Le bruit des bottes en Indopacifique

Parallèlement à leur soutien indéfectible envers Israël, État colonial et génocidaire en Palestine, les États-Unis de Biden - alias « Genocide Joe » - ont renforcé leur coopération militaire avec le Japon. Cet autre « allié » totalement soumis aux objectifs impérialistes des USA. Dans la ligne de mire américano-japonaise : la mer de Chine ou ce nœud stratégique, riche en hydrocarbures et point de transit de plus d'un quart du commerce mondial (I'A)...

Le 10 avril dernier, le président Joe Biden recevait, pour un dîner d’État, le premier ministre japonais Fumio Kishida. A cette occasion, il a annoncé la mise en œuvre d’un programme de défense conjoint entre le Japon et les États-Unis.

Lors de la conférence de presse tenue à cette occasion, Joe Biden a décrit les objectifs de ce programme comme suit :« Le programme commun de défense vise à la mise en œuvre d’étapes significatives pour moderniser les structures de commandement et de contrôle. Nous augmentons l’interopérabilité et la planification de nos armées afin qu’elles puissent travailler ensemble d’une façon efficace et sans accroc. » .

En traduisant cette langue de bois, cela signifie que le Japon et les États-Unis ont décidé d’installer un commandement militaire conjoint pour contrecarrer les pseudo-menaces chinoises dans la zone Indopacifique.

Rappelons que les États-Unis sont déjà militairement présents au Japon avec 54 000 soldats stationnés au sol, avec des bases navales et des aéroports militaires, en particulier ceux de Kadena et d’Okinawa hébergeant des bombardiers stratégiques à long rayon d’action.


Budget de 52 milliards de dollars


Rappelons également qu’en 2022 le gouvernement japonais a lancé son plus grand programme d’armement depuis la fin de la seconde guerre mondiale. Pour l’année 2024, le Japon a annoncé un budget militaire de 52 milliards de dollars, soit une hausse de 47 % en comparaison à celui de 2022…

L’objectif annoncé est de doubler le budget militaire, en quatre ans, en le faisant passer de 1 % du Produit Intérieur Brut à 2 %. Cette hausse inédite se déploie alors que le gouvernement japonais annonce, depuis 2012, son intention de modifier la Constitution japonaise qui interdit au pays de mener toute guerre en dehors du territoire national.

L’article 9 de la Constitution japonaise stipule en effet que : « Aspirant sincèrement à une paix internationale fondée sur la justice et l’ordre, le peuple japonais renonce à jamais à la guerre en tant que droit souverain de la nation, ou à la menace, ou à l’usage de la force comme moyen de règlement des conflits internationaux ».

Cet article constitutionnel est un héritage direct du traumatisme des bombardements atomiques barbares d’Hiroshima et de Nagasaki.

L’opinion publique y est très attachée et est descendue, en masses, dans les rues à chaque fois qu’il a été question de le modifier. Cet article a été considéré comme tellement important, au moment de cette adoption en 1947, que des conditions draconiennes ont été prévue pour le modifier ; à savoir : une majorité des deux tiers dans chacune des deux chambres parlementaires et une approbation par référendum par les électeurs.

Tournant militaire japonais


En conséquence, la remise en cause de cette disposition constitutionnelle prend des formes détournées. Ainsi, en 2016, une loi ne remettant pas en cause l’article 9 le complète néanmoins avec un droit pour le Japon de participer à des opérations « d’auto-défense collective » en… accompagnant les opérations de défense de ses alliés.

Le sommet américano-japonais s’est également conclut par l’adoption d’un programme conjoint pour la production d’armes. Ces décisions et déclarations indiquent, indéniablement, un tournant dans la politique militaire japonaise que le Premier ministre nippon a résumé comme suit, lors du sommet :

« Je sens bien un courant sous-jacent chez des Américains qui doutent du rôle qui devrait être le vôtre dans le monde. Ce doute croît au moment où l’Histoire se trouve à un tournant. L’ère de la Guerre froide est déjà derrière nous et nous nous trouvons maintenant à un point de bascule qui va définir la prochaine étape de l’histoire de l’humanité […] Je veux m’adresser à ces Américains qui ressentent la solitude et la fatigue d’un pays qui a défendu l’ordre international presque tout seul. Je comprends qu’il s’agit là d’une lourde charge que celle de soutenir de tels espoirs sur vos épaules. Les États-Unis ne doivent pas être seuls à tout faire. Vous êtes notre plus proche ami, le peuple japonais est avec vous, côte à côte, pour garantir la survie de la liberté. […] Nous sommes sur le pont, nous ferons notre part. Nous sommes prêts pour faire ce qui est nécessaire. Vous n’êtes pas seuls. Nous sommes avec vous ».

Dans la même journée, se tenait un autre sommet, réunissant le Japon, les Philippines et les États-Unis, pour réagir en commun contre « la posture agressive de la Chine contre les navires de pêches ou militaires » philippins. Le président des Philippines, Ferdinand Marcos Junior y annonçait son objectif de « retourner la situation et isoler la Chine ».

Ces déclarations belliqueuses interviennent dans le contexte du déroulement d’exercices aéronaval conjoints des États-Unis, de l’Australie, des Philippines et du Japon en mer de Chine, le 7 avril dernier. Cette mer, riche en réserves d’hydrocarbures et par laquelle transite chaque année plus du quart du commerce mondial, est, avec le Moyen Orient, un des deux principaux nœuds stratégiques mondiaux.

Contrecarrer et isoler la Chine


L
a zone Indopacifique, et en particulier la mer de Chine, est considérée comme hautement stratégique par les États-Unis depuis 2011 et l’adoption, par Washington, de sa stratégie dite du « pivot asiatique ». Les objectifs explicites de cette stratégie sont, selon la secrétaire d’État de l’époque Hillary Clinton : « L’Asie au cœur de la politique américaine ».

Ici aussi, il convient de traduire cette langue de bois. A savoir : renforcer l’engagement militaire, économique et diplomatique dans la zone indopacifique pour contrecarrer le développement économique de la Chine. Concrètement cela signifie que, depuis 2011, 60 % de la flotte états-unienne a été déployé dans le Pacifique.

Au-delà des discours de propagande de guerre états-uniens sur « la menace chinoise », l’objectif des USA est d’abord économique, estime une note du réseau d’analyse stratégique d’octobre 2021 : « La stratégie du pivot américain vers l’Asie, lancée par l’administration Obama en 2011, vient en réaction à l’important changement structurel que représente l’essor économique de la Chine… ».

Outre l’aspect militaire, la stratégie du pivot asiatique comprend un aspect économique sous la forme de sanctions économiques et de tarifs douaniers pénalisant. Biden a résumé ses intentions économiques en ces termes : « Faire de la région un espace libre, ouvert, inclusif… [et] ancré par des valeurs démocratiques et libre de toute contrainte ».


Aveux nord-américains et nœuds stratégiques


Enfin, cette stratégie utilise aussi le volet des menaces. Dans la foulée de ces sommets, le gouvernement des États-Unis a dénoncé officiellement, le 12 avril, « l’aide chinoise à la Russie qui lui permet de mener sa plus importante expansion militaire depuis l’ère soviétique, et à un rythme plus élevé que ce que nous pensions possible au début de la guerre en Ukraine. Les États-Unis encouragent Pékin à jouer au contraire un rôle constructif dans le conflit. Nous espérons que nos alliés se joindront à nous ».

La Chine est ainsi accusée de vendre des composants électroniques, des machines-outils et des explosifs à la Russie, permettant ainsi à cette dernière de tenir durablement la guerre en Ukraine.

Ces déclarations sonnent comme un triple aveu états-unien : celui d’avoir sous-estimé les capacités militaires russes ; celui d’avoir sous-estimé les liens entre Moscou et Pékin et l’aveu des difficultés rencontrés avec certains alliés, notamment l’Allemagne qui entretient des liens économiques poussés avec la Chine.

Le Moyen-Orient et l’Indopacifique sont les nœuds stratégiques les plus importants à l’échelle mondiale. Le premier est le lieu d’un génocide innommable avec le soutien absolu de Washington. Le second est envahi par les bruits des bottes militaires. Plus que jamais un vaste mouvement de la paix, populaire et mondial, est nécessaire et urgent.

Saïd Bouamama


Pour aller plus loin :

Pierre-Antoine Donnet, La confrontation sino-américaine en Asie de l’Est s’envenime, Asyalyst du 13 avril 2024, consultable sur le site https://asialyst.com

Jeanne Milot-Poulin, Rachel Sarfati, Jonathan Paquin , Le pivot stratégique américain dans l’espace indopacifique, consultable sur le site du réseau d’analyse stratégique : https://ras-nsa.ca/fr


Source : Investig’Action

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