La chute des marchés boursiers américains lundi, à la suite de l’escalade de la guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine au sommet de la Communauté économique Asie-Pacifique (APEC) ce week-end, a anéanti tous les gains limités réalisés au début du mois, après une baisse en octobre.
La réunion de l’APEC, qui s’est tenue en Papouasie–Nouvelle–Guinée, s’est terminée dans l’acrimonie, sans qu’aucun communiqué final n’ait pu être publié, après que le vice-président américain, Mike Pence, eut lancé une offensive contre les politiques commerciales et économiques de la Chine visant délibérément à saboter cette réunion.
La réaction sur les marchés américains a été immédiate. L’indice Dow Jones a chuté de 395 points, soit une baisse de 1,56 pour cent après avoir perdu plus de 500 points au cours de la journée, l’indice S&P 500 a reculé de 1,7 pour cent et l’indice NASDAQ à forte intensité technologique de 3 pour cent.
La baisse a été tirée par les actions de haute technologie qui sont sensibles aux tensions accrues de la guerre commerciale en raison de l’effet sur leurs chaînes d’approvisionnement mondiales et de la crainte que les conflits commerciaux réduisent la demande pour leurs produits.
Les marchés s’étaient redressés au début du mois, à la suite des élections américaines de mi-mandat, avec la reprise des négociations entre Washington et Pékin et des déclarations de Trump sur la perspective d’un accord lorsqu’il a rencontré le président chinois, Xi Jinping, au sommet du G20 à Buenos Aires, en Argentine, à la fin du mois.
Cela a été considéré comme indiquant qu’il était possible que l’escalade des droits de douane américains sur des marchandises chinoises d’une valeur de 200 milliards de dollars, de 10 pour cent à 25 pour cent au début de l’année prochaine, soit mise en veilleuse. Cela semble maintenant très improbable.
Dans son discours à la réunion de l’APEC, Pence a répété la menace de Trump d’imposer la hausse tarifaire et a déclaré que les États-Unis « ne changeront pas de cap tant que la Chine ne changera pas ses habitudes ».
La Chine a indiqué qu’elle était disposée à augmenter ses importations de produits américains, dans les domaines de l’agriculture et de l’énergie, afin de réduire le déficit commercial américain et de faire d’autres concessions. Mais cela a été écarté comme étant insuffisant par Washington.
La principale demande des États-Unis est que la Chine entreprenne un changement fondamental dans son économie en abandonnant essentiellement son programme économique « Made in China 2025 » pour l’avancement des industries de haute technologie comme prochaine étape de son développement économique.
Accusant la Chine de vol de droits de propriété intellectuelle, imposant des transferts de technologie forcés et exigeant la fin de ce qu’ils appellent des subventions qui faussent le marché aux industries publiques, les États-Unis considèrent les politiques économiques de la Chine comme une menace directe à son hégémonie économique et finalement militaire.
Pour sa part, la Chine est prête à faire quelques concessions aux États-Unis, mais considère comme non négociable l’exigence qu’elle abandonne son programme économique clé parce qu’elle réduirait la Chine à une position de soumission économique aux États-Unis comme une sorte de semi-colonie.
Le conflit lors de la réunion de l’APEC signifie qu’au lieu que la réunion entre Trump et Xi conduise à un apaisement des tensions commerciales, elle pourrait entraîner une nouvelle escalade. Trump a dit la semaine dernière qu’il avait reçu une longue liste de propositions de Beijing, mais qu’elles n’étaient pas suffisantes et qu’il manquait quatre ou cinq grandes questions.
La Chine ne semble pas garder l’espoir d’un apaisement du conflit avec son principal négociateur commercial, le vice-premier ministre Liu He, qui a annulé son projet de se rendre à Washington pour discuter avec le secrétaire américain au Trésor Steven Mnuchin avant la réunion de Buenos Aires entre Trump et Xi.
Au sujet de l’annulation, le South China Morning Post a cité une source qui a déclaré que le changement soudain de plan était le résultat de « discussions dans les groupes de travail ». Mais les événements du sommet de l’APEC – indiquant que les faucons anti-Chine de l’administration Trump dirigent les opérations – en étaient sans aucun doute la raison principale.
Liu a eu une mauvaise expérience en mai dernier lorsqu’il a conclu un accord avec Mnuchin pour ensuite le voire annulé par Trump quelques jours plus tard.
L’escalade des tensions commerciales n’est pas le seul facteur de la liquidation du marché. Un autre élément clé est le ralentissement de l’économie mondiale et la perspective que l’effet des réductions d’impôt de Trump, qui ont stimulé l’économie américaine cette année, se dissipera en 2019.
Tous les titres qui connaissent la croissance la plus rapide, ceux que l’on appelle les Faangs-Facebook, Apple, Amazon, Netflix et la société mère de Google, Alphabet, sont passés en territoire baissier, leurs actions ayant baissé de 20 pour cent depuis leur sommet.
Apple a chuté de 4 pour cent hier à la suite d’un article paru dans le Wall Street Journal selon lequel elle avait réduit ses commandes de production pour les trois modèles d’iPhone en septembre. Le rapport faisait suite à l’annonce qu’une série de fournisseurs d’Apple avaient abaissé leurs prévisions de bénéfices.
Les actions de l’une de ces sociétés, Lumentum Holdings, ont chuté de 33 pour cent la semaine dernière après avoir reçu « une demande de l’un des plus grands industriels et consommateurs » de « réduire sensiblement » l’offre de capteurs 3D qui alimentent la technologie de reconnaissance faciale sur les derniers iPhone.
Le recul des marchés américains s’inscrit dans une tendance mondiale émergente. Le Financial Times a rapporté que les marchés obligataires et boursiers mondiaux se sont contractés de 5 milliards de dollars depuis le début de l’année, ce qui les place sur la voie de la pire année depuis la crise financière de 2008 où ils avaient perdu un total de 18 billions de dollars.
La baisse a lieu dans un contexte de ralentissement de l’économie mondiale. En 2017, la perspective d’une croissance mondiale « synchronisée » a été écartée. Mais c’est maintenant chose du passé.
Plus tôt ce mois-ci, il a été rapporté que le produit intérieur brut en Allemagne, la principale économie européenne, s’est contracté à un taux annualisé de 0,8 pour cent au troisième trimestre. Il s’agit de la première baisse trimestrielle en trois ans et demi, tandis que l’économie de la zone euro a progressé à un taux annualisé de 0,7 pour cent au cours de la même période, sa plus faible performance depuis début 2013.
L’économie américaine a maintenu un taux de croissance supérieur à 3 pour cent, stimulée par les mesures de relance prises par l’administration Trump en matière d’impôt sur le revenu des sociétés et des particuliers. Mais l’affirmation de Trump selon laquelle cela serait « fantastique pour l’économie » et conduirait à une augmentation des investissements et à une expansion soutenue a été révélée pour la fraude qu’elle a toujours été.
Le mois dernier, la National Association for Business Economics (NABE) a rapporté que, bien que ses membres aient fait état d’une augmentation des ventes et d’une amélioration des marges bénéficiaires au troisième trimestre, les réductions d’impôt n’ont pas eu d’incidence générale sur les plans de recrutement et d’investissement.
La majeure partie de l’augmentation des liquidités a servi à financer des rachats d’actions plutôt qu’à stimuler l’investissement et l’expansion économique, et l’élan va maintenant commencer à se dissiper dans des conditions où l’économie mondiale commence à entrer dans une période de ralentissement « synchronisé » au milieu de conflits commerciaux croissants.
Source: WSWS