A la veille d’une très probable intervention militaire contre la Côte
d’Ivoire, afiavi.fr a interrogé deux représentants des deux camps qui,
depuis un mois, revendiquent violemment le pouvoir présidentiel.
Toussaint Alain, Conseiller UE de Laurent Gbagbo et Mamadou
Ouattara, Délégué général du RDR pour le Benelux. Deux visions de
la démocratie et de la souveraineté qui s’affrontent. Au nom du
devenir de la Côte d’Ivoire et de l’Afrique tout entière …
« Pour la Côte d’Ivoire, Gbagbo doit se retirer ! »
Mamadou Ouattara
Délégué général du RDR pour le Benelux
Afiavimag : Une intervention militaire de la Communauté internationale ramènera-t-elle la Côte d’Ivoire sur le chemin de la stabilité politique et démocratique ?
Mamadou Ouattara : Ce n’est pas de gaieté de coeur que nous en appelons à l’usage de la force. Mais il nous faut être réalistes. Si le vote de l’électeur ne peut être respecté autrement qu’en passant par l’épreuve de force militaire, il faudra y s’y résoudre.
Comment jugez-vous la main tendue de Laurent Gbagbo à Alassane Ouattara via sa proposition de créer un « comité d’évaluation international » pour sortir de la crise ?
Comment voulez-vous que je prenne cela si ce n’est comme une énième ruse devant laquelle plus personne ne peut être dupe ? En outre, comment le perdant d’une élection démocratique peut-il « tendre la main » au vainqueur ? Il est temps qu’en Afrique on ait le courage de se dire à soi-même la vérité et de prendre des chemins qui nous permettront d’espérer des lendemains meilleurs. Nous l’avons vu par le passé au Zimbabwe et au Kenya : toutes les compromissions s’inscrivant hors de la vérité démocratique produisent des résultats insatisfaisants qui ne sont pas à la hauteur des attentes. Pour nous, cette proposition de Gbagbo est nulle et non avenue ! Il n’y a d’ailleurs pas de dialogue ou de négociation possible. Pour l’intérêt de la Côte d’Ivoire, de l’Afrique et de la démocratie, Laurent Gbagbo doit se retirer ! Si l’on veut que demain le peuple ivoirien ait le courage de retourner aux urnes, il faut respecter son verdict !
Y a-t-il eu des fraudes dans la Nord du pays lors du second tour de l’élection présidentielle ?
Je ne le crois pas. Dans la mesure où la Commission Électorale Indépendante (CEI) et les différents acteurs chargés de cette élection n’ont pas soulevé de fraudes susceptibles d’entacher le bon déroulement de ce scrutin. De façon globale, je vous réponds par la négative, même si, par ailleurs, ici où là, il a pu se produire des situations regrettables, tels des tentatives de fraudes, des menaces et des assassinats. Il y en a eu sur l’ensemble du territoire et c’est regrettable.
Votre parti n’a donc pas déposé plainte pour fraudes électorales ?
Non. Les irrégularités constatées n’ont pas été de nature à entacher les résultats du scrutin.
Le Conseil Constitutionnel ivoirien (CC) a estimé qu’il y avait eu fraudes au Nord du pays et a annulé ces résultats partiels tout en proclamant la victoire de Laurent Gbagbo. Or, selon l’article 64 nouveau du Code électoral, dans le cas où le CC constate des fraudes, celui-ci doit invalider l’ensemble du scrutin pour le réorganiser dans un délai de 45 jours. Comment expliquez-vous que le CC n’ait pas pris cette décision ?
Vous rentrez dans le vif du problème ! Nos textes sont très clairs. Le Conseil Constitutionnel n’a pas le droit d’annuler une partie des élections. Cette instance peut éventuellement annuler l’ensemble du scrutin, mais cette décision doit être le résultat d’une demande faite par la CEI. Ceci se trouve notamment défini dans l’article 59 du Code électoral : « Dans les 3 jours qui suivent le scrutin, la Commission Électorale Indépendante communique au Conseil Constitutionnel, au représentant du Secrétaire général des Nations-Unies en Côte d’Ivoire et au représentant des facilitateurs, un exemplaire des procès-verbaux accompagné des pièces justificatives ». Cela signifie que si le travail de la CEI est estimé nul, le travail du Conseil Constitutionnel ne peut avoir lieu. En clair, le Conseil Constitutionnel ivoirien n’a pas fait preuve d’indépendance mais sert d’instrument à la conservation antidémocratique du pouvoir par Laurent Gbagbo.
D’un côté, le président du Conseil Constitutionnel serait inféodé à Laurent Gbagbo ; de l’autre, c’est le président de la CEI qui serait manipulé par Alassane Ouattara. Ces deux institutions ivoiriennes sont-elles réellement indépendantes ?
Il suffit d’observer la manière dont chacune d’elle a été mise en place. Le Conseil Constitutionnel est une émanation créée par le seul Laurent Gbagbo. Au contraire, la CEI a été mise en place par l’ensemble des partis politiques, signataires des accords de Marcoussis. Au sein de la CEI, la répartition de représentants a été entérinée avec l’accord de tous et les uns et les autres sont représentés de manière égalitaire (2 par formation politique). Aujourd’hui, ils voudraient faire croire que la CEI est à la botte de l’opposition ? Non ! Il y a un mode opératoire qui est clair. Étant donné l’engagement de la Communauté internationale dans l’organisation de ces élections et l’exacerbation des esprits en Côte d’Ivoire, il a été décidé, de façon unanime, de mettre en place des systèmes qui ne devaient souffrir d’aucune suspicion. Aujourd’hui, les faits nous prouvent que le Conseil Constitutionnel a été créé par Laurent Gbagbo dans le seul objectif de contourner la CEI.
Vos adversaires vous accusent de participer à un complot franco-américain contre la souveraineté de la Côte d’Ivoire. Alassane Ouattara a travaillé pour le FMI et a été marié par l’ex-maire de Neuilly, Nicolas Sarkozy. M. Ouattara est-il l’homme des Américains ?
Alassane Ouattara n’est à la botte de personne ! Que ce soit de la France ou des États-Unis. C’est un homme qui estime qu’il détient des qualités et des compétences à mettre au service de son pays. Raison pour laquelle il abandonné ses fonctions au FMI pour apporter sa contribution au développement à la Côte d’Ivoire. C’est ni la France ni les USA qui l’ont poussé à quitter le FMI pour se présenter aux élections. Pour la Côte d’Ivoire, l’accession légitime de M. Ouattara au pouvoir, c’est la garantie de lendemains meilleurs pour tous les Ivoiriens. Non seulement la souveraineté du pays sera garantie mais je vous assure que, contrairement à d’autres, M. Ouattara ne brigue pas la tête de l’État pour des questions d’argent. S’il cherchait à se remplir les poches, il aurait mieux à faire ailleurs que dans la situation qu’il affronte actuellement … Franchement, les accusations de nos adversaires sont celles de personnes dépourvues d’arguments démocratiques et pertinents.
Compte tenu de la présence de 900 soldats français en Côte d’Ivoire, du passé colonial de la France et de la morve paternaliste du Président Sarkozy, (qui déclarait, en 2007 à Dakar, que « L’homme africain n’est pas entré dans l’Histoire »), la France est-elle bien placée pour jouer les arbitres dans la crise ivoirienne ?
Il est tout à fait humain de vouloir aborder le problème sous cet angle-là. Moi-même, je ne partage pas tous les points de vue de M. Sarkozy. Néanmoins, dans le cas d’espèce, j’estime que Nicolas Sarkozy est plutôt animé par le souci de faire respecter la démocratie. Je ne nie pas la présence militaire française en Côte d’ivoire ni les liens historiques entre nos deux pays, mais, malgré cela, il est important d’envisager le problème actuel sous plusieurs angles. Et l’angle que vous citez ne prédomine pas tout, à tout instant. L’intervention de Nicolas Sarkozy s’inscrit davantage dans une volonté de faire respecter les règles démocratiques que dans une volonté paternaliste. Bien sûr, on peut discuter de l’emploi des termes et de la forme choisie. Mais cela reste secondaire par rapport au fond.
Vu l’engagement franco-américain, vu le passé de l’Afrique et le rôle prédateur des grandes puissances occidentales sur le continent, à qui l’issue de cette crise va-t-elle profiter ? A la société ivoirienne ou à la défense des intérêts occidentaux sur place ?
Je comprends le raisonnement de certains eu égard à l’histoire africaine. Toutefois, il est temps, pour nous Africains, de sortir de cela. Vous savez, il y a cinquante ans, le niveau de vie moyen de l’Afrique était supérieur à celui de l’Asie. Aujourd’hui, le monde n’a d’yeux que pour l’Asie. Pourquoi cette différence de développement ? Parce que les Asiatiques sont parvenus à se sortir de l’infantilisation qui consiste à toujours accuser l’extérieur. Lorsqu’on est confronté à des difficultés, il faut s’asseoir et réfléchir d’abord à sa part de responsabilité. Avant même de chercher à identifier celle des autres. C’est évidemment plus facile d’accuser les autres, mais cela ne résoudra pas nos problèmes. Nous devons nous prendre en charge et cela ne signifie pas rejeter systématiquement ce que les autres pensent. J’ai parfois l’impression que beaucoup d’Africains se sont débarrassés d’un complexe pour tomber dans un autre. Après s’être libérés du complexe d’infériorité, la plupart tombent aujourd’hui dans un complexe réactionnaire. Ni l’un, ni l’autre ne font avancer la cause africaine ! Il nous faut prendre conscience de nos valeurs et de nos limites pour trouver les meilleurs voies et moyens qui feront avancer l’Afrique.
Une guerre en Côte d’Ivoire pourrait déboucher sur une « situation somalienne » et peut-être conduire cette puissance d’Afrique de l’Ouest à devenir un autre foyer du terrorisme …
Personnellement, je ne crois pas à une guerre civile telle que vous l’esquissez. Les Ivoiriens sont fatigués et ne veulent pas d’une guerre ! Ceux qui prétendent soutenir Gbagbo le font parce qu’ils sont manipulés ou n’ont pas le choix. Le moteur de la crise actuelle est le fait d’une minorité instrumentalisée par le pouvoir sortant. La majorité des Ivoiriens veulent vivre en paix.
Au-delà des partis-pris, en appelant une intervention militaire extérieure, vous posez aussi la question de la finalité de l’ONU : facteur de paix mondiale ou garant d’un ordre planétaire au profit de l’Occident ?
L’ONU constitue un moyen visant à ce que le monde aille mieux. J’ose croire que c’est la raison même de son existence. Ce qui lui confère un rôle de premier plan dans la résolution des conflits. Malgré les erreurs commises ici ou là, je ne crois pas au postulat selon lequel les interventions onusiennes relèvent toujours du choix sélectif. Et je me réjouis que, dans le cas de la Côte d’Ivoire, l’ONU, l’UE et la CEDEAO ont compris que la seule solution viable pour une stabilité souveraine de mon pays réside dans le respect des résultats électoraux. C’est ce que les populations nous demandent et c’est la stricte définition de la démocratie.
« S’ils s’engagent dans une aventure militaire, ils perdront ! »
Toussaint Alain
Conseiller UE de Laurent Gbabbo
afiavimag : Au sujet de la Côte d’Ivoire, vous avez déclaré à Bruxelles : « Le coup d’État a échoué ! ». Qu’entendez-vous par là ?
Toussaint Alain : M. Alassane Ouattara est l’auteur du plus long coup d’État de l’histoire du monde. En septembre 2002, avec une bande armée, il a tenté de renverser le pouvoir du président Gbagbo. Ce coup d’état s’est mué en rébellion armée qui a provoqué la partition entre le nord et le sud du Pays. D’accord de paix en accord de paix, de gouvernement de réconciliation nationale en gouvernement de réconciliation nationale, nous sommes arrivés aux élections présidentielles de 2010. Aujourd’hui, nous estimons que M. Ouattara, par sa posture et son comportement, menace la stabilité de la Côte d’Ivoire déjà précaire et l’ensemble de la sous-région Ouest-africaine. Il faut que l’opinion publique européenne comprenne qu’Alassane Ouattara est loin d’être un démocrate. Il est l’opérateur, le sponsor, le bénéficiaire d’une rébellion armée qui a déjà fait plus de 5000 victimes en Côte d’Ivoire. Il faudra qu’un jour ce Monsieur et ses co-acteurs répondent de leurs crimes devant le tribunaux ivoiriens ou internationaux.
La Côte d’Ivoire se prépare-t-elle à affronter une intervention militaire extérieure ?
Je pense qu’il s’agirait d’une initiative totalement suicidaire. Il ne faut pas oublier que la Côte d’Ivoire compte 22 millions d’habitants dont plus de 40 % de ressortissants étrangers, principalement originaires d’Afrique de l’Ouest (Burkina-Faso, Sénégal, Mali, Nigeria, Ghana). S’ils voulaient mettre leurs ressortissants en danger, ces pays africains, qui soutiennent une intervention militaire contre la Côte d’ivoire, ne s’y prendraient pas autrement. Or, il faut choisir la voie de la raison qui est celle de la négociation et de la discussion. La Côte d’ivoire n’a pas engagé une action de belligérance contre ses voisins ou un État étranger. Il s’agit d’un contentieux post-électoral ! S’il fallait faire la guerre à tous les pouvoirs qui se retrouvent dans la même situation que la nôtre, c’est l’Afrique toute entière qui s’embraserait. Le risque d’une guerre déclenchée de l’extérieur n’est pas à exclure, mais nous ne le souhaitons pas.
L’ONU, l’UE, la France, les USA, la CEDEAO et le Nigeria se montrent chaque jour plus décidés à recourir à l’option militaire pour « déloger Laurent Gbabgo » …
S’ils sont décidés, eux, à faire la guerre, nous, nous sommes décidés à faire la paix. Et s’ils s’engagent dans une aventure militaire, ils perdront ! Nous avons aujourd’hui la capacité et les moyens de faire face à ce type de danger. Néanmoins, une aventure militaire aurait de très lourdes conséquences pour tous les acteurs engagés dans un tel processus. C’est l’une des raisons pour lesquelles nous privilégions le dialogue. Par ailleurs, regardons la situation du Nigeria. Ce pays est confronté à de graves troubles intérieurs, des rivalités et affrontements inter-ethniques, des enlèvements de ressortissants européens et américains. Le Nigeria ferait mieux de balayer devant sa porte avant de se lancer dans une aventure guerrière. En conclusion, nous voulons la paix mais si nous sommes contraints à la guerre, nous ne serons pas les perdants …
A la veille d’une éventuelle attaque, la Côte d’Ivoire est-elle soutenue par un ou plusieurs pays dits « émergents » (Chine, Inde, Brésil, etc.) ?
Il suffit d’observer la réunion spéciale portant sur la Côte d’Ivoire qui s’est tenue à la Commission des droits de l’homme à Genève (23 décembre 2010). Et d’examiner ensuite le communiqué final qui en est sorti. Ce qui avait été initialement proposé a été recalé par un certain nombre de pays … C’est tout ce que je peux vous dire. Aux uns et aux autres d’en tirer les interprétations qui conviennent. J’ajouterais que la Côte d’Ivoire est loin d’être seule, en Afrique de l’Ouest, centrale, du Nord et du Sud comme en Europe, également. Nous comptons aussi des alliés en Amérique latine et en Asie. La Côte d’Ivoire a des partenaires raisonnables qui ne sont pas aveuglés par la haine anti-Gbagbo. Cela fait dix ans que l’instabilité perdure dans notre pays ! Et la « Communauté internationale » n’a jamais songé à une intervention militaire ou même à des sanctions contre la rébellion armée afin de faire cesser la partition territoriale. Aujourd’hui, à la faveur d’un contentieux électoral, il s’agirait d’attaquer notre pays avec des troupes étrangères pour, comme vous dites, « déloger Laurent Gbagbo » ? Il serait temps que les grandes puissances se prennent un peu plus au sérieux …
Le dernier rapport de l’ONU sur les violences commises en Côte d’Ivoire fait état de 173 morts, crimes dont les auteurs seraient principalement les partisans de Laurent Gbagbo …
Qui veut noyer son chien l’accuse d’avoir la rage … Je ramène les auteurs de ce rapport à l’ensemble des évènements et violences qui ont eu lieu en Côte d’ Ivoire depuis septembre 2002. Il ne faut pas faire de distinguo entre les morts ; compter les victimes qui seraient le fait d’un camp et oublier celles qui seraient le fait de l’autre camp. Il faut que toutes les violations des droits de l’homme en Côte d’Ivoire soient prises en considération ! Dans cette perspective, ce n’est pas celui qu’on croit qui se retrouvera devant la CPI (Cour Pénale Internationale). M. Ouattara et M. Soro (Premier ministre désigné par Alassane Ouattara, ndlr), les patrons de la rébellion, savent pertinemment qu’ils portent la responsabilité de milliers de crimes dans la zone du Nord qu’ils occupent. S’il y a eu une enquête de l’ONU sur les récents évènements, cela ne peut que nous réjouir. Mais les morts de 2010 ne doivent pas faire oublier ceux des années précédentes. Ceux-ci sont essentiellement le fait d’Alassane Ouattara qui a fait assassiner des milliers de femmes et d’enfants en Côte d’Ivoire …
Vous estimez la Côte d’Ivoire victime d’un « complot international » piloté par la France de Sarkozy. Comment Sarkozy a-t-il pu convaincre Obama, une majorité de dirigeants de l’UE, de l’ONU et de la CEDEAO de se faire « les complices d’un coup d’État » ?
Depuis septembre 2002, date du déclenchement de la rébellion, la France a toujours été à l’initiative de toutes les résolutions concernant la Côte d’Ivoire. Aux Nations-unies, c’est à l’initiative de la France que se tiennent les réunions sur la crise ivoirienne. La France a choisi de soutenir d’autres dirigeants que Laurent Gbagbo. C’est cette logique qui continue, année après année. Aussi longtemps que Gbagbo sera au pouvoir, la France se dressera contre lui. Désormais, par on ne sait quel tour de passe-passe, le pouvoir français est parvenu à embarquer M. Obama dans une aventure guerrière. Il s’agit de protéger des intérêts occidentaux au moment où la Chine, et plus largement l’Asie, fait une percée économique extraordinaire sur le continent africain. Ce qui intéresse la France et les États-Unis, c’est moins la promotion de la démocratie que les ressources pétrolières, minéralogiques de la Côte d’Ivoire et du Golfe de Guinée. Aujourd’hui, pour transporter le pétrole du Golf arabo-persique aux États-Unis, il faut compter trois mois, avec toutes les menaces terroristes qui pèsent sur les tankers. A partir du Golfe de Guinée, le même transport ne prend que trois semaines jusqu’à la Côte Est américaine. Il s’agit d’enjeux géopolitiques et géostratégique. Il y a également la menace d’AQMI (Al-Quaeda Maghreb Islamique) en Afrique du Nord. Compte tenu de cette donnée, les USA ont aussi besoin d’alliés en Afrique de l’Ouest. Mais le président Gbabgo n’a jamais mené d’actions contre les intérêts français et américains. Bien au contraire puisqu’il a permis aux 600 entreprises françaises de renforcer leurs parts de marché sur le territoire ivoirien.
Vos adversaires ivoiriens ont jugé nulle et non avenue la proposition de Laurent Gbagbo visant à créer un « comité d’évaluation international » pour sortir de la crise. Quelle carte vous reste-t-il pour rétablir le dialogue avec le parti d’Alassane Ouattara ?
Je sais que la raison finira par l’emporter. M. Ouattara se retrouvera à une table de négociation avec le Président Gbagbo. Parce qu’il faudra qu’on en revienne à la dimension nationale de la crise. On a créé une crise internationale de façon artificielle avec une substitution d’acteurs. Désormais, les premiers concernés doivent se retrouver. Le président Gbagbo et son épouse, M. Ouattara, M. Soro et M. Bédié doivent se retrouver pour discuter. Je pense que nous arriverons à cela dans une dizaine de jours. Parce que la situation de blocage n’arrange personne ! Ni le Président Gbagbo, ni M. Ouattara, ni ses parrains.
Revenons au « contentieux post-électoral ». Le Conseil Constitutionnel ivoirien (CC) a constaté des fraudes au Nord du pays et a annulé ces résultats partiels tout en proclamant la victoire de Gbagbo. Or, selon l’article 64 nouveau du Code électoral, en cas de fraudes, le CC doit invalider l’ensemble du scrutin pour le réorganiser. Pourquoi le CC n’a-t-il pas pris cette décision ?
C’est un article parmi d’autres. Le Conseil Constitutionnel, la Constitution et le Code électoral ivoiriens prévoient que le candidat qui souhaite introduire un recours, doit le transmettre au CC. Cette instance doit alors se prononcer dans un délai de un à sept jours. Après l’examen des éventuels recours, le CC proclame les résultats définitifs. Dans les deux textes, il y a plus de 70 articles. Chacun fait donc son marché, s’arrête à l’article qui l’arrange de manière opportuniste et ignore les autres articles. En ce qui concerne le traitement et l’annonce des résultats, le CC est saisi de recours dans les délais. C’est ce qui s’est passé à l’issue du second tour. Lorsque le CC a constaté qu’il y avait 2200 P-V trafiqués, il les a écarté, puis a proclamé les résultats …
La CC avait-t-il le droit d’annuler des résultats partiels ?
Parfaitement ! La même décision a d’ailleurs été prise en France lors de l’élection présidentielle opposant Mme Royal à M. Sarkozy. A l’issue du second tour, il y a eu une ou deux circonscriptions françaises pour lesquels les votes ont été annulés. Annulation qui a conduit à recalculer avant proclamation des résultats. Les règles constitutionnelles sont les mêmes entre les deux Républiques. La différence, c’est que l’irrégularité constatée chez nous ne concerne pas une ou deux circonscription mais se retrouve à l’échelle du département, de la ville et de la Région. Il y a eu industrialisation de la fraude. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle l’opposition a refusé le comptage électronique. Les ordinateurs sont paramétrés : si vous avez, par exemple, plus de votants que d’inscrits dans une circonscription, la machine rejette automatiquement les résultats. Or, sur les P-V litigieux de M. Ouattara, c’est ce type d’anomalies qui a été constatée … Pour résumer : la fraude est bizarrement concentrée au Nord du pays et profite à M. Ouattara. Ce dernier, qui a pourtant l’habitude de se plaindre, n’a pas introduit de recours au CC. Y compris contre les résultats exprimés au Sud qui lui sont défavorables. Cela signifie au moins une chose : au Sud du pays, (favorable à Laurent Gbagbo, ndlr), le vote s’est déroulé d’une manière globalement satisfaisante.
Vos adversaires affirment que M. Ouattara n’est pas l’homme des USA. Si vous deviez donner un exemple du contraire, quel serait-il ?
D’abord, la rébellion a été montée et financée depuis Ouagadougou (Burkina-Faso). La Côte d’Ivoire a été coupée en deux et le nord du pays est contrôlé par le Burkina-Faso, puissance étrangère aussi petite soit-elle qui a soutenu le candidat Ouattara. Entre les deux tours du scrutin, M. Ouattara se rend au Sénégal à la convocation du Président Wade ; c’est une preuve supplémentaire. Le président du Nigeria, Jonathan Goodluck, a financé à hauteur d’un milliard de FCFA la campagne électorale de M. Ouattara. L’agitation, l’excitation de l’ONU, des États-Unis et de la France montre bien qu’Alassane Ouattara est le candidat de l’extérieur. C’est un pantin, un instrument dont ils ont besoin pour s’accaparer la Côte d’Ivoire. Il y a tellement de problèmes plus graves dans le monde que le contentieux post-électoral ivoirien qu’il y a de quoi s’étonner de cette subite agitation. La Somalie, le Soudan, le Liban, Gaza et Israël/Palestine n’ont toujours pas trouvé de solutions mais L’ONU n’a rien d’autre à faire que de s’occuper des problèmes post-électoraux en Côte d’Ivoire ? Cette Institution invente des charniers, crée la psychose, communique autour d’une future guerre civile … Soyons sérieux : Alassane Ouattara est un agent américain au service d’intérêts étrangers !
Au-delà des partis-pris, la crise ivoirienne réactive une question centrale : après le cinquantenaire des indépendances africaines, ce continent est-il réellement libre et indépendant ?
Tout le monde sait qu’aujourd’hui l’Afrique n’est pas libre … La plupart des pays africains ont à leur tête des dirigeants cornaqués par les capitales occidentales. Ce sont des présidents aux ordres ; leur politique est essentiellement menée dans le but d’appauvrir les africains et d’enrichir les grandes puissances occidentales. Cette question des indépendances est effectivement centrale et ce qui se passe en Côte d’Ivoire, sans doute déterminant pour le futur de l’Afrique. C’est pour cela que nous souhaitons que ce conflit se résolve dans la paix. L’époque des Africains qui vendaient d’autres africains à des puissances négrières ne doit pas se renouveler. Lorsqu’on évoque la possibilité que le Nigeria, aidé de mercenaires burkinabé, sénégalais et togolais, attaque la Côte d’Ivoire pour rétablir je ne sais quel « président élu », on en revient aux souvenirs des temps anciens, de la trahison africaine dans la Traite négrière. Cette lutte pour une véritable indépendance doit s’amplifier et s’intensifier. De manière pacifique, par le débat d’idées et la confrontation des concepts. Kwamé N’Krumah, Patrice Lumumba, Sekou Touré et d’autres n’ont pas vécu et lutté en vain ! Le Président Gbagbo est dans la lignée de ces pères fondateurs de l’Afrique. A la lumière de ce que nous vivons aujourd’hui, nous comprenons mieux ce que l’Occident a appelé « la sagesse de Félix-Houphouët Boigny » (premier Président de la Cote d’Ivoire, décédé en 1993, ndlr). Houphouët était prisonnier du système de la Françafrique. Il avait le choix entre vivre et diriger son pays sans déplaire ou être assassiné et provoquer une guerre civile. Cette « sagesse », c’est d’être soumis et docile. Lorsqu’on ne choisit pas cette option, souhaitée par le maître blanc, on devient un « xénophobe », un « va-t-en guerre » et un « fraudeur d’élections ». Laurent Gbagbo est un patriote et un panafricain authentique qui a choisi la liberté contre l’asservissement. A Abidjan, la France aurait voulu un petit-commis de Paris, au service de ses ambitions. Le Président Gbagbo, lui, est un chef d’État, fût-il d’un pays qui n’a pas voix au chapitre concernant les résolutions prises au Conseil de sécurité des Nations-Unies.
Propos recueillis par Olivier Mukuna
Source: afiavi
Url de l'article : http://www.investigaction.net/Minuit-moins-cinq-en-Cote-d-Ivoire.html
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