US Secretary of State Antony Blinken, with Haitian Prime Minister Ariel Henry (C) and US Ambassador to the United Nations Linda Thomas-Greenfield (L), addresses diplomats during a meeting on the security situation in Haiti, on the sidelines of the 78th UN General Assembly in New York City on September 22, 2023. (Photo by BING GUAN / POOL / AFP)AFP

Le Premier ministre haïtien démissionne et les mouvements populaires rejettent toute intervention étrangère

Le Premier ministre haïtien a annoncé sa démission lundi 11 mars. Elle était réclamée depuis longtemps par les mouvements populaires dans le pays. Mais elle intervient dans un contexte de recrudescence de la violence entre les forces de sécurité et les groupes paramilitaires. Une chose est sûre : des interventions étrangères n’apporteront pas la solution, elles font partie du problème.

Ariel Henry, Premier ministre et président par intérim d’Haïti depuis juillet 2021, a démissionné de son poste lundi 11 mars. Sa démission a été annoncée le jour même par Irfaan Ali, président guyanais et président de la CARICOM (Communauté des Caraïbes), lors d’une conférence de presse à Kingston, en Jamaïque. Ali a également annoncé qu’un “accord de gouvernance transitoire” avait été conclu afin de rétablir “l’État de droit” et d’assurer une transition pacifique du pouvoir, la sécurité et la tenue d’éventuelles élections.

Cette annonce faisait suite à une réunion d’urgence sur la “crise multidimensionnelle en Haïti”. La réunion était organisée par la CARICOM avec la participation de “parties prenantes haïtiennes” et de “partenaires internationaux du développement”, à savoir des représentants du Brésil, du Canada, de la France, du Mexique, des Nations unies et des États-Unis, ces derniers étant représentés par le secrétaire d’État Antony Blinken. Les parties ont établi une feuille de route pour la mise en place d’un Conseil présidentiel de transition et la nomination éventuelle d’un Premier ministre intérimaire.

La réunion a été convoquée au milieu d’une nouvelle flambée de violence dans le pays au cours de laquelle des groupes criminels ont tenté de s’emparer de l’aéroport international Toussaint Louverture dans la capitale Port-au-Prince. Des milliers de prisonniers se sont également évadés.

Henry avait quitté le pays pour se rendre au Kenya le 29 février. Il souhaitait relancer l’engagement du pays d’Afrique de l’Est d’envoyer un millier de policiers pour diriger la mission multinationale de soutien à la sécurité (MSS) soutenue par les États-Unis. Toutefois, Henry n’a pas pu rentrer au pays en raison de la tentative de prise de contrôle de l’aéroport et des appels de plus en plus nombreux à sa démission immédiate lancés par divers groupes haïtiens.

La démission de Henry est revendiquée depuis longtemps par divers partis et organisations d’opposition dans le pays. Ils soutiennent que son mandat est illégitime. En effet, Henry a pris le pouvoir à la suite de l’assassinat du président de facto Jovenel Moïse, avec le soutien des mêmes puissances étrangères qui aujourd’hui approuvent sa démission. Au moment de son assassinat, Jovenel Moïse avait déjà dépassé de cinq mois la limite constitutionnelle de son mandat et prévoyait d’organiser un référendum constitutionnel largement contesté. Moïse avait alors été confronté à plusieurs vagues de protestations populaires massives qui exigeaient sa démission. Les manifestants demandaient également qu’une voie vers le rétablissement de l’ordre démocratique soit tracée par les divers secteurs de la société haïtienne et les groupes politiques.

Pendant les presque trois années où Henry a été au pouvoir, peu d’efforts ont été faits pour répondre aux demandes de démocratisation d’Haïti et à la mise en œuvre de l’Accord de Montana.

En août 2021, 418 organisations de la société civile, 105 mouvements populaires, 85 partis et groupes politiques et 313 personnalités de divers horizons ont conclu un accord connu sous le nom d’Accord de Montana. L’accord a été rédigé pour tenter de trouver – avec la participation de divers secteurs de la société – une solution aux crises auxquelles Haïti est confronté. Les organisations étaient parvenues à un consensus sur la mise en place d’un nouveau gouvernement de transition, chargé de diriger le pays pendant une période de deux ans, de renforcer les institutions de l’État, de mener des procès contre les détourneurs de fonds publics et, à la fin de la période, d’organiser des élections pour le prochain gouvernement.

Comme le décrit l’Assemblée des peuples des Caraïbes, une plateforme de mouvements et de partis de toutes les Caraïbes, l’Accord est “basé sur une solution haïtienne à la crise haïtienne” et “bénéficie du soutien de centaines d’organisations haïtiennes – mouvements sociaux, organisations de la société civile et partis politiques – ainsi que d’éminentes personnalités“.

Alors que la crise en Haïti s’intensifie, les mouvements avertissent que l’intervention étrangère n’est pas la solution. Elle a plutôt été la cause des nombreuses crises auxquelles les Haïtiens sont confrontés aujourd’hui.

L’Assemblée des peuples des Caraïbes demande “qu’il n’y ait pas d’intervention militaire étrangère en Haïti. Nous affirmons que la seule façon d’avancer est de permettre au peuple haïtien de mettre en place un gouvernement de transition, comme le propose l’accord de Montana“.


Source originale : Peoples Dispatch
Traduit de l’anglais par GL pour Investig’Action

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