifié des signatures et modifié des rapports financiers.
Gustavo Bermúdez, membre du conseil de l’ANDPPH, a déclaré que parmi les 443 876 dollars reçus par Leiva, un montant de 45 000 dollars en 2017 et un autre de 60 000 dollars en avril 2018 provenaient de la National Endowment for Democracy (NED) dépendant du gouvernement US. Entre 2017 et 2019, Leiva a glané 28 876 dollars de plus à l’Institut National Démocratique (INI) du gouvernement US et encore 310 000 dollars à l’Open Society Foundation du milliardaire anticommuniste George Soros.
Bermúdez est journaliste et notoirement reconnu comme opposé à Ortega et au front sandiniste, ce qui rend ses accusations plus difficiles à rejeter.
De son côté, Leiva se dit «victime d’un complot» supervisé par la «dictature» d’Ortega qui vise à le punir pour son travail en faveur des droits humains. Il a accusé son ancien collègue, Bermúdez, de faire partie d’une “cinquième colonne de personnes sophistiquées qui s’habillent en moutons, mais sont des loups dans la pratique“.
Dans une interview avec Adolfo Pastran, le président de la chambre criminelle de la Cour suprême, Francisco Rosales, a déclaré que les actions présumées de Leiva violaient le Code pénal, la Constitution et la loi contre le terrorisme et le blanchiment d’argent; elles constituaient des crimes poursuivables d’office. “Ce qui a été dit est très grave, ils ont eux-mêmes discrédité ces rapports et confirment qu’ils ont mis des personnes vivantes sur leurs listes de morts“, a déclaré Rosales.
Pastran a expliqué que Leiva pourrait être accusé de blanchiment d’argent par le biais de deux comptes bancaires dans deux banques nicaraguayennes: «Compte tenu de la gravité des plaintes contre Leiva et parce qu’ils avaient salué les rapports de l’ANPDH sur le nombre de morts tout en les partageant à l’international, des journaux, des stations de radio et des chaines de télévision nationales n’ont rien dit sur cette affaire.”
«La Commission interaméricaine des droits de l’homme (CIDH) de l’Organisation des États américains (OEA) n’a pas fait de commentaires. Pourtant, il est désormais prouvé que leurs rapports se basaient sur des informations frauduleuses fournies par l’ANPDH. Il en va de même pour les rapports d’Americas Watch, d’Amnesty International et du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, ce qui indiquerait que tous ces rapports sont erronés. Même certains évêques catholiques qui ont fait des déclarations en utilisant des données de l’ANPDH sont profondément silencieux », relève Pastran.
«Leiva a quitté le Nicaragua en 2018 avec les trésoriers José Luis Rodríguez Reyes et Zaira Gabriela Hernández Espinoza, avec lesquels il a formé une ONG au Costa Rica et avec qui il entend continuer à collecter des fonds», a conclu Bermúdez.
Source originale: The Grayzone
Traduit de l’anglais par Investig’Action
Source: Investig’Action