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Leçons de Kidal : l’impérialisme français constituait le bouchon

Le 14 novembre 2023, le chef d’État du Mali le colonel Assimi Goïta a fait cette annonce solennelle : « Mes chers compatriotes…Aujourd’hui, nos forces armées et de sécurité se sont emparées de Kidal. Notre mission n’est pas achevée, je rappelle qu’elle consiste à recouvrer et à sécuriser l’intégrité du territoire sans exclusive aucune, conformément aux Résolutions du Conseil de sécurité. »

Cette nouvelle a été accueillie au Mali et dans toute l’Afrique comme un véritable soulagement. Si elle n’est pas l’épilogue d’une histoire, la prise de Kidal constitue un tournant capital dans la lutte des peuples africains contre la domination impérialiste française. Pour en saisir la signification et la portée, il faut partir de l’origine de ce qui a amené la crise que traverse le Mali et toute la région ouest-africaine depuis 2012.

1- Tout commence avec le renversement et l’assassinat du colonel Kadhafi le 20 octobre 2011 par la coalition des USA, du Royaume Uni, de la France de Sarkozy sous le couvert d’une résolution de l’ONU que l’on sait à leurs bottes. A part quelques forces des unités spéciales et le commando envoyé au sol pour tuer le colonel, l’essentiel des combats étaient les bombardements aériens. Craignant les combats au sol et les pertes en vies humaines que cela pouvait causer, les assassins du colonel Kadhafi ont fait un deal avec des éléments de sa garde prétorienne composée de Touaregs originaires du Sahel : Celui-ci consistait à éviter de combattre les troupes d’agression contre la promesse de se retirer au Sahel avec tout le matériel militaire afin que la France les aide à créer un Etat dans le nord du Mali.

2- En effet, par cette promesse, la France renoue avec un de ses vieux rêves de création d’un Etat Sahélien lui permettant de contrôler toutes les richesses minières de cette région à cheval sur l’Algérie, le Mali, le Niger et le Burkina Faso. Ainsi après leur retour au Mali, les rebelles du MNLA (Mouvement de Libération de l’AZAWAD) s’emparent de Kidal le 30 mars 2012, et chassent l’armée malienne. Le 6 avril 2012, l’Etat de l’AZAWAD est proclamé non pas au Sahel, mais devant l’Assemblée Nationale française à Paris. Très vite, les rebelles prennent Gao et Tombouctou qu’ils considèrent comme appartenant à l’AZAWAD.

3- Face à cette situation, le gouvernement malien demande à la France, selon les accords militaires qui lient les deux pays, de lui fournir un appui aérien pour contrer les rebelles. Au lieu de l’appui aérien demandé, le gouvernement français de François Hollande modifie la demande et y ajoute un appui terrestre. Le 11 janvier 2013, sous le prétexte que les rebelles marchaient sur Bamako, l’armée française débarque au Mali avec près de 4000 hommes dans une opération appelée Serval. Plus tard, on saura que cette marche des rebelles sur Bamako était une invention du gouvernement français pour venir protéger ses créatures du MNLA et autres.

4- Lorsqu’après la conquête des principales villes du pays, l’armée malienne s’est trouvée aux portes de Kidal, l’armée française l’a empêchée d’y entrer, protégeant ainsi, les rebelles et tous les groupes terroristes qui s’y étaient retranchés. C’est à partir de là que sous parapluie français, la ville de Kidal est devenue le centre incubateur et producteur pour tout le Sahel, des terroristes qui se sont répandus au Mali, au Niger, au Burkina Faso, en Côte-d’Ivoire, au Nigéria et au Bénin. Toutes les opérations militaires, Serval (4000 hommes), TAKUBA (900) Barkhane (5000) MINUSMA (15.000) serviront pendant près de 10 ans à entretenir la partition du Mali et à déstabiliser les pays de la région. Tout ceci avait pour objectif, de les rendre plus dépendants vis à vis de la France et de ses amis de l’OTAN.

5- Cette situation va continuer jusqu’à la prise de pouvoir au Mali par un groupe de militaires le 21 mai 2021, fatigués de vivre les humiliations permanentes de la part des groupes terroristes et de leurs sponsors français et Onusiens. Notons par exemple que pour faire décoller leurs avions, les militaires maliens avaient besoin de l’autorisation des troupes françaises, qui naturellement la leur refusaient s’il s’agissait d’aller affronter des groupes terroristes sous leur coupe. Sans compter le fait que les responsables politiques français ne cessaient de cracher sur l’armée malienne taxée d’incapable etc. alors que la France serait venue faire le travail à sa place.

6- Le 2 mai 2022, soit un an après leur prise de pouvoir, les militaires maliens exigent le départ des troupes françaises qui se replieront sur le Niger. Chassées après du Niger et du Burkina Faso, les troupes françaises continueront à exercer leur influence dans le Sahel à travers la MINUSMA, une de ses créations. Quand, par la résolution 2690 de l’ONU, le Mali a obtenu le départ de la MINUSMA de son territoire, on a assisté en moins de trois à quatre mois à un basculement complet de la situation sur le terrain, pour aboutir à la grande victoire qu’a constitué la reprise de Kidal par les forces armées militaires du Mali.

7- Ce que les forces armées françaises, de l’OTAN, de l’ONU, n’ont pas pu faire en dix ans, l’armée malienne l’a fait en moins de deux ans. Pour la France, c’est un échec cuisant et un coup fatal porté à sa domination sur le continent africain. Il ne faut pas oublier que le 11 octobre 2023, Sébastien LECORNU, ministre des armées de France déclarait devant une commission du Sénat français, que le départ des troupes de la MINUSMA du nord du Mali, allait entrainer une terrible guerre civile et peut-être la partition du Mali. Ce ministre dévoilait ainsi les plans de l’impérialisme français. Macron, quant à lui, clamait que les dirigeants maliens, nigériens ne voulaient pas lutter contre le terrorisme. La libération de Kidal, porte ainsi un coup sérieux aux divers plans de l’impérialisme français qui voyait déjà la naissance d’un califat islamique au Sahel après son départ et celui de la MINUSMA.

8- La rapidité de la chute de Kidal après le départ des troupes françaises et de la MINUSMA prouve de façon éloquente que c’est la France qui avec ses troupes, entretenait et nourrissait les terroristes. Elle vient valider la décision des autorités du Burkina Faso et du Niger de chasser les troupes françaises de leur territoire. Elle indique aux peuples africains et surtout ceux des anciennes colonies françaises qu’ils doivent s’engager de façon hardie dans leur pays respectif dans la lutte pour en finir avec la France et ses agents. Le peuple béninois doit se mobiliser de toutes ses forces pour chasser les troupes françaises de son sol.

9- Pour ceux qui évoquent l’aide que d’autres puissances comme la Russie et la Turquie ont apporté aux forces militaires maliennes et qui pensent qu’on ne peut pas s’appuyer sur un impérialisme pour en combattre un autre, ou ils sont naïfs, ou ils sont des agents inconscients ou conscients de l’impérialisme français au Mali et dans leur pays. L’anti-impérialiste qui ne sait pas tenir compte des contradictions inter- impérialistes qui agitent le monde à la veille d’une troisième guerre mondiale qui s’annonce et qui ne sait pas les exploiter pour combattre l’impérialiste dominant dans son pays est perdu pour la cause révolutionnaire. Le problème qui se pose c’est de ne pas remplacer dans son pays, un impérialisme par un autre. La tâche, c’est d’élever, dans le combat contre l’impérialiste dominant, la conscience anti-impérialiste pour ne plus tomber sous domination impérialiste.

10- La chute de Kidal indique et confirme à nos peuples des ex-colonies françaises d’Afrique, que pour s’engager dans un véritable processus d’épanouissement, l’impérialisme français en est le bouchon qu’il faut absolument sauter pour avancer.


Source : La Flamme du 17 Nov. 2023, Cotonou, Rép. du Bénin.

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