A woman shows her ration card in Havana, on October 9, 2023. - Cuban experts have warned of the risk of food insecurity on the socialist island, whose government distributes much of the food at subsidized prices through rationing mechanisms for the 11 million Cubans. (Photo by Yamil LAGE / AFP)AFP

Les États-Unis condamnent les Cubains à la famine

Pas étonnant que les États-Unis soutiennent Israël dans son blocus illégal de Gaza. Ils font la même chose avec Cuba depuis longtemps ! Si pour les Palestiniens, l’étau a pris la forme d’un véritable siège meurtrier, le blocus que subit l’île des Caraïbes reste particulièrement ravageur, comme l’explique W.T. Whitney Jr. Sans faire de bruit, Washington est en train d’affamer les Cubains.

Le blocus économique imposé par les États-Unis à Cuba favorise les pénuries alimentaires et met des vies en danger. Le public américain doit connaître, comprendre et rejeter ce blocus, son fonctionnement et son impact. Ce n’est pas une mince affaire. Le blocus se déroule automatiquement et silencieusement ; la souffrance humaine est cachée.

Les embargos économiques sont une forme de guerre, écrit le commentateur Nicholas Mulder, qui ajoute qu’« il est peu probable que les électeurs du pays qui impose les sanctions observent ou comprennent l’intégralité des coûts des sanctions sur les citoyens ordinaires à l’étranger ».

Les victimes non combattantes de la guerre menée par les États-Unis à Gaza sont pleinement exposées au danger et c’est le gouvernement américain qui  fournit les grosses armes. Les différences d’ampleur et d’immédiateté distinguent leur sort de celui des Cubains, dont l’approvisionnement en nourriture et autres produits de première nécessité est précaire.

Néanmoins, un principe commun prévaut dans les deux cas : soumettre des populations non combattantes à un danger potentiellement mortel, dans des conditions de guerre, frise le comportement criminel. C’est une raison suffisante pour imposer la fin du blocus économique américain contre Cuba.

Pas par hasard

Le blocus favorise les pénuries alimentaires. Le député du New Jersey, Robert Torricelli, a présenté la loi sur la démocratie cubaine en 1992. Le bloc soviétique s’était effondré. Cuba avait perdu 80 % de son commerce et était vulnérable. Le gouvernement américain cherchait à achever la révolution cubaine.

La loi interdit aux exportateurs étrangers affiliés à des sociétés américaines d’expédier des produits alimentaires et autres marchandises à Cuba. Des pénalités s’appliquent. Torricelli a expliqué qu’il faut « garder le pied sur le serpent, ne pas lâcher prise ».

Les entreprises exportaient auparavant pour près de 500 millions de dollars de produits alimentaires vers Cuba chaque année. La législation, toujours en vigueur, interdit aux navires d’entrer dans les ports américains pendant six mois après avoir visité un port cubain. L’effet a été d’augmenter les prix d’expédition.

En 2000, la législation américaine autorisait les exportations de produits agricoles américains vers Cuba. Les paiements se font uniquement en espèces – pas de crédits. Les frais de transport sont élevés, car les produits alimentaires doivent être transportés sur des navires américains et reviennent vides. Les exportations alimentaires américaines vers Cuba ont culminé en 2008 et ont chuté depuis.

Le blocus américain restreint les services financiers fournis par les banques et prêteurs internationaux. Sous la pression américaine, ils ne prêtent pas d’argent à Cuba et ne manipulent pas de dollars américains dans les transactions impliquant Cuba. La législation qui autorise les présidents américains à désigner d’autres pays comme sponsors du terrorisme intègre ces interdictions, assorties de sanctions.

Cuba, en tant que pays prétendu – à tort – parrainant le terrorisme, manque de crédit et souvent d’argent pour payer les importations alimentaires et développer le potentiel agricole de l’île. Cuba doit dépenser 4 milliards de dollars par an pour importer 80 % de la nourriture qu’elle consomme.

Le blocus américain provoque des pénuries qui entravent la production alimentaire. Les pénuries de carburant entravent le transport des marchandises et le fonctionnement des machines. Il y a des pénuries d’engrais, d’herbicides, de pesticides, de semences, de pièces de rechange, de nouveaux équipements, de fournitures vétérinaires, de matériel d’irrigation, de nouveaux reproducteurs et de céréales utilisées pour fabriquer des aliments pour animaux. Les limitations imposées par les États-Unis aux transferts de fonds que les Cubains-Américains envoient à leurs familles à Cuba ont interféré avec les achats de nourriture et les dépenses consacrées aux projets agricoles.

Une comparaison de la production agricole à Cuba et en République dominicaine suggère que les pénuries alimentaires sont principalement dues au blocus américain. La République dominicaine n’est pas soumise à un tel blocus. En 2021, le total de la nourriture qui y a été produite dépassait de 35,7 % le rendement de la « meilleure moyenne historique » de Cuba. Pourtant, la superficie agricole de la République dominicaine ne représente que 25 % du total de Cuba.

Certaines difficultés affectant la production agricole résultent de causes extérieures au blocus : inflation croissante ; la corruption intérieure, le vol et la spéculation monétaire ; et les pénuries de devises étrangères dues à la réduction du tourisme pendant la pandémie de Covid-19 et par la suite. Les prix élevés des denrées alimentaires et les effets du changement climatique sont des phénomènes mondiaux qui affectent la disponibilité alimentaire à Cuba.

Le gouvernement cubain n’a pas réussi à convertir les terres inutilisées de l’île en terres agricoles productives. Et peu de jeunes Cubains sont attirés par l’agriculture ; seulement 15 % des Cubains vivent à la campagne.

Des étagères vides

Interviewé récemment, le ministre de l’Agriculture, Ydael Jesús Pérez Brito, souligne que le secteur agricole n’a obtenu que 40 % du carburant diesel dont il a besoin, 4 % des engrais nécessaires et 20 % des aliments indispensables au bétail.

Il rapporte que la production porcine est passée de près de 200 000 tonnes en 2017 à 16 500 tonnes en 2022, en partie à cause de la disponibilité de seulement 14 % du carburant nécessaire. Les riziculteurs produisent 10 % des niveaux de production récemment atteints. La production actuelle de haricots et de maïs représente respectivement 9% et 30% des rendements de 2016.

Manuel Sobrino Martínez, ministre de l’Industrie alimentaire, indique que l’industrie alimentaire en général, et celle du lait en particulier, a chuté sur trois ans à 50% de sa capacité. Il décrit une baisse de 46 % sur un an du lait reçu pour être transformé en lait en poudre, et rapporte qu’une tonne de lait coûte désormais 4 508 dollars, contre 3 150 dollars en 2019.

La disponibilité d’huile de cuisson a diminué de 44 % en un an ; son coût est passé de 880 dollars la tonne en 2019 à 1 606 dollars aujourd’hui. La transformation du blé est à moitié de sa capacité. L’activité de pêche a chuté de 23 % depuis 2022 ; 60 bateaux ne fonctionnent pas parce que les moteurs sont chers et que les fournisseurs refusent de vendre ou exigent des devises. Le ministre a déclaré qu’il devait choisir entre « du lait en poudre, ou du blé, ou des moteurs ».

L’essentiel, selon un observateur, est qu’« en raison des faibles rendements agricoles, la production alimentaire totale en 2022 est tombée à 26 % [de la nourriture produite] en 2019 ».

Le président cubain Miguel M. Díaz-Canel a récemment déclaré à un journaliste : « Ils nous ont mis dans une situation de pression maximale, d’asphyxie économique pour provoquer l’effondrement de la Révolution, pour briser l’unité entre la direction et le peuple, pour anéantir l’œuvre de la Révolution. »

La production est faible, a-t-il souligné, et « le problème fondamental du pays est le manque de devises étrangères ». Díaz-Canel a rajouté : « On doit profiter  des possibilités dont nous disposons en tant qu’État socialiste pour planifier et distribuer les ressources disponibles afin de donner la priorité à la production qui pourrait nous offrir plus de possibilités, et aussi pour protéger les personnes qui pourraient se trouver dans une situation de détresse sociale ».

La sombre réalité, dont l’insuffisance alimentaire n’est qu’un aspect, démontre que le moment est venu d’agir et de transmettre des messages suffisamment forts pour mettre enfin fin au blocus américain. La souffrance et la détresse aux mains des États-Unis provoquent le dégoût, tout comme la complicité des États-Unis dans les attaques contre les hôpitaux de Gaza et les meurtres des non-combattants.

Un élément clé de la détresse des Cubains est le manque de devises et de crédit. Le président Biden n’a qu’à retirer Cuba de la liste américaine des pays parrainant le terrorisme pour leur fournir une aide humanitaire et restaurer une certaine liberté d’action au gouvernement cubain. Un assouplissement des conditions de vie actuelles entraînerait sûrement une diminution du nombre de migrants cubains se dirigeant vers les États-Unis.

Si le gouvernement américain vivait en paix avec Cuba, cela ne violerait guère les principes de base pour faire la guerre. Ce serait le cas si les États-Unis s’opposaient à la guerre d’Israël à Gaza : cela perturberait le respect de la mémoire historique de l’allié israélien, les profits des fabricants d’armes américains et le soutien apporté à Israël en tant que de tête de pont US pour le contrôle régional.

Que perdraient les dirigeants américains en abandonnant le blocus ? Rien de plus que la gratification politique que leur procure leur lutte contre le communisme et leur opposition aux efforts de Cuba pour réorganiser l’arrière-cour US de l’Amérique latine et des Caraïbes.


Source originale : Counter Punch
Traduit de l’anglais par Nora Yata (essayiste et traductrice québécoise) pour Investig’Action

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