L’Europe étant toujours sous l’emprise de la crise, la question de l’asile et de la migration tombe dans l’oubli. Un des groupes qui en souffre le plus est celui des demandeurs d’asile. Un portrait.
Les cicatrices de la migration
Jamal Jaoudi a 20 ans. A onze ans il décide de chercher son bonheur à l’étranger. Enfant il ne supportait plus la situation de pauvreté dans laquelle il se trouvait. Un jour, il se cache en dessous d’un camion en route pour l’Occident. Il passe les cinq premières années dans les rues d’Espagne vivant de petit boulot pour survivre.
Au plus fort de la crise, en 2008 en Espagne, il tente sa chance ailleurs. A seize ans Jamal arrive en Belgique avec un grand espoir d’améliorer sa qualité de vie. Un faux espoir.
Le 8 mars 2012 après 55 jours de grève de la faim, il décide de prendre une aiguille et de coudre sa bouche. Fatigué, il n’a plus de mots et cet acte est son dernier recours pour attirer l’attention sur la situation inhumaine dans laquelle il se trouve, et plein d’autres également.
Avant de coudre sa bouche il a écrit une lettre dans laquelle il demande un permis de séjour d’un an et un permis de travail C pour pouvoir travailler légalement dans notre pays. Après avoir vécu presque dix ans dans la rue, il en a assez. Jamal a écrit dans sa lettre: “Nous ne voulons plus vivre dans la rue sans objectif. Nous sommes des personnes, pas des animaux. Nous sommes 23 êtres humains qui souffrent et qui continuent à souffrir. Je pense que c’est injuste, cause pour laquelle j’ai décide de coudre ma bouche. Nous demandons le droit de vivre en dignité et la reconnaissance en tant que être humain.”
Après 60 jours de grève de la faim ils n’ont vu ni entendu les autorités responsables de notre pays.
Où sont tous ces organisations qui prétendent défendre les droits des demandeurs d’asile et/ou les droits de l’homme? Et surtout où est la secrétaire d’état responsable, Maggie De Block?
Dernièrement la secrétaire d’Etat a laissé savoir par un bref message “ne pas vouloir agir en dehors de la loi”.
Mais quelles lois madame De Block? Vous ne parlez sûrement pas des lois internationales, ni européennes, car vous êtes entrain de les violer. Au cours des derniers mois la Belgique a été condamnée à plusieurs reprises par l’Europe pour la violation des droits de l’homme. Les demandeurs d’asile dans notre pays se font traiter comme de la racaille.
Aujourd’hui vous misez sur la politique du rapatriement. Parfait, mais comment allez-vous réaliser cela si vous n’investissez pas sur l’accompagnement et l’accueil des demandeurs d’asile? Le rapatriement doit être préparé n’est-ce pas? Lors du contrôle budgétaire vous avez reçu des fonds pour garder les abris de secours ouverts plus longtemps. Parfait, mais ceci ne sont que des solutions temporaires, pas structurelles. Tandis que vous parlez de mesures structurelles.
Vous avez démontré dans votre note sur l’asile et l’immigration ne pas avoir de vision sur ce thème. Je trouve cela inquiétant car votre boulot est d’une importance vitale pour des milliers de personnes qui résident dans notre pays, et pour ceux qui vont encore arriver ici.
Pour gérer l’asile et l’immigration il faut quelqu’un de compétent qui connait la matière. Surtout quand on sait que le cœur du problème se trouve dans le fait que notre politique d’asile est inhumaine et injuste.
Il nous faut une politique d’asile et d’immigration humaine et juste pour toutes les femmes et tous les hommes qui se trouvent sur notre territoire aujourd’hui. Le gouvernement est compétent pour prendre cette responsabilité, et les organisations et d’autres autorités peuvent fournir du soutien.
Plaider pour une politique d’asile humaine ne veut pas dire: ‘Venez, vous êtes tous les bienvenus ici.’ Ceci est une ridiculisation du débat qui démontre qu’en ce moment une seule pensée domine: celle de la répression et de l’exclusion des demandeurs d’asile. En conséquence notre pays a réussi à mettre 11 000 demandeurs d’asile dans la rue ces deux dernières années.
‘Avoir le droit à une vie digne et la reconnaissance qu’on est des humains’ est ce que demande Jamal. Il en a le droit. Espérons qu’il l’aura avant qu’il ne soit trop tard. Et au cas où il serait trop tard, c’est vous madame De Block en tant que secrétaire d’état à l’asile et l’immigration qui en serez la responsable principale. Aujourd’hui vous êtes déjà responsable des cicatrices qu’il portera pour le reste de sa vie.
Addendum: Le dimanche 18/03/12, après 66 jours de grève, Jamal Jaoudi a décidé d'arrêter sucre,sel et thé. Il ne boit que de l'eau.
Bleri Lleshi est philosophe politique
Traduction du néerlandais par Yuri De Belder
Source photo: VTM