Nouvel épisode de la série “Les États-Unis ne veulent pas de la paix en Ukraine”. Alors que le complexe militaro-industriel se frotte les mains pourvu que la guerre dure et que les armes pleuvent, Joe Biden vient de désigner un général au sombre passif pour superviser les livraisons d’armement en Ukraine. Spécialiste des sales besognes, Terry Wolff a déjà beaucoup de sang sur les mains. Ignorant toujours les options diplomatiques, Washington souhaite manifestement que ça coule à flots en Ukraine. (IGA)
Joe Biden vient de désigner comme nouveau tsar de l’armement pour l’Ukraine Terry Wolf qui a déjà beaucoup de sang sur les mains.
Le nouveau job du général trois étoiles consiste à coordonner les livraisons d’armes à l’Ukraine. L’objectif est d’embourber les Russes. Et cela comprend un nouveau paquet d’armes pour 800 millions de dollars que le président Biden a autorisé jeudi dernier.
Originaire d’Elk Grove, en Californie, diplômé de West Point en 1979, Wolff a précédemment formé les forces irakiennes pour le siège meurtrier de Mossoul en 2016. Il a également aidé à planifier les opérations dans la guerre illégale contre l’Afghanistan en tant que directeur principal du Conseil national de sécurité pour le pays.
Entre novembre 2015 et février 2019, Wolff a dirigé la coalition mondiale combattant Daesh en Syrie, une opération qui servait l’objectif inavoué de renverser le régime nationaliste de Bachar el-Assad.
Travaillant tout un temps comme adjoint de Brett McGurk, un agent de liaison avec le dirigeant irakien Nuri al-Maliki, Wolff a aidé à recruter des Peshmergas kurdes qui ont été impliqués dans des assassinats extrajudiciaires de présumés combattants de Daesh.
En 2014, Wolff s’est rendu en Israël dans le cadre d’un programme visant à renforcer la coopération militaire américano-israélienne. En 1999, en tant que commandant de la 1ère division blindée, il a coordonné le déploiement des troupes US au Kosovo.
Cette opération s’inscrivait dans le cadre de l’opération Noble Anvil, dont l’objectif était de donner du pouvoir aux Albanais du Kosovo aux dépens des Serbes qui étaient dirigés par un socialiste, Slobodan Milošević, désireux de maintenir l’unité de la Fédération yougoslave. L’autre objectif de l’opération était d’établir une base militaire US géante au Camp Bondsteel. Au moins 500 civils ont été tués dans les bombardements. 480 écoles et 33 hôpitaux ont par ailleurs été détruits[1].
” Attaques incessantes et illégales “
Lors du siège de Mossoul auquel Wolff a contribué à préparer les troupes irakiennes, les habitants ont été soumis à des “attaques incessantes et illégales”, selon Amnesty International.
Les forces mandataires soutenues par les États-Unis s’étaient enlisées dans une guerre sectaire entre chiites et sunnites, une guerre déclenchée par la désastreuse invasion US de l’Irak en 2003[2].
Des milliers de civils ont été tués, dont plus de 400 par des tirs de roquettes et l’utilisation d’armes explosives puissantes. Le tout sous les auspices de la coalition dirigée par les États-Unis, qui a provoqué de nombreuses blessures dues à des explosions[3].
Le New York Times a décrit un “panorama de destruction dans le quartier de Judida si vaste qu’un habitant a comparé la destruction à celle d’Hiroshima, au Japon [après le largage de la bombe atomique à la fin de la Seconde Guerre mondiale]. Il y avait un bras carbonisé, enveloppé dans un morceau de tissu rouge, qui dépassait des décombres, des secouristes en combinaison rouge qui étaient venus avec des masques pour éviter la puanteur, certains avec des fusils en bandoulière, fouillant les décombres à la recherche de corps“[4].
Bavassant dans une interview avec un journaliste australien, Wolff a présenté Fallujah comme un superbe modèle pour la “libération de Mossoul”.
En 2004, en représailles à l’assassinat de quelques mercenaires de Blackwater, l’armée US a transformé la ville entière en “un monde désolé de bâtiments squelettiques, de maisons détruites par les tanks, de lignes électriques suintantes et de palmiers coupés“, selon les mots du journaliste du New York Times Erik Eckholm[5].
Wolff était personnellement impliqué dans ce massacre alors qu’il était le commandant clé de l’armée durant la campagne d’Al-Anbar de 2003 à 2007. Cette campagne s’appuyait fortement sur les techniques de guerre urbaine pour pacifier la province dominée par les sunnites et dans laquelle se trouvait Fallujah.
Auparavant, Wolff avait été nommé conseiller spécial du président George W. Bush pour l’Irak en raison de son succès dans la formation des forces de sécurité irakiennes. À de nombreuses occasions, ces forces se sont transformées en escadrons de la mort chiites.
Lors d’un briefing diffusé sur C-SPAN en mars 2010 et alors qu’il occupait le poste de commandant du centre de la division US à Bagdad, Wolff a salué les élections qui venaient de se dérouler en Irak. Pourtant, une commission avait interdit 500 candidats de se présenter au parlement en raison de leurs liens avec le parti Baath, le parti de Saddam Hussein. Cette commission était dirigée par Ahmed Chalabi, un escroc qui avait colporté de fausses informations pour soutenir l’invasion US.
Seuls 14 % des Irakiens souhaitaient que le vainqueur, Nouri al-Maliki, reste au pouvoir. Son adversaire à l’élection, Ayad Allawi, était pourtant un voyou lié à la CIA qui avait personnellement exécuté des prisonniers de guerre baasistes avant d’être nommé Premier ministre par intérim en 2004[6].
Encore plus de sang sur les mains de Wolff
Il y aura encore plus de sang sur les mains de Wolff lorsqu’il supervisera l’énorme pipeline d’armes vers l’Ukraine. Cela rappelle la ligne d’approvisionnement des Contras dans les années 1980, le pipeline d’armes croates dans les années 1990 ou encore l’opération Timber Sycamore en Syrie à laquelle Wolff a peut-être participé.
Les principaux bénéficiaires du bazar des armes en Ukraine seront les milices d’extrême droite et néonazies comme le bataillon Azov qui a été intégré à l’armée ukrainienne.
Le colonel à la retraite Douglas Macgregor, ancien conseiller spécial du ministre de la Défense, a déclaré à un journaliste que le peuple ukrainien “est presque accessoire dans l’opération [globale] dans le sens où il est là pour s’empaler sur l’armée russe et mourir en grand nombre, car le véritable objectif de toute cette affaire est la destruction de l’État russe et de Vladimir Poutine.”
Un haut responsable de la défense a déclaré que l’assistance à l’Ukraine que Wolff supervisera peut être déployée incroyablement vite : entre 48 à 72 heures seulement.
L’une des armes présentées est le drone Phoenix Ghost – développé par la société californienne AEVEX Aerospace. Il est comparable au drone Switchblade qui s’écrase sur une cible et explose à l’impact[7].
Les autres armes clés livrées par les États-Unis comprennent : a) des mortiers légers capables de tirer des projectiles et des missiles guidés avec précision sur de longues trajectoires, b) des véhicules blindés, c) davantage de missiles antichars Javelin (un des préférés de Biden), d) des missiles antiaériens Stinger, e) des hélicoptères M-17 et f) les drones Switchblade.
Jusqu’à présent, les Ukrainiens affirment avoir détruit plus de 800 chars et 2 000 autres véhicules russes grâce aux armes étasuniennes et étrangères.
Dans le cadre des nouvelles livraisons, cinq nouveaux bataillons d’artillerie ukrainiens seront équipés de 18 canons à tir rapide et de près de 37.000 munitions pour combattre les Russes dans le Donbas.
Les Russes ont pour leur part publié une note appelant les États-Unis et leurs alliés à mettre fin à la “militarisation irresponsable de l’Ukraine qui implique des conséquences imprévisibles pour la sécurité régionale et internationale.”
La nomination de Wolff signifie malheureusement que cette dernière demande ne sera pas satisfaite, et que davantage de sang sera versé – suivant un modèle propre à la carrière de Wolff.
Source originale: Covert Action Magazine
Traduit de l’anglais par GL pour Investig’Action
Photo: Us Army
Notes:
[1] Voir David Gibbs, First Do No Harm: Humanitarian Intervention and the Destruction of Yugoslavia (Nashville, TN: Vanderbilt University Press, 2009).
[2] Jeremy Kuzmarov, Obama’s Unending Wars: Fronting the Foreign Policy of the Permanent Warfare State (Atlanta: Clarity Press, 2019), 181.
[3] Kuzmarov, Obama’s Unending Wars, 181.
[4] Kuzmarov, Obama’s Unending Wars, 182.
[5] Voir Michael Schwartz, War Without End: The Iraq War in Context (Chicago: Haymarket Books, 2008)
[6] Kuzmarov, Obama’s Unending Wars, 178, 179.
[7] John Ismay, “U.S. to Send Howitzers and Custom Drones to Ukraine as Part of $800 Million in Aid,” The New York Times, April 22, 2022, A8.