Mélodie d’une Palestinienne en errance

Dans le chaos des ruines et des larmes
Elle découvre son héritage, sa flamme
Réaffirme sans crainte cette identité
Que le colon a voulu effacer
Ahmed Bissan incarne une génération née en exil
Dont le droit au retour, ne saura
Quelles que soient les générations qui passent
Être nié ou mis en péril
De la Palestine éternelle dorénavant elle se réclame

Avant l’explosion et la destruction de notre maison en Syrie par Israël

Je réfléchissais à ce que cela signifiait d’être Palestinienne

Mais après cet événement

J’ai réalisé que j’avais encore cette identité dans mon abécédaire

Que je suis maintenant sur un déluge

Et que le déluge abécédaire est à un tournant

Voici ses lettres

J’extrapole cette identité de la tragédie de la Palestine

À la tragédie d’être née en Syrie

Je l’épelle dans la poussière

Notre maison

Les blessures de mon frère

Le courage de mon mari, qui, lui aussi a vécu une demi-heure et un siècle

Avant qu’il n’atteigne notre maison en ruine

Et l’appel, depuis l’Europe, de mes frères

Pour que l’on descende immédiatement

Soit aux funérailles du martyr Wissam

Soit que l’on emmène son corps

Ensanglanté

Entre la vie et la mort

Mais le plus souvent dans l’icône de la mort

À n’importe quel hôpital

Avant ce jour

Je ne savais pas que j’étais d’origine palestinienne

Par l’Histoire, l’encre et l’appartenance

Mais j’étais loin du prix du déracinement

Maintenant

Je sais parfaitement

Ce qu’est la brûlure des oliviers

Quand ils sont déracinés

Et celle des sans-abris

Quand ils deviennent des réfugiés dans leur propre patrie

Et je remercie tous ceux qui m’ont donné

Le sentiment que leur toit était le mien

Des centaines de toits

Qui me couvraient et l’entièreté du ciel

Des avions traîtres

Des bombes thermobariques

De la fumée

Et du carrosse de la déception

Ce matin-là

Mon père immortel a été assassiné

Toile peinte par toile peinte

Devant les yeux de l’Histoire

Et ma mère

Qui avait quitté Tibériade en 1948

La veille de sa destruction et de son occupation

A été assassinée

Elle croyait avoir échappé

Et survécu à la dévastation

Et n’imaginait pas

Qu’elle serait tuée par le même ennemi

Près d’une décennie après sa mort

Je le suis maintenant

Je connais un nouvel orphelin

Je sais ce que c’est que d’être la fille de martyrs

Dont les lamentations ne parviennent pas

Aux journaux officiels aveugles

Et dont les posters réconfortants

Ne se retrouvent pas sur les murs des camps

Ne sois pas triste, mon père

Que ton musée

Pour lequel toi et ma mère avez travaillé dur à bâtir

Cinquante ans durant

Dans l’espoir que le monde le visiterait

Soit réduit en poussière

Crois-moi

Ces décombres sont ton véritable musée

Qui a fait tomber le masque de l’ennemi israélien le plus laid

Le monde, ce musée l’a bouleversé

À travers toutes les chaînes d’information internationales et les journaux arabes

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Ne sois pas triste mon cher

Père

Notre musée n’est ni une toile peinte

Ni une statue de Bouddha

Ni une cheminée

Ni-même une peinture d’Antara

Ce protecteur de la tribu que tu as peint

Sur une fenêtre qui fût ensuite à jamais brisée

Par les balles de Shaddad sur le champ de bataille

C’est ton fils, que tu n’espérais plus voir naître

Après ta mort

Solide

Comme ton nom

Il n’est plus l’homme qui pleure s’il se coupe le doigt

C’est devenu un héros comme toi

Il est sorti en rampant, sans larme, de sous les décombres de sa chambre

Il a rampé sur les débris de sa fenêtre

Et escaladé la colline de débris dans notre jardin jusqu’à la clôture en miette

Akka et s’est jeté dans l’abîme

C’est ton fils

Qui a toujours été critiqué

Dans la tendresse de sa semence

Dont la voix est faible et le corps amaigri

Il ne se ressemble plus du tout

Il est devenu l’un des pions de ta rosée noire du matin

Et ta fille ne crie plus

N’écrit plus de poésie

Qu’avec le sang de ses outils

Les cendres de ses ruines

La fierté du forgeron

L’héroïsme de Ziad

Vos filles n’appartiennent plus

À une capitale occidentale

Elles appartiennent

À la Palestine exilée

Elle n’est plus « Reem à la recherche d’un cerf dans les prairies »1

Elle est devenue ce cerf qui ne se perdra pas

Et « L’aube est calme ici »

Ma sœur Down qui incarne les matins de Russie

Avec le calme de la sagesse après les massacres

Elle cherche avec moi

La continuité de nos vies

Malgré le bruit des funérailles

Des tombes miséricordieuses

Pour les martyrs tombés pour la Palestine

Oui

J’ai perdu pour toujours mon passeport belge sous les décombres

Et l’ambassade de Belgique

Quel que soit le nombre interminable de fois où elle le rééditera

Ne pourra pas en refaire une identité

Pas après ce qu’il s’est passé

Je suis une Palestinienne

D’une immigration à l’autre

D’une catastrophe à l’autre

Jusqu’à la victoire

Et jusqu’au retour

Dans le giron de notre pays

De notre quartier

De nos oliviers

De Gaza

Et de Jénine

C’est la Palestine

Ou la Palestine

1 Reem à la recherche d’un cerf dans les prairies – poème de mon père


Source : Investig’Action

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